Fyctia

Mace

Au moment de monter l'escalier mon téléphone se met à vibrer. Quoi encore? J'ai pourtant prévenu les autres que je ne serais pas disponible ce soir. Habituellement lorsque je dis quelque chose personne n'ose contredire mes instructions. Non seulement je suis un des plus anciens mais je suis surtout celui qui a le plus de pouvoir. J'ai décidé de prendre Sybille sous mon aile dès le début alors que j'ai toujours refusé de parrainer qui que ce soit. Ma décision a attiré bien des curieux mais ils peuvent toujours rêver pour avoir la raison qui m'a poussé à faire ça.

• Il faut que tu viennes!

Je n'ai pas l'habitude de recevoir des ordres et encore moins de Sarah. Elle n'a jamais eu un mot plus haut que l'autre en ma présence, il paraît qu'elle m'admire. Depuis qu'elle est en charge des épreuves de Sybille, toujours sous ma surveillance évidemment, je ne tiens pas à ce qu'on blesse ma petite protégée, je la vois prendre de la hardiesse mais tout en continuant à respecter nos règles.

• Qu'est-ce que tu veux?
• Moi? Rien. Mais ta mère m'a chargée de te dire de rappliquer tout de suite.
• T'es convoquée aussi?
• Yep.
• A cause de Sybille?
• Sûrement. Ils doivent se demander pourquoi on est si lent à faire démarrer les épreuves. Elle va sûrement te demander pourquoi tu tiens tant à la garder rien que pour toi.
• Ne parle pas de ce que tu ne connais pas!

Il va vraiment falloir que je pense à lui refaire une petite leçon concernant sa place. Certes, elle a pris du grade mais elle ne m'arrivera jamais à la cheville. Il y a une hiérarchie parmi nous et elle est encore plus présente chez les jeunes. Chaque adulte a une mission spécifique pour l'Odyssey qui lui confère certains droits et avantages, les plus avantagés sont évidemment la famille directe de la créatrice. Ceux qui le sont le moins sont les simples recruteurs. La plupart du temps ce sont simplement les anciens lycéens qui n'ont pas terminés leurs études qui décident de faire de leur mieux pour nous ramener le plus de personnes possible. Beaucoup d'entre eux ne resteront pas recruteurs toute leur vie. Si les avantages se gagnent par les métiers, des formations peuvent être dispensées aux plus méritants.

Je n'ai pas le choix. Si ma mère veut que je vienne je dois y aller.

-Chérie? J'ai une urgence familiale. Tu peux m'attendre dans l'appartement si tu veux je n'en est pas pour très longtemps.

Je vois ses lèvres formées un petit "o" étonné mais elle se contente de hocher la tête. Je lui donne les clés de l'appartement et fais demi-tour. Moins d'une minute plus tard ma moto s'élance dans les rues du centre. A cette heure les rues sont assez calmes mais il va me falloir quinze bonnes minutes au moins pour rejoindre le QG. Quinze longues minutes à penser à Sybille seule chez moi et ce que peut bien me réserver ma mère. Deux pensées qui ne vont absolument pas ensemble. Lorsque j'arrive je vois la silhouette de Sarah adossée au mur, une cigarette à la main.

-Jette moi ça, on y va.

Elle me jette un regard noir mais ne me répond pas. Elle prend une dernière bouffée de nicotine et jette le mégot dans la rue.

-Il y a un cendrier à l'entrée je te rappelle.

-Oh ça va...

Visiblement sa bonne humeur de la soirée a complètement disparu. Pour une fois je passe l'éponge et me dirige vers le bureau de ma mère. J'entends ses pas résonner derrière moi et je n'ai pas besoin de m'inquiéter de savoir si elle me suit.

-J'ai bien l'intention de régler cette histoire le plus vite possible alors laisse-moi parler ok?

J'entends un grognement d'approbation. Visiblement je n'arriverai vraiment pas à avoir une phrase un tant soit peu aimable ce soir. Je prends une profonde inspiration avant d'ouvrir la porte. On a beau aller dans le bureau de ma mère lorsqu'elle me convoque en tant que fondatrice ce n'est absolument pas la même personne, et cette facette-ci me donne la chaire de poule.

J'ouvre la porte et m'avance au milieu de la pièce le plus droit possible. Je ne dois surtout pas lui montrer mes faiblesses. Sarah reste un petit peu en retrait, complètement immobile, la tête baissée. Ma mère fait le tour du bureau et vient se mettre juste devant moi.

-Vous voilà enfin! Il faut qu'on parle de ta petite protégée.

Ces derniers mots sont prononcés sur un ton tinté d'un mépris ce qui me laisse présager que je ne vais pas réussir à échapper à ces critiques cette fois-ci. La soirée va être longue, trop longue...