Fyctia

La nuit dernière a été absolument parfaite. J'avais déjà eu quelques relations avant lui mais je ne m'étais jamais sentie autant en adéquation avec mon partenaire. J'avais déjà eu un orgasme mais je n'avais jamais vraiment compris le sens de l'expression "monter au septième ciel". Je revois ses mains et ses lèvres sur ma peau. J'avais l'impression que nos gémissement résonnaient dans la pièce. Je me suis sentie parfaitement à ma place, plus vivante et libre que je ne l'aie jamais été.

Mace est déjà réveillé, j'entends des bruits de vaisselle dans la cuisine. Intriguée, je lui vole un tee-shirt et le rejoins. Qu'est-ce qu'il y a de mieux que de voir son copain simplement vêtu d'un caleçon en train de préparer des pancakes qui sentent délicieusement bon? Un vrai paradis aussi bien pour les yeux que pour le nez.

-Cuisinier en plus de ça?

Il se retourne et me sourit. Il vient m'embrasser rapidement avant de repartir derrière les fourneaux.

-C'est juste des pancakes, rien de bien exceptionnel. Viens plutôt t'assoir tu dois être affamée.

Si nos ventres ne gargouillaient pas autant je pourrais y voir un sous-entendu mais je crois que les pancakes sont réellement notre plus grande préoccupation. Ils sont délicieux. Si je pouvais j'aimerais pouvoir arrêter le temps et faire en sorte que cet instant avec lui et ce petit-déjeuner restent ainsi pour toujours. Bon peut-être pas pour toujours, je finirais par me lasser de manger indéfiniment la même chose mais je le ferais bien se poursuivre encore quelques heures.

-Alors ça fait quoi d'être un membre officiel de l'Odyssey?

Il n'y a aucune excitation dans sa voix. Maintenant que je sais ce qu'il me cachait je trouve sa réaction bizarre. Il m'a défendue contre sa mère, s'est inquiété pour moi durant l'épreuve et s'est dépêché de me sortir du bâtiment après ma réussite. Tout le monde était tellement content. Personne ne faisait la tête même Sarah semblait réellement heureuse pour moi. Elle est venue me serrer dans ses bras et m'a confiée à quel point elle était fière de moi. Je n'ai pas vu ma mère mais je suis sure qu'elle a tout vu. D'ailleurs il faudra que je parte à sa recherche rapidement, après tout j'ai quand même dit que je voulais les rejoindre, en partie, parce qu'elle me manquait alors ça pourrait paraître suspect que je ne cherche pas à la voir.

Je prends une bonne douche chaude et remets les vêtements que j'avais la veille au dîner. J'aurais vraiment dû prévoir des vêtements de rechange. Mace voulait me raccompagner mais je lui ai assuré qu'il était plus prudent que je prenne le bus pour rentrer. Je ne vais pas pouvoir échapper à la confrontation avec mon père alors autant ne pas envenimer les choses encore plus. Ça y est l'heure de quitter mon petit havre de paix est arrivée. Je n'ai vraiment pas envie de partir.

Les écouteurs vissés dans mes oreilles je regarde le va-et-vient des autres passagers dans le bus. Il y a ceux qui vont travailler, tristes de ne pas pouvoir profiter du week-end comme les autres. Ceux qui vont faire leurs dernières révisions, reconnaissables par leurs sacs à dos remplis à craquer et leurs mines encore toutes ensommeillées. Et enfin il y a ceux qui rentrent seulement maintenant de leur soirée. Autant vous dire que ce sont ceux qui sont le plus reconnaissable.

J'ai toujours détesté le bus. J'ai l'impression de faire du sur-place avec tous ces arrêts. J'aurais mis deux fois moins de temps à faire le même trajet en vélo et au moins trois fois moins en moto. Le soleil chauffe déjà et j'espère pouvoir aller faire un tour à la crique cet après-midi pour me rafraichir.

Une fois arrivée à l'arrêt j'effectue les derniers mètres qui me séparent de la maison avec une angoisse grandissante. Dans quelques mois je ne serais plus à la maison, j'intègrerais une grande université et il faudra que mon père s'occupe de Jasper. On a huit ans d'écart et le jour où j'ai appris que j'allais avoir un petit frère a été le plus beau jour de mon enfance. Dès qu'il est né j'ai ressenti ce besoin de le protéger. Mes parents me disaient souvent que je n'étais que sa soeur et que je pouvais aller jouer avec les autres dehors ou dans ma chambre mais je préférais de loin rester à veiller sur lui. Aujourd'hui je me plains à l'idée de devoir le conduire partout quand j'aurais une voiture mais au fonde ça ne me gêne pas tant que ça. J'ai surtout envie que notre père s'implique dans sa vie. Il mérite d'avoir une famille heureuse ou du moins la plus heureuse possible. J'ai fait ce deuil il y a des mois déjà mais je ne veux pas qu'il le fasse, pas à son âge. Mon père va devoir se relever de sa dépression parce que, quand je ne serais plus là, il sera seul à élever mon frère si je ne parviens pas à ramener ma mère. Jasper a besoin de son père. J'ai besoin de lui aussi, je vais bientôt plonger dans l'inconnu. Il devrait être en train de me sermonner sur le fait que je ne dois pas me laisser distraire de mes études et qu'il ne faut pas que je sorte avec trop de garçons. Au lieu de ça il ne se concentre que sur l'Odyssey.

Je chasse toutes ces pensées une fois devant la porte. Après avoir pris une grande inspiration je rentre. J'entends le bruit de la télévision dans le salon, sûrement des dessins animés. Des bruits de casseroles et de poêles retentissent dans la cuisine. Pas la peine de chercher longtemps pour le trouver.

-Je suis rentrée.

-Assis-toi. Il faut qu'on parle.

Il s'est levé du pied gauche ou quoi? Je me doutais bien que la joie et la bonne humeur ne seraient pas au rendez-vous mais je n'imaginais pas qu'il serait aussi glacial. Je ne prends même pas la peine de répondre, je me contente de poser mon sac sur la table et de m'assoir en attendant qu'il finisse son petit discours.

-Tu m'as menti au sujet de la moto hier soir? Qu'est-ce que tu croyais? Que parce qu'il l'a garée une rue plus loin je n'allais pas l'entendre? Je peux savoir ce qui t'es passé par la tête?Je t'ai déjà dit des centaines de fois que c'était dangereux. Je ne t'ai jamais vu aussi inconsciente. Je t'interdis de remonter sur ce bolide, est-ce que c'est clair?

-Tu trouves ça dangereux? Plus dangereux que demander à ta fille d'intégrer une secte dans l'espoir de retrouver la femme de ta vie qui a fait le choix de les rejoindre? Rien n'est plus dangereux que la petite mission que tu m'as donnée. Quand est-ce que tu vas comprendre qu'elle est partie et que tes enfants ont besoin de toi? Pour ton information j'ai réussi l'épreuve de l'initiation et Mace est le fils de la fondatrice.

Furieuse je me lève, attrape mon sac et je m'enferme dans ma chambre en claquant la porte, les larmes aux yeux. Je ne voulais vraiment pas m'énerver mais je ne supporte pas qu'il monte sur ses grands chevaux pour ça après tout ce qu'il nous a fait subir. Mes larmes coulent le long de ma joue mais ce ne sont plus des larmes de tristesse mais bien des larmes de colère. Encore une fois j'ai l'impression de n'être qu'un pion dans sa stratégie.