Phoenix B. Asher Pine Lake Resort Le fils du chef unique

Le fils du chef unique

Harry me guide jusqu’à un building moderne d’une dizaine d’étages situé au coin de la rue. En marchant, il continue de me raconter sa rencontre avec Erikson, samedi.


- Me Erikson a le dossier depuis mercredi. Il n’a pas eu beaucoup de temps pour se plonger dedans pour le moment. Mais, d’après lui, le peu qu’il en a lu, il semblerait qu’il y ait eu de gros manquements dans l’enquête et dans le procès.

- Quel genre de manquements exactement ? questionné-je.

- Ce bon vieux Mike a été fidèle à lui même, il n’a pas voulu me le dire pour ne pas fausser mon jugement quand je consulterai le dossier. Il ne te dira rien non plus, d’ailleurs.

- À ce sujet, tu veux bien revenir sur cette histoire d’embauche ?

- C’était un peu mon but en allant discuter avec lui ce week-end. Je savais que s’il voulait monter une demande d’appel, il faudrait que le dossier soit solide. 40 ans après, il nous faudra même quelque chose de béton. Mike ne peut pas s’occuper de ça tout seul. Il lui fallait de l’aide. Voilà pourquoi il m’a engagé.

- Et cette lettre du corbeau ?

- Tu la verras de tes propres yeux, Charlie.


Je ronge donc mon frein en marchant jusqu’à l’édifice. Les loyers ne doivent pas y être donnés. J’attends d’être dans le luxueux ascenseur qui nous conduit au 8ème pour poser une question qui me chiffonne.


- Qui paye Me Erikson, Harry ?

- Quand il a commencé à s’intéresser au dossier, il a contacté la famille de Earl Walters. Figure toi qu’il a une sœur, un peu plus jeune que lui. Son mari et elle sont prêts à payer pour les honoraires. Et ils en ont les moyens apparemment.

- Pourquoi ne pas avoir contacté un avocat avant ? demandé-je surprise.

- Parce que, comme tout le monde dans le comté de Muskegon, elle croyait que c’était sans espoir et sans doute aussi que son frère était coupable…


Sur ces mots, nous arrivons devant une double porte en bois. La plaque vissée dessus indique « Erikson, Taylor and Associates ». Nous entrons sans frapper. Les locaux sont d’un luxe presque indécent. Une secrétaire, reconnaissant Harry, nous demande de nous asseoir en attendant Me Erikson.


5 minutes plus tard, un homme, la petite cinquantaine, vient nous chercher et nous faire rentrer dans son bureau. Je l’observe rapidement pendant que nous nous installons et qu’il demande à sa secrétaire de ne pas nous déranger. Il porte un costume gris anthracite magnifiquement bien taillé. Quand il me tend la main pour me saluer, je remarque ses ongles manucurés. On ne peut pas manquer de comprendre qu’il a réussi en tant qu’avocat.


- Mlle Malone, je suis ravi de vous rencontrer. Harry m’a beaucoup parlé de vous. Je dois reconnaître que je trouve ça un peu déstabilisant. J’aurais surement cherché à vous rencontrer dans les semaines qui viennent mais je ne pensais pas que nous nous verrions à votre initiative.

- C’est troublant pour moi aussi Me Erikson, je vous assure. Je ne pensais pas mettre le nez dans ce genre de questionnement en rachetant le Resort à ma tante et mon oncle.

- Oui, j’imagine. Bon, venant en au fait. Je suis curieux d’avoir votre avis sur cette fameuse missive, qui m’a finalement conduit à m’embarquer dans cette affaire.


Il ouvre un dossier sur son bureau et en sort un papier à lettre recouvert d’une écriture que je reconnaitrais maintenant entre mille. Bizarrement, je m’attendais aussi à une carte postale mais il faut croire qu’elles me sont réservées.


Je prends la lettre qu’Erikson me tend. Le papier est assez épais. L’écriture manuscrite, à la plume comme sur les cartes, est fluide et aérée. Je me penche sur le document pour le lire attentivement.


« Le 241ème jour de l’année


Le 20ème jour de la Présidence d’un enfant du pays


3 jours après l’envol définitif de l’aigle solitaire


Akikaandag agamiing


Dark Green Water


Différents noms


Pour un même lieu


Noyé par le sang des innocents.


Depuis 4 décennies


L’un d’entre eux paye


Une infamie qui n’est pas de son fait.


Les dés sont jetés.


C’est au tour du fils du chef unique de jouer. »


Mes yeux survolent une première fois les lignes. Puis une deuxième. Sans rien comprendre. À la troisième, « Akikaandag agamiing » accroche mes yeux. Soudain, je percute. Sur une des cartes commandées en 1974, ce nom y figure comme étant le premier nom de Pine Lake. Le nom donné en Ojibwe par la tribu Ottawa qui peuplait la région.


- Ok. Akikaandag agamiing, c’est le nom Ojibwe de Pine Lake. Le 241ème jour de l’année représente je suppose le 29 août. Notre corbeau parle du massacre, non ? L’aigle solitaire c’est Charles Lindbergh. Il est mort le 26 août 1974 ?

- Oui, c’est tout à fait ça ! Bien joué Mlle Malone. J’ai mis bien plus de temps que vous à trouver.

- Je suis avantagée, Me Erikson. J’habite à Pine Lake. Qui est l’enfant du pays ?


Puis réfléchissant rapidement, je reprends.


- Gerald Ford* ?

- Vous avez une sacrée culture générale. Oui, il a grandit ici, à Grand Rapids.

- Pour le fils du chef unique, je sèche.

- C’est moi, explique-t-il. Erik signifie chef unique. Erik-son.

- Je vois. Donc notre corbeau est bien plus clair avec vous qu’avec nous. L’innocent qui paye c’est Walters je suppose.

- Je ne l’ai pas encore rencontré, ajoute l’avocat. Je n’ai eu que sa sœur au téléphone. Mais comme Harry a dû vous l’expliquer, je ne vous dirai rien de plus. Je préfère que vous vous fassiez votre propre opinion.


Nous convenons avec lui de le tenir au courant par téléphone de notre première lecture du dossier. Celui-ci est énorme et nous le transportons jusqu’à la voiture à l’aide d’un chariot que la secrétaire de Mike Erikson remporte une fois le dossier dans la voiture de Harry.


Nous faisons la route chacun dans notre véhicule jusqu’à l’hôtel. Harry se stationne devant la porte. Chris est sur le porche en train de discuter avec un ouvrier. Il est couvert de poussière de bois, il a dû travailler sur le comptoir d’accueil.


Quand il nous rejoint devant le coffre de la voiture de Harry, il s’arrête interloqué.


- C’est tout le dossier ? Pourquoi est-ce qu’il est dans votre voiture Harry ?

- Il a été engagé comme enquêteur par Erikson, lui expliqué-je.


Je le vois froncer les sourcils. Il s’inquiète vraiment trop. Je lui caresse le bras dans un geste rassurant. Harry commence à entrer les boîtes dans le Resort. Chris se penche dans le coffre pour lui donner un coup de main.


Nous empilons la totalité des cartons dans mon bureau. Chris pose le dernier sur le vieux secrétaire. Nous restons un instant silencieux devant l’étrangeté de la chose. Nous voilà avec tout ce qui reste de la mémoire du meurtre de masse qui a entaché les murs du Pine Lake Resort.


Harry soulève délicatement le couvercle de la boîte que Chris vient de poser. Une photo est rangée sur le dessus. Je reconnais une des chambres de l’étage. Pour le reste, mon cerveau fait barrage. Je ne comprends pas ce que je vois. Je ne veux pas. La réalité de ce cliché est bien trop dure à affronter.


___


* 38ème président des Etats Unis

Tu as aimé ce chapitre ?

10

10 commentaires

Phoenix B. Asher

-

Il y a 8 ans

Merci ! Elle arrive tout de suite ;-)

Lucile Huchet

-

Il y a 8 ans

Alors là, ça devient vraiment mystérieux tout ça ! Vivement la suite !

Phoenix B. Asher

-

Il y a 8 ans

La voilà ;-) Normal vu que je prends seulement le temps de répondre au com haha

LikeAMartian

-

Il y a 8 ans

Intriguant tout ça ! Je veux une suite !!!!!!!!!!!!!!! =D

Phoenix B. Asher

-

Il y a 8 ans

Merci !

black_foxx

-

Il y a 8 ans

Super !

Phoenix B. Asher

-

Il y a 8 ans

Je sais bien ;-) Mais c'est bon signe pour moi!

Frachebois

-

Il y a 8 ans

Le problème, c'est qu'on attend toujours la suite avec impatience

Phoenix B. Asher

-

Il y a 8 ans

Elle arrive haha

alexia340

-

Il y a 8 ans

Pts pas par petits pas ... vite la suite
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.