Fyctia
C17 La Fin
Angèle prend les choses en main :
— OK, t’as son numéro ?
— Bin non, on se connait à peine -même si, certes, le peu de temps passé avec cette fille fut débilement intense.
Angèle inspire en refermant ses paupières, comme si elle s’apprêtait à prendre une grave décision.
— Solal ! Mode vigie ! ordonne-t-elle en rouvrant les yeux !
— Oui capitaine !
Avec une coordination de gymnaste, Solal pose un genou à terre pour permettre à Angèle d’enjamber ses épaules. Elle cale ses cuisses autour de son cou de buffle, il la maintient par (le) derrière et se relève.
Tandis qu’il pivote lentement à 360 degrés, Angèle scanne scrupuleusement les environs, la main en visière, depuis son poste d'observation.
Partout. Il y a du monde partout. Les chants ont repris, le cortège aussi. De nouveau rassemblé en une masse compacte, il remonte paisiblement le boulevard.
— Tu localises des choses, mon ange ? s'interroge Solal.
— Négatif. Rien que des torches, des pancartes, et des convictions flamboyantes ! Ramenez-moi sur la terre ferme !
— Entendu !
Elle presse les mains sur le crâne du Solal agenouillé et saute par-dessus sa tête. Elle atterrit devant moi.
— Mirek, qu’est-ce qu’on décide ?
Quoi ? Elle me demande de faire un choix ? De prendre une décision ? Elle m’a jamais vu au rayon pâtisserie !
Si je veux retrouver Ava, je vais être obligé de me mêler au troupeau contestataire une seconde fois.
Dire que c’était mon idée. Intégrer la manifestation pour se perdre dans la foule et semer nos poursuivants. Résultat, on s’est bien perdus dans la foule, mais pas comme je l’espérais. Encore un coup de génie, tiens.
Bon, arrête de ressasser, Mimi, c’est l’heure de prendre une décision. Une i-ni-tia-ti-ve (à prononcer avec la voix de mon ex) !
Je balaie du regard les centaines de gens qui se fondent les uns aux autres. Ils se ressemblent tous (à prononcer avec la voix d’Eric Zemmour) ! C’est peine perdue. C’est mission impossible sans Tom Cruise. Et plus le temps passe, plus nos chances s’amenuisent.
OK, Mimi, tu deviens défaitiste là. Et énumère la liste des choses positives apportée par cet état d’esprit au fil de ton existence :
- …
Voilà. Alors, réagit !
Comme d'hab', mon cerveau se fige à ce moment-là. Par chance, mon air de poisson mort interpelle Angèle :
— Séparons-nous pour mieux la chercher ! Quoiqu’il arrive, on se retrouve dans cinq minutes à la camionnette CGT avec le gros ballon rouge.
C’est vrai qu’on peut pas la rater.
J’aurais dû mettre un ballon rouge à Ava.
— Mirek, tu vas avec Solal ? Moi, je bouge vers le tracteur.
— Euh, d'accord.
— Tu veux monter sur mes épaules ? me propose Solal.
— Non, merci, j’ai le… vertige.
— No problemo l’ami ! Et t’inquiète pas, on va la retrouver ta miss ! Elle doit pas être bien loin.
Ces deux-là ont beaucoup trop d’entrain, ma config' interne n’est pas familiarisée à ce type de comportement, je me demande toujours où se cache la douille.
— Allez, bonne chance les gars ! dit Angèle en nous lançant un salut militaire.
Nous les regardons s’éloigner, elle et son mini-short.
— Quelle femme ! soupire Solal, déjà nostalgique. Tu sais quoi, je pense que c’est la bonne.
— Ah oui ? Tu la connais depuis… ?
— J’sais pas, au moins deux heures !
OK. À minuit, ils m’annoncent leur lune de miel aux Galapagos. Ça nous laisse quatre heures.
Alors qu’on se retrouve une fois encore emportés par la foule (à prononcer avec la voix de...) , Solal -qui ne manque pas d’initiative lui- me demande
— On se tient la main pour éviter de se perdre ?
Sérieux ? Il veut se marier avec moi aussi ?
— Non merci, je suis pas très contact physique.
Va falloir qu’il arrête de me proposer des trucs, je vais pas réussir à pondre des excuses ad vitam aeternam.
Pourquoi j’suis pas dans l'équipe d'Angèle ? Ou mieux, juste avec moi-même.
Autour de nous, rien à signaler. Ni chemise crème, ni jupe noire, ni chevelure mi brune-mi-rousse -va vraiment falloir que je trouve le mot adéquat…,Brousse ?.
Mirek, tu t’égares, cherchons une chose à la fois.
Je manque de rentrer dans un type accroupi au sol. Accompagnés de deux compères, il est en train de déterrer des pavés. Je les observe en les contournant. Un vrai travail d’artisan !
Au collège, j’ai voulu décapsuler une bière avec les dents pour impressionner Sami, j’ai fini aux urgences. Sami à rigoler, ma mère à pleurer, mon père m’a tarter.
— Tu vois Ava ? je demande.
— Que dalle, répond Solal.
Et si on ne la retrouvait pas ? Et si je l’avais vu pour la dernière fois, ici, dans cette manif ?
En vrai… Ce serait beaucoup plus simple si ça se concluait ainsi. Beaucoup plus simple pour moi.
Pas que je ne l’apprécie pas. Au contraire. Mais justement, se séparer avant de trop s’attacher, c’est peut-être mieux. Restons sur une note… sur une note.
Quels souvenirs va-t-elle garder de Mirek le comique ? On parlait de quoi déjà ? Quels étaient nos derniers mots ?
Ah. Oui. Le handspinner.
Mon binôme, qui n'a que faire de mes turpitudes émotionnelles, interrompt ma réflexion :
— Bon, ça fait largement cinq minutes là ! On doit retrouver Angèle à la camionnette.
Oh ! Oui, tiens. Va retrouver Angèle ! Laisse moi seul. Laisse moi disparaître à mon tour.
— Vas-y Solal, je vous rejoins de suite ! Je cherche encore une minute ou deux.
— Si tu veux l’ami. Mais reviens vite, hein ! Qu'on te perde pas aussi. Tiens, je te laisse mon numéro. Au cas où.
OK, OK. Si ça peut le faire partir plus vite.
Je suis ingrat ? Peut-être.
Mais quand le destin vous livre une occasion goldée comme celle-ci, de régler tout vos problèmes en un clignement de cils, faut savoir se montrer reconnaissant.
Je suis lâche ? Merci du scoop.
Malgré les doutes d'Ava. Elle a vu quelque chose en moi qui n’existe pas. Des choses qu'elle avait envie de voir.
Devant les soucis, Mirek fuit. C’est son principe de (sur)vie. Et il n’a jamais autant été question de ma survie que ce soir.
— À tout’ l’ami ! Je t’envoie un texto si Angèle a chopé Ava.
— Nickel. À tout de suite.
Voilà que Solal me tourne le dos. Et quel dos. Avec ses trapèzes qui donnent envie de faire des acrobaties.
Il part vers la fameuse camionnette au ballon rouge roulant à deux à l’heure, plusieurs mètres devant. Un couple se glisse entre lui et moi. Je n'aperçois plus que ses dreadlocks liés en queue de cheval qui dépasse la mêlée. Le trio de "dépaveurs" me devance, les bras chargés de munitions.
Ça y est !
Solal a disparu.
Le dernier reliquat de cette soirée insensée s’est volatilisé.
Back to the bercail.
Coucou Sangoku, salut mes acariens. Mirek est de retour parmi vous.
Je lève le nez en l’air histoire d’humer l’atmosphère. Ça sent bon le brûlé.
Un soupir de soulagement gonfle ma poitrine. Je n’ai pas le temps de l’évacuer. J’entends :
— Mirek ? Quelle chance, je t'ai enfin retrouvé.
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