Fyctia
3.2 Maxine
Après un libanais avalé sur le pouce, nous voilà au mythique Grand Rex. C’est bondé. Sam s’est bien gardé de me prévenir que c’est une avant-première. Je regrette déjà le canapé-Netflix. Il m’apprend que la super star du film, Eden Turner, est attendue ce soir. Je comprends mieux pourquoi une foule de mini-jupes patiente avec nous. On se croirait plus à l’entrée d’une boîte de nuit qu’à celle d’un ciné. À 28 ans, c’est la première fois que je me retrouve à un événement pareil. Et pour cause : je déteste les files d’attente, et encore plus m’extasier sur des humains, juste parce qu’ils passent à la télé.
— Eh bien ! On se croirait au Festival de Cannes ! m’écrié-je avec sarcasme.
— Ben oui, c’est une avant-première bichette.
— Sans déc. Je ne pige pas cette hystérie. Ce n’est pas comme si on allait se déchaîner devant un concert ! Elles vont aussi sortir les briquets pour les scènes émouvantes ?
Sam secoue la tête de dépit.
— Rabat-joie ! il pouffe. Laisse-nous nous rincer l’œil tranquillement.
— Tout ce que ces nanas vont gagner, c’est une culotte humide et une crampe au bide !
Mon ami éclate de rire, pendant qu’une mère tourne sa fille dans l’autre sens en me jugeant de ses yeux revolvers. Elle est à deux doigts de lui boucher les oreilles. Comme si son adolescente l’avait traînée ici par amour pour les films d’action.
Tu peux faire l’autruche ! Ta progéniture n’est pas sur Terre grâce au Saint-Esprit !
Vingt minutes plus tard, les pieds en compote et une douche qui me paraît déjà lointaine, nous sommes enfin sur nos sièges. Pas trop mal placés d’ailleurs.
Mon ami profite de ce moment pour me relater ses (nombreuses) nouvelles conquêtes. Fred, Cyril, Ben… difficile à suivre ou à identifier. Il n’a que des photos de bites à me montrer. Comme toujours.
— Tu kiffes les chauves, ma parole ! je le taquine.
Il réplique par un coup d’épaule en se marrant. Personnellement, je ne suis pas fan des dick pics, mais chacun son truc. Loin de l’arrêter, il poursuit avec des détails dont je me serais bien passé. Mais il y met tellement d’entrain que j’explose de rire. Sam est aussi sexy que maladroit, même au pieu apparemment. Il termine par sa fixette du moment. Celui qu'il n'arrive pas à harponner.
On veut toujours ce qu'on ne peut pas avoir, n’est-ce pas ? Ou peut-être que le challenge nous excite davantage.
Quand vient mon tour, je résume mes deux derniers mois en trois mots : manger, bosser, dormir. Le roi des potins reste sur sa faim.
— C’est tout ? Merde, chérie, ce n’est pas très bandant. Et Apéro Land alors ?
L’ancien corps de ferme où je vis a été transformé en une sorte de résidence. Toutes les dépendances, les granges et les vieilles maisons ont été réhabilitées en habitation. On l’a baptisé Apéro Land parce que l’endroit ressemble à une colonie de vacances. Enfin, une colo quatre étoiles, pour adultes. On est entouré par la forêt et il y a même un terrain de pétanque. Quatre de mes potes, dont ma meilleure amie Billie, logent dans une grande colocation, et moi, dans une maisonnette. Un joyeux bordel. Je n’ai qu’à traverser la cour pour décompresser. Bonne nouvelle pour mon permis de conduire, beaucoup moins pour mon foie.
— La routine, dis-je en haussant les épaules.
En gros, beuverie, pétanque et karaoké. Enfin, quand je trouve la force de sortir après ma journée.
— Tu baises toujours avec le petit coloc au moins ?
— Nathan ? Négatif, je grimace.
— Laisse-moi deviner. Cet idiot a eu le culot de s’attacher ?
Idiot ? Traître, oui !
— Affirmatif ! je confirme, ignorant son sarcasme.
La dernière fois, Nathan s’est endormi dans mon lit en me faisant des papouilles. Tranquille.
Tranquille !
Ce con a mis un tel bordel dans mon cerveau que tout clignotait rouge là-dedans. La seule réaction dont j’ai été capable, c’était de rouler hors du lit comme un saucisson sec. Je me suis écrasée face contre terre dans un bruit sourd. Nom d’un chien, ça fait mal ! Même si au moins, ç’a eu le mérite de réveiller l’autre Tranquillou Jean-Minou. La suite me revient comme si c’était hier :
— Ça va Max ?
Je me relevai en faisant la moue.
— Il est vraiment trop petit ce lit pour pioncer à deux.
Nathan regarda autour de lui, intrigué. Vérifiant que c’était bien un deux places. Celui où on venait de baiser dans tous les sens.
— Ça va quand on s’empile, mais là… j’argumentai. Je me lève tôt demain.
Après ça, il a compris et il est rentré chez lui. J’avoue avoir eu un peu de peine pour lui. Mais, c’était le deal. Je ne fais plus dans les trucs de couple. Plus jamais. S’il a cru pouvoir me changer (comme l’autre) ou s’il n’a pas saisi, c’est son problème.
— Ça n'a pas jeté un froid à la coloc ? s’inquiète Sam.
— Pour l'instant non. J'esquive. Je fais comme si de rien n’était.
— Et ça marche, ça ? il se moque.
— Franchement, je sais bien faire l'ignorante et je suis à moitié blonde, mec. Ça passe toujours.
Je lui montre les derniers textos échangés avec Nathan. À chaque question chiante, je botte en touche, tout en le recadrant dans la friendzone.
— C'est du génie, non ?
— Mouais… pouffe mon pote. Lui aussi fait semblant de ne pas piger. Il sait bien qu'il a merdé, il essaye juste de rattraper le truc.
Je hausse les épaules. Tant pis pour Nathan, je n’ai plus de pitié pour ceux qui font abstraction de mes choix. Il n'avait qu'à s'en tenir au plan. Celui avec un Q.
— Du coup, tu n'as plus de plan baise à domicile, et tu n'as plus le temps de sortir de chez toi pour en trouver un autre... comment tu vas faire ?
Son ton de drama queen me fait éclater de rire. Je brandis deux doigts en chantant ma version de « I don't need a man, I have my fingers… » des Pussycat Dolls. Sam secoue la tête puis m'accompagne en se dandinant sur son siège, pendant que les mères autour de nous, nous observent, atterrées.
— Tu vas enfin tester Tinder ? reprend-il.
Je fais mine de vomir.
— J’ai trop d’exigences pour ces machins.
Sam lève les yeux au ciel. J’ai déjà essayé ces applications. Je préfère les rencontres à l’ancienne. Pas de filtre ou de Facetune pour me flouer. Pas non plus envie de supporter les photos et les messages salaces d'inconnus qui me sèchent la culotte plus vite qu’un Dyson.
— Décidément, ta vie ressemble à un film d’auteur : chiante à mourir, me tacle Sam.
Je m’offusque avec une tape et un regard noir. Mais soyons honnêtes : il n’a pas vraiment tort. Même si ça me coûte de l’admettre.
La salle s’assombrit, signalant le début de la séance, me sauvant par la même occasion de cette conversation qui commençait à me plomber le moral. Avec la montagne de boulot qui m’attend, ma situation ne risque pas de changer de sitôt.
— Merde. J’ai envie de pisser, dis-je au bout de deux minutes.
— Maintenant ? T'aurais pu y penser avant !
— Ben, j’avais pas envie avant !
Faux !
Je déteste juste les toilettes publiques. J’ai été trop optimiste sur ma capacité à me retenir.
— Ça dure toujours une plombe les pubs et les bandes-annonces de toute façon, non ? Tu crois que j’ai le temps ?
— Magne-toi Max !
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Juliette Delh
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Il y a 3 mois
Louisa Manel
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Il y a 3 mois
birdyli
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Il y a 3 mois
M.G. Margerie
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Cara Loventi
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PICOT
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EvaBerry
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Justine_De_Beaussier
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Emma Chapon
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Il y a 5 mois