Fyctia
Chapitre 24
Trois semaines se sont écoulées depuis la dispute. Même si la tension s'est apaisée l'ambiance à la maison n'est plus la même. Plus les jours passent et plus ma chambre se remplie de cartons. Maintenant que les cours sont terminés et que j'ai officiellement annoncé à tout le monde que j'étais prise à Harvard mes journées se concentrent sur le déménagement et profiter des vacances. Je vais presque tous les jours à la crique, parfois avec Jasper dans l'après-midi pour se baigner. Avec Mace on a instauré une petite tradition, on va souvent dîner et passer une partie de la soirée là-bas à regarder les étoiles et profiter de la fraîcheur de la nuit.
Je suis repassée un certain nombre de fois au GQ mais je n'ai rien découvert de nouveau. Il parait que ma mère est en vacances. Sarah m'a confié qu'elle était partie le lendemain de mon acceptation. C'est vraiment étrange comme réaction mais ça m'arrange un peu. Je n'ai rien à lui dire. Comme je suis prise dans une des meilleurs universités du pays l'Odyssey ne me confie pas de mission, ils espèrent que plus tard, mon métier me permettra de les aider. Quelle erreur de débutant! S'il savait ce que je leur réserve. Une chose a vraiment changé. Je ne suis pas une simple recrue, quand je me balade dans les couloirs du QG tout le monde me respecte. J'ai même recroisé Logan, le garçon avec qui je me suis battue ce soir-là. Quand il a vu que j'étais avec Mace il s'est excusé et a fait profil bas. Je dois avouer que ce n'est pas pour me déplaire. Je suis libre d'aller et venir à ma guise, personne ne chercher à savoir ce que je fais, je ne suis pas surveillée. Je peux jouer les petites fouines comme bon me semble. Après presque un mois de tranquillité il va falloir que je commence à poser quelques petites questions par-ci par-là.
Mace ne me parle jamais de l'Odyssey. Quand on se voit il agit comme si nous étions un couple lambda. J'ai tenté d'aborder le sujet de sa mère une ou deux fois mais il reste très discret. Plus le temps passe et plus je m'aperçois à quel point il tient à moi.
Mon père ne me met plus la pression, on dirait que ce que je lui ai dit l'a fait réfléchir. Je m'en veux d'avoir été aussi brutale mais je crois que le contre-coup des derniers évènements est arrivé aux mêmes moments. Il y a encore quelques mois j'étais une adolescente comme tant d'autres dont la préoccupation principale était de rentrer dans l'université de ses rêves.Prise dans le rythme je ne m'étais pas aperçue à quel point ma vie a changé. Est-ce que tout ce qui m'est arrivé n'est qu'un mal? Il est temps que je me change les idées, à force de ne penser qu'à ça je tourne en rond.
J'enfile mon maillot de bain à toute vitesse et attrape mon sac. J'enfourche mon vélo et pédale à toute vitesse sur les petites routes. La chaleur est étouffante mais l'idée de pouvoir me baigner dans quelques minutes me pousse à redoubler d'effort.
La petite plage est bondée. On a beau être au début des vacances d'été beaucoup d'entre nous sont encore là, et certains le resteront jusqu'à la fin. On est dans une petite ville, beaucoup de famille n'ont pas forcément les moyens de partir mais on a tout à proximité. Personne ne s'ennuie vraiment. L'avantage de vivre ici c'est que tout le monde se connait, les rues sont sures, les enfants se baladent ensemble dans la journée pendant que les adultes travaillent. La crique est plutôt le repaire des lycéens et des amoureux à la tombée de la nuit. Ceux qui ont une voiture vont passer leurs soirées à la plage, à quelques kilomètres de là et il n'est pas rare d'y voir des feux de camps en tout genre pour célébrer la fin des cours.
Demain c'est la fête nationale. Le 4 juillet a toujours été une journée spéciale dans notre quartier. Notre rue organise un barbecue géant. Rien qu'en y pensant j'ai l'impression de sentir l'odeur des saucisses sur le feu.
Ça fait tellement de bien de passer un après-midi seule, avec un bon livre. Mace m'a envoyé un message tout à l'heure pour me dire qu'il m'invitait au restaurant ce soir. Il ne m'a toujours pas dit dans quelle université il comptait aller à la rentrée mais j'ai bien vu que le fait que je parte pour Harvard l'embêtait un peu. J'espère simplement que ce restaurant n'est pas porteur de mauvaises nouvelles. Maintenant qu'il me parait vraiment amoureux de moi je vais pouvoir commencer à lui soutirer des informations. Avec mon air innocent il ne verra rien venir. Sur tout le chemin du retour je réfléchis à la manière dont je vais devoir m'y prendre pour le pousser à me livrer les secrets de sa mère. Il faut que je comprenne pourquoi il ne m'a jamais l'air enthousiaste d'être là-bas. Tout le monde a une faille et la sienne m'a l'air cachée au coeur du QG.
J'ai hésité pendant des années entre une carrière artistique et la psychologie mais quand je vois ma vie en ce moment je me dis que l'art me permettra de m'évader alors que la psychologie m'y replongera sans cesse. Je n'ai envie que d'une chose: reprendre le cours de ma vie. Je veux aller à l'université et y vivre les plus belles années de ma jeunesse, sortir, profiter et vivre librement. La rentrée est dans deux mois et je ne veux pas avoir le spectre de l'Odyssey collé à moi comme ma propre ombre là-bas. Deux mois pour détruire toute leur organisation ça me parait vraiment impossible. Une fois les informations récupérées il faut encore que je vois laquelle je vais utiliser et comment je vais le faire. Je dois frapper un grand coup, faire quelque chose d'une ampleur inimaginable. Il faut qu'en une fois toute l'Odyssey s'effondre, que tout le monde sache ce qu'il se passe vraiment, quelles sont leurs intentions. Il faut que les gens qui ont perdu des personnes sachent ce qu'il se passe vraiment, que les médias en parlent, que plus personne ne tente de les rejoindre. Elle ne doit pas être affaiblie, elle doit être détruite. Avant je me moquais complètement des conséquences que cet acte pouvait avoir mais maintenant que je sais que je risque de détruire la famille de Mace les choses ont changé. Je me rends bien compte que je mets moins d'ardeur dans mes recherches. Je cherche quelque chose pour le protéger. J'ai beau essayer de me voiler la face je ressens vraiment quelque chose pour lui. Je déteste penser que ça pourrait être de l'amour car je sais que ça ne pourra que me faire souffrir. On ne peut pas construire de relation stable avec quelqu'un à qui on ment et dont on va détruire la famille. Si je n'étais pas égoïste j'aurais rompu avec lui mais j'ai besoin de lui pour réussir mon coup.
Le coeur serré je me dépêche de rentrer et de me préparer pour notre soirée. Mes pensées sont tellement loin de cette chambre que je fouille dans mon armoire sans vraiment y prêter attention. J'agis comme un automate. Ce soir sera notre dernière soirée d'innocence avant que je lance la phase B du plan.
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