Fyctia

Je rejoins mon petit frère dans le salon dès mon arrivée. Je m’affale dans le canapé à côté de lui et me laisse hypnotiser par sa partie de Mario Kart. L’adrénaline qui m’a tenu tout au long du rendez-vous est retombée, je me sens lessivé.

Putain de journée.

Noah me jette un œil furtif que je n’ai pas de mal à l’interpréter. Il est au courant. Mais je redoute d’entendre ce qu’il en pense. Je déteste le décevoir. Je veux rester son héros. Depuis ma rupture avec Kylie, il est souvent chez moi, alors qu’il devrait profiter de ses années d’études et de sa confrérie à UCLA. Il est ma bouée de sauvetage, le seul qui compte. Je ne le mérite pas. J’ai dû foutre un bordel monstre dans sa vie avec toutes mes conneries. Et à vrai dire, je ne m’étais pas posé la question avant aujourd’hui. Je suis vraiment un grand frère de merde. Heureusement, Noah est beaucoup plus cool que moi. Il l’a toujours été. Tout lui glisse dessus. J’aimerais lui ressembler davantage. Parfois, je me demande comment il fait. Comme si on n’avait pas eu la même enfance. J’adorerais détenir ce super pouvoir.

— Alors ? me lance-t-il sans quitter l’écran des yeux.

— Toujours pas de champagne.

— Sans blague… Et ?

Son sarcasme en dit déjà long. Ça n’annonce rien de bon.

— Je pars dans trois semaines pour la promo de Never Back en Europe, je lui réponds d’une voix plate. Ensuite, j’enchaîne avec la suite du tournage des Virtuoses en France. Tu seras tranquille pendant quelques mois.

Noah soupire, secoue la tête, et s’énerve sur sa manette.

— Bien. Super. Tant mieux.

Ses mots me frappent tant son ton est sec. J’aurais aimé qu’il me contredise.

— Donc, tout roule ? il insiste.

Je me racle la gorge pour enlever le nœud qui m’étrangle. Mes yeux deviennent trop humides à mon goût.

Non. Rien ne va. J’ai fait n’importe quoi. J’ai honte. J’ai la gueule de bois. Je suis épuisé et j’ai envie de chialer.

— Hum… j’élude en haussant les épaules.

Il met sa partie sur pause et se tourne face à moi.

— Effectivement, t’as l’air de péter la forme.

Mon menton tremble. Je passe une main sur mon visage pour esquiver son regard, mais c’est trop tard. Une larme coule déjà sur ma joue.

— Je suis une putain de loque.

— Voilà. Fais pas le dur avec moi. Allez, viens-là.

Il m’attire dans ses bras et je m’effondre aussi facilement qu’un château de cartes.

Ce câlin m’apaise un peu, et après quelques minutes, j’ai repris un semblant de contenance.

— Maintenant, raconte-moi en détail à quelle sauce t’as bouffé Bradley.

— Il m’a simplement mis un miroir devant les yeux. Pour que je réalise que j’étais en train de tout foutre en l’air.

Noah tape dans ses mains et mime un chapeau bas.

— J’aurais jamais cru dire ça, mais j’ai presque envie de lui envoyer une lettre d’amour !

Je souris, puis lui détaille le reste de mon entretien.

— Bradley a raison. T’éloigner quelques mois ne peut te faire que du bien, il m’encourage.

— Mouais… je hausse les épaules. Je sais déjà comment ça va se passer. Je vais être tout seul à cogiter, et je vais péter un plomb.

— Mais non ! Tu te feras des potes sur place ! Comme quand on était gamin !

J’arque un sourcil dubitatif. Je comprends qu’il fait référence à nos trop nombreuses participations à des colos ou camps de vacances durant notre adolescence. Hélas, ça n’a rien à voir.

— Bradley m'a interdit de fréquenter le milieu, je te rappelle.

Silence. Il se gratte la tête.

— Ah, ouais, exact. Bon, il y aura John, non ?

— Sérieusement ? On parle de John, j’insiste sur le prénom.

Noah me tire une grimace qui me donne raison. On sait tous les deux que mon garde du corps, n'est ni un bavard ni un rigolo !

— Hum, pas faux ! il s’esclaffe. Mais… j’ai un bon pressentiment.

— Vraiment ?

J’esquisse une moue sceptique.

— Ouais ! Et t’inquiètes, je viendrai te rejoindre pour les vacances de Noël.

— C’est dans super longtemps ! je m’offusque.

— Mais nonnnn… Et d’ici là, on s’appellera en visio !

— OK… je grommelle.

— J’ai pas bien entendu ? il m’encourage, sa main en coupe derrière l’oreille.

Je répète en criant pour lui faire plaisir. Ma confiance en moi frôle la nappe phréatique et de longs mois de solitude m'attendent. Qui sait si je parviendrai à tenir mes engagements sans devenir fou ?

***

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3. Ta vie ressemble à un film d’auteur - Maxine