Fyctia

J’aurais peut être dû réfléchir au moyen de rapporter ce vase jusqu’au lycée. J’étais tellement obnubilée par l’importance qu’il a dans la famille que je n’ai pas pensé au fait que ce n’est pas vraiment le genre de trucs qui passe inaperçu.

Le sac à dos que je prends d’habitude est un peu juste pour le mettre dedans. J’ai surtout peur de la casser avant d’arriver. Après avoir cherché encore et encore comment faire je finis par réussir à tout faire rentrer dans mon sac. Je file en vitesse avant que mon père ne comprenne quel objet a disparu.

Je ne mets le sac sur mes épaules qu’au moment où je suis devant mon vélo. Je ne m’attendais pas du tout à ce que ce soit si lourd. Je ne peux pas rentrer dans la maison et changer de sac, dans quelques minutes à peine mon père et Jasper vont sortir pour partir eux aussi et je n’ai pas le temps de trouver une autre solution. L’idée de poser le vase dans le panier devant me traverse brièvement l’esprit mais si jamais il passe devant moi en voiture non seulement mon père le verra mais Jasper risque de le remarquer aussi. Il attend impatiemment de pouvoir faire sa marque dessus alors si jamais il apprend que c’est à cause de moi qu’il ne le fera jamais il ne me le pardonnera pas. Sans perdre plus de temps j’enfourche mon vélo et part. Je manque de tomber trois ou quatre fois pendant les premiers mètres mais je finis par rapidement trouver mon rythme de croisière. Je roule vraiment pas droit mais au moins je ne tombe pas c'est déjà pas mal.

Profitant du fait qu'il n'y a personne sur le parking, je sors mon cahier de maths pour que Thomas ne voit pas mon vase dans le sac. Je me doute bien qu'il va s'apercevoir qu'il y a quelque chose de drôlement encombrant dedans mais au moins il ne verra pas quoi. Je me vois mal lui expliquer que je me balade avec un vase en terre cuite. Il faut bien reconnaître que je craque un peu sur lui et que j'aimerai bien qu'il ne me prenne pas pour une folle tout de suite. Je me dépêche de rejoindre la salle de cours et je suis contente de voir qu'il est déjà là, en train de m'attendre.

L'heure passe beaucoup plus vite que je ne l'aurai voulu. Je me surprends à vouloir faire durer le supplice un peu plus longtemps et continuer les équations mais je me rappelle que les autres m'attendent au gymnase avant les cours et je profite des dix dernières minutes pour les rejoindre.

A peine arrivée je vois Sarah m'attendre au milieu, seule. Je suis étonnée de ne pas la voir avec les autres. A croire qu'ils lui font suffisamment confiance pour être la seule juge.

- Mais regardez qui vient par ici?

Elle éclate de rire et j'en ai la chaire de poule. Depuis quand elle rit comme ça? Elle me fait vraiment peur quand elle est comme ça. Je ralentis la cadence mais maintenant qu'elle m'a repérée je suis obligée d'aller jusqu'à elle et finir ce que j'ai commencé.

- J'ai bien cru que tu allais te défiler. Je ne te pensais pas capable de relever mon petit défi en réalité.

D'accord... Sympa la confiance entre meilleures potes. J'adorerais avoir une répartie de folie et lui sortir une réplique qui la ferait taire mais je ne trouve rien comme d'habitude. Je n'ai jamais été quelqu'un de grande gueule, au contraire je suis plutôt du genre à ne rien dire, du genre discrète. De nous deux Sarah a toujours été celle qui a eu le plus de répondant, ça se confirme encore aujourd'hui. Je ne vais pas faire semblant, ça nous évitera un conflit de plus. Je file la rejoindre et sort le vase de mon sac. Elle l'attrape sans rien dire de plus et je vérifie chaque détail pour s'assurer que c'est bien le vrai. Elle a même prévu l'hypothèse que je puisse amener une copie, elle a vraiment tout envisagé c'est incroyable.

- Casse la maintenant.

Bon, j'ai bien compris que ça ne servait à rien de discuter alors je reprends le vase et le lance par terre. Il éclate en des dizaines de petits morceaux. En le voyant se briser la seule chose que j'arrive à me dire c'est que ça y est, c'est fini, je ne peux plus revenir en arrière. D'un côté j'ai le coeur lourd de remords et d'un autre côté je suis soulagée de me dire que j'ai enfin prouvée ma loyauté. Je tourne les talons et commence à remonter les marches lorsque la voix de Sarah m'interpelle.

- Où tu vas comme ça? Tu crois que ça s'arrête là?

Je me retourne, ahurie par ce que je viens d'entre. Comment ça s'est pas fini?

- Faire une bêtise tout le monde sait le faire mais tout le monde n'est pas capable de briser le coeur de sa famille.

Mais qu'est-ce qu'elle raconte?

- Prends une photo de ce que tu viens de faire et envoie-la à ton père.

Non...Non...Non! Tout mais pas ça. J'ai tout fait pour retarder le moment où il le saurait mais ce n'était que retarder une fatalité. Je sors mon téléphone en essayant de cacher le tremblement de mes mains et prends une photo rapidement. Je l'envoie par message à mon père mais juste avant de l'envoyer Sarah me demande de regarder pour être sûre que je n'ai pas mis un message qui pourrait lui faire comprendre pourquoi je l'ai fais. Une fois qu'elle a bien tout vérifié j'envoie le message et part sans rien dire vers la salle de cours. Je me fiche de savoir qui ramassera les débris de ce carnage. J'essuie la larme qui roule sur ma joue et fais le vide dans ma tête. Je ne dois rien laisser paraître.