Fyctia

Arrivée à la maison, je fonce dans ma chambre sans faire attention à Jasper. Comment je vais pouvoir faire ça. Mon père m'a dit de ne rien dire et de passer les étapes. Hier soir je me sentais prête à tout relever et là je me retrouve seule, recroquevillée comme une petite chose fragile. L'objet en question peut paraitre banal pour la plupart des gens mais pour notre famille c'est la chose la plus importante de la maison. Depuis des générations, dans la famille de mon père, chaque personne peint un tout petit motif sur un grande vase blanc. Ce vase représente des générations et des générations et Sarah le sait. Plus j'y pense et plus j'arrive pas à croire qu'elle ose me demander ça. Entre briser un objet auquel mon père tient et briser un héritage familial il y a quand même une grosse différence.

J'entends la porte se fermer et j'en déduis que mon père vient de rentrer. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis assise sur le sol de ma chambre. Je n'ose même pas descendre. J'ai peur de sa réaction lorsqu'il comprendra ce que je dois faire. J'hésite entre la franchise de lui dire et risquer de tout compromettre et le fait de faire ce que je dois faire en risquant de lui briser le coeur. Comment je peux faire un choix aussi dur?

La Sarah que je connaissais n'aurais jamais fait ça. Elle aurait pu tout me demander, elle a toujours eu besoin qu'on lui prouve toujours plus de choses et de voir les autres repousser leurs limites pour elle, comme elle repoussait ses limites pour eux, mais toucher à ce vase, jamais!

- Sybille! J'ai rapporté des pizzas, tu viens?

Forcée de rejoindre la cuisine je prends une grande inspiration et rejoins toute la famille. L'odeur de la pizza et la tête de mon petit frère, surexcité à l'idée de dévorer ses parts m'apaise un peu. Jasper nous raconte sa journée et nous éclatons de rire lorsqu' il nous explique qu'il a crée un stratagème pour réussir à gagner toutes les billes qu'il voulait. Mon père lui dit que plus tard il devrait faire pareil pour gagner de l'argent mais il n'en voit pas du tout l'utilité. Il préfère largement avoir des billes. Plus le dîner avance et plus j'oublie mes problèmes. Je me surprends même à rêvasser et à être impatiente de retrouver Thomas le lendemain matin pour mon cours de maths, juste pour le revoir. Il va finir par me faire aimer les équations.

- Jasper, monte te préparer pour aller au lit. Sybille va m'aider à débarrasser la table.

Il ne se fait pas prier, bien trop content d'échapper à cette corvée et monte l'escalier en courant. Moins d'une minute plus tard on entend la porte de la salle de bain se fermer. Décidément il ne faut pas trop compter sur lui pour les tâches ménagères. Un peu stressée de me retrouver seule avec mon père je me dépêche d'empiler les assiettes et les couverts et rapporte ma petite pile dans la cuisine. Evidemment il me suit et je comprends que si il a éloigné mon frère c'est justement pour me parler.

- Tu as l'air préoccupée ma chérie.

Super, moi qui pensait avoir réussi à lui cacher. Mon cerveau réfléchit à toute allure pour trouver une solution. Je ne me suis jamais sentie aussi tiraillée. J'ose à peine le regarder dans les yeux mais lorsque que nos regards se croisent je vois qu'il comprend qu'il se passe quelque chose que j'aurais vraiment voulu éviter. Je n'ai jamais pu lui cacher quoi que ce soit, il lit en moi comme dans un livre ouvert.

- Ne me dis rien. Quoi qu'ils t'aient demandé, fait-le. Je ne t'en voudrais jamais. C'est moi qui t'ai demandé de t'embarquer là-dedans, même si les conséquences sont dures à encaisser on passera toutes les épreuves ensemble.

Je sais que lorsqu'il prononce ces mots il est sincère mais il n'imagine pas une seule seconde ce qu'il va réellement se passer. Ses mots me touchent plus que je ne l'aurais voulu. Je n'arrive pas à retenir mes larmes et m'effondre dans les bras de mon père.

- Sois forte Syb. Je sais que c'est compliqué en ce moment mais je t'assure que tout va s'arranger. On est une famille et on le restera pour toujours.

Je sais qu'il a sûrement raison mais j'ai vraiment peur que tout ne se passe pas si bien que ça.