Fyctia

L’attention du serveur oscille entre Chris et sa « compagne » à chaque réplique.

Qui devra-t'il satisfaire pour perdre le moins de points de vie possible dans cette affaire ?

Je le comprends.

Perso, les conflits, ça me met mal à l’aise.

Peut-être à cause des disputes parentales qui m'ont marquées petit.

Là présentement, j’ai qu’une envie, c’est qu’un dragon débarque pour raser la terrasse en deux-deux, moi compris.

Pas moyen que les états d’âme de Chris gâche le moment pas ouf que j’étais en train de passer. Et Joli dos n'a pas l'air pressé d'arriver pour me sauver.

— Excusez-moi ? Si je peux me permettre ?

Là, c’est moi qui les interrompt après m’être raclé la gorge.

Aussitôt, les trois lurons pivotent vers moi, tous excédé, chacun à leur manière.

Il va falloir marcher sur des œufs.

Ensuite, viendra le temps de se poser la question suivante : putain, mais de quoi j’me mêle ?

— Désolé, mon oreille n’a pas pu s’empêcher d’écouter votre petite discussion. Madame voulait un spritz

— Exactement ! aboie Chris.

— On lui sert un gin…

— C’est insoutenable !

— Je me suis moi-même un peu emmêler les pinceaux dans ma commande. J’ai pris un coca alors que je déteste ça.

— Vous êtes curieux, grimace Chris.

— Vous n’êtes pas le premier à me le dire cher monsieur. Du coup, je suis en tête-à-tête avec ce Coca qui ne me plaît pas et ma gorge reste indubitablement sèche - purée, qu’est-ce qui m’arrive ? Je me suis pris pour Cyrano ou quoi ? - Il se trouve que j’adore le gin. Peut-être que je pourrais prendre le verre de madame, que je paierais bien entendu, comme ça ni vu ni connu, pas de gaspillage, la planète est sauvé et monsieur est détendu.

Le serveur me bénit du regard.

Le Chris lui, semble plutôt chercher le piège dans mes paroles. Mais la fille ne lui laisse pas le temps de régler la question.

- Voilà, très bien ! Tenez monsieur ! Prenez ce verre et qu’on en parle plus.

Nos doigts se touchent quand elle me donne le verre.

— Vous savez ce qui me plairait Chris ? ajoute-t’elle en tirant la carte des boissons vers elle.

— Non ! répond-t’il encore un peu troublé par mon speech -je suis moi même troublé d’avoir ouvert ma bouche.

— Un vrai cocktail. Cette sale ambiance m’a coupée l’envie de spritz.

Heureusement, les yeux de Chris ne tire pas de missiles sinon il ne resterait plus grand chose du serveur.

— Vos désirs sont des ordres très chère.

— Je vais plutôt prendre…mmmh…

Elle fait mine d’étudier la carte avec gravité. Soudain, ses yeux s’illuminent, son iris détonne.

Elle pose son doigt sur la carte et la désigne au serveur.

— Ce sera celui-ci... le plus cher, là.

— Tout de suite madame, acquiesce le jeune homme, soulagé d’enfin pouvoir déserter la zone de conflit.

— Oui c’est ça, traînez pas, grommelle Chris en suivant le serveur des yeux comme si il cherchait à lui chiquer la cuisse.

Il se carre au fond de son dossier et, avec sa main montrée, lisse sa veste de costard qui n’a pourtant pas bougé d’un iota. Enfin, il soupire en me lorgnant du coin de l’oeil.

— Et bien j’imagine que l’on doit vous remercier pour votre esprit conciliateur. -en s’adressant à la fille- Allez, dis merci au monsieur.

— Chris à raison, dit-elle en pinçant les lèvres pour ne pas exploser 1: de rire, 2 : de désarroi. La politesse, c’est important avec tout le monde. Les garagistes, les serveurs de bar, les conducteurs de SUV. Donc encore une fois, merci.

— Oh, pas besoin. Je guettais juste sur votre gin.

Pour souligner ma réponse, je m'enquille l’intégralité du verre, histoire de la convaincre que je suis un gros lourd. Ça me permet au passage de dissimuler ma gêne -en la noyant dans l'alcool.

Maintenant que le serveur est parti, nous nous retrouvons tout les trois en chien de faïence -quoi que ça puisse bien vouloir dire.

Conséquence, je ne sais plus où me mettre.

Les gens qui partent me mette dans un drôle d'état dernièrement.

J'abrège :

— Désolé de vous avoir déranger, je ne couperais plus votre échange.

La fille, hausse les épaules.

— Oh pas de soucis -elle se penche vers moi en ignorant son compagnon de table. C’est pas non plus Miller, hein !

Je souffle du nez comme si j’avais la réf -je doute qu'elle parle du rappeur.

Chris m’imite de manière un peu plus sonore.

— Allez, allez, dit-il. Ne dérangeons plus monsieur. Il doit être… -il louche sur la chaise vide qui me fait face- occupé ?

— Vous attendez quelqu’un ? enchaîne-t'elle à peine sa phrase finie.

J’improvise une réponse, sous la table, je tape « Henry Miller » dans la barre de recherche de mon téléphone.

— Euh oui euh, une amie…

— Oh, une « amie », répète Chris en mimant de gros guillemets.

— Oui, voilà, mais elle bloqué par la manif.

— Oh, ils nous casse la tête ceux-là !

Puis il se tourne délibérément vers la fille, signifiant que notre petit échange est terminé, ce qui n'est pas pour me déplaire.

— D’ailleurs ma chère, que disions-nous avant d’être sauvagement interrompus ?

"Henry Valentine Miller [ˈhɛnɹi ˈvæləntaɪn ˈmɪlɚ] est un romancier et essayiste américain né le

26 décembre 1891 à New York et mort le 7 juin 1980 à Pacific Palisades (Californie).

Il est connu pour avoir rompu avec les formes littéraires existantes, développant un nouveau type de roman semi-autobiographique qui mêle l'étude de caractère, la critique sociale,

la réflexion philosophique, le langage explicite, le sexe, la libre association surréaliste et le mysticisme. Il a entretenu une relation passionnée rendue public par, et avec, l’écrivaine Anaïs Nin, célèbre pour ses journaux intime et pour être la première femme à avoir publiée des ouvrages érotiques."

Damn. Quelle réf.

Cette nana n’en montre rien mais je crois qu’on a affaire à une intellectuelle.

Le genre de personne qui lit… DES LIVRES !!! Objet séculaire que je n’ai pas effleurer depuis mes longues après-midi passées au CDI du collège Françoise Sagan.

Ça confirme ce que je pensais.

Cette fille a perdu un pari pour devoir taper rencard avec un gus pareil.