Fyctia

Je n'ai pas eu le temps de comprendre ce qui se passait. Je me retrouve seule, les clés de l'appartement dans une main et mon sac dans l'autre. Une fois à l'intérieur je ne sais pas trop quoi faire. Je profite du temps que j'ai devant moi pour aller me changer dans la salle de bain. Le maquillage n'a pas bouger d'un millimètre. J'enfile le bandeau. Ma taille marquée est mise en avant. Je passe le haut en dentelle. Sa transparence laisse deviner ce qui se cache derrière la finesse du tissu. Je dois reconnaître que je suis vraiment sexy comme ça.

De retour dans le salon je suis sur le canapé mais je n'ai rien à faire. Je résiste à l'envie d'explorer l'appartement mais je m'ennuie vraiment trop. Je rallume mon téléphone pour voir s'il ne m'aurait pas envoyé un message. Rien de sa part mais un MMS d'un numéro inconnu est arrivé. Lorsque la photo s'ouvre je reste sans voix. Mace et Sarah devant le GQ de l'Odyssey. Ils ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Pas de texte. J'y crois pas! C'est quoi ce délire? Il m'a dit qu'il avait un problème familial. Je ne réfléchis pas plus. Je prends les clés et quitte l'appartement. L'arrêt de bus est à quelques mètres à peine. Je vois un groupe de garçons de mon âge me regarder avec insistance et je me rends compte que je n'ai pas pris de veste. Je croise les bras et m'engouffre dans le bus. Le trajet n'est pas très long mais je suis tellement mal à l'aise que j'ai l'impression que je reste une éternité coincée sur ce siège pas confortable a tenter de me cacher derrière mes bras. Je descends à l'arrêt du lycée et fait le reste du chemin en courant. Lorsque j'arrive il n'y a plus personne devant les portes mais la moto de Mace est toujours garée, signe qu'il est encore là. Pour une fois qu'une porte n'a pas de code ça m'arrange bien. J'ouvre et me retrouve dans le grand hall dans lequel tout a changé il y a quelques semaines. Je n'ai pas la moindre idée de l'endroit où je pourrais les trouver. Je marche au hasard, suivant le son des voix. Je n'en reconnais aucune mais quelqu'un pourra peut être me dire où ils se cachent. Des rires fusent à travers une porte et je l'ouvre sans réfléchir à ce que je peux trouver derrière. Quatre adolescents sont assis par terre, des verres à la main, en train de fumer. Lorsqu'ils me voient ils n'ont vraiment pas l'air ravis.

-Où est-ce que je peux trouver Mace?

-Tu lui veux quoi?

Le garçon qui vient de me parler me regarde de haut en bas.

-C'est pas tes affaires.

Son visage se tord dans une grimace de mépris et de fureur. Il s'approche de moi, me dominant du haut de son mètre 85. S'il croit me faire peur simplement parce qu'il mesure facilement vingt centimètres de plus que moi il se trompe.

-Mais elle se prend pour qui celle-là?

Il se retourne vers ses amis pour chercher leur approbation. Pathétique.

-Quand t'auras fini de faire le malin tu penseras à me répondre?

Autant dans la vie de tous les jours je suis timide mais dès que je m'énerve on dirait qu'un petit diablotin prend le contrôle de moi et me transforme en véritable furie. Ma remarque fait rire ses amis mais je ne parviens pas à lui arracher le moindre rictus. Cette fois-ci je me suis vraiment fait un ennemi. J'ai à peine le temps de l'esquiver quand je m'aperçois qu'il me fonce dessus. Il s'arrête au niveau de la porte me bloquant le passage. Je me retrouve coincée dans la pièce. J'essaye de passer mais il prend un malin plaisir à ne pas me laisser sortir. La peur commence à prendre le dessus sur la colère. Il faut vraiment que je trouve un moyen de sortir. Les trois autres commencent à venir vers moi, si je ne trouve pas une solution rapidement je vais me retrouver prise au piège à leur merci. Instinctivement j'envoie mon pied dans le ventre du premier ce qui a pour cause de le faire chanceler et de libérer l'accès à la porte. Il tombe et je cours aussi vite que possible dans le couloir pour les semer avant qu'ils ne s'élancent à ma poursuite. Je n'avais encore jamais frappé quelqu'un. L'adrénaline m'empêche de ressentir de la fatigue mais je suis toujours aussi perdue. Trouvant un ascenseur je m'engouffre à l'intérieure et appuie sur le numéro 6. Le temps qu'ils comprennent que je suis au dernier je devrais pouvoir réfléchir à la suite. Les portes s'ouvrent sur un couloir très différent de ce que j'ai pu voir au rez-de-chaussée. Cette fois-ci il n'y a pas une multitude de portes, des portraits sont affichés sur les deux murs latéraux. On se croirait dans une galerie. J'avance en les observant. Certains ont l'air jeunes, d'autres beaucoup moins. Les photos ont toutes été prises en noir et blanc mais elles ne me paraissent pas vieilles. Le parquet grinçant est ici remplacé par un tapis rouge qui amorti le bruit des pas. Quelques lampes-tempêtes sont fixées au mur donnant un éclairage très faible. On se croirait dans un vieux château. Déjà que l'entrée me faisait clairement flipper mais alors là je me fais vraiment toute petite. Je n'arrête pas de me retourner pour vérifier si personne ne me suit. J'accélère l'allure, pressée d'arriver au bout du couloir. Je ne me prends même plus la peine de regarder les portraits, j'ai l'impression qu'ils me regardent.

A mi-parcours j'entends des voix. Je n'arrive pas bien à les distinguer mais je crois entendre celle d'une femme.

-Mace!

La voix rugit. Mace! Il est avec elle. Mon sang ne fait qu'un tour et je cherche la porte partout. Arrivée au bout du couloir je me retrouve face à une immense porte en fer. Décidément ils ne sont pas doués pour la décoration. Des éclats de voix retentissent. Cette fois-ci je suis sûre qu'ils sont plusieurs.

-Sybille est ma protégée laisse-moi faire.

Je pourrais reconnaître sa voix entre mille.

-Ne laisse pas tes sentiments t'affaiblir. Je ne t'ai pas élevé comme ça.

Est-ce que c'est sa mère? Il m'a dit que ses parents habitaient dans mon quartier mais c'est vrai qu'il ne m'a jamais parlé de ce qu'ils font. Sous le choc je m'adosse à la porte. Cette dernière s'ouvre me faisant propulsant à l'intérieur de la pièce. Je me retrouve au sol. Trois paires d'yeux se tournent vers moi. Sarah, Mace et une femme que je ne connais pas. Il se précipite vers moi.

-Comment tu m'as trouvé ?

-J'ai reçu une photo.

Si on était dans un dessin animé je crois que de la fumée sortirait de ses oreilles. Je ne l'ai jamais vu vraiment énervé mais je sens un côté sombre ressortir à ce moment-là. Il me fait presque peur.

-Elle est pas si bête finalement.

Elle part d'un petit rire diabolique. Je la déteste déjà. Elle vient vers nous, faisant cliqueter ses talons aiguilles sur le sol de marbre. Ses yeux verts se plantent dans les miens. Je reconnaîtrais cette couleur de loin, aucun doute c'est les mêmes que Mace. Il n'y aucune douceur dans son regard.

-Les choses sérieuses vont pouvoir commencer.