Phoenix B. Asher Pine Lake Resort Scènes de crime

Scènes de crime

Le couvercle de la boîte reste ouvert un moment. Harry, Chris et moi sommes figés par ce que nous avons sous les yeux. La réalité de ce qui s’y trouve finit par m’apparaître. Comme si mes yeux parvenaient finalement à faire le point. Ce qui ne me semblait jusque là être qu’une œuvre abstraite outrageusement colorée devient un tableau digne d’un slasher movie ultra gore. Pire. Les sujets de cet art macabre se détachent maintenant clairement.


La nausée me terrasse soudain. Un liquide acide remonte de mon estomac me brûlant l’œsophage. Harry ferme brusquement le carton. Mais c’est trop tard. Le cliché est imprimé sur ma rétine et ne semble plus jamais vouloir s’effacer.


Il fait chaud. Beaucoup trop chaud. Il faut que je sorte. Que je respire autre chose que l’air de ce bureau qui me semble vicié. Je jette un regard vers les deux hommes à côté de moi. Chris est livide. Harry a toujours la main posée sur le carton. Comme s’il avait peur que le couvercle s’ouvre de lui même.


Je quitte précipitamment le bureau. Sors en trombe de l’aile familiale et de l’hôtel. Je dois avoir l’air d’une folle mais je m’en fiche complètement. Il faut que je respire et c’était devenu impossible dans cette pièce minuscule.


J’atteins la rive du lac presque sans m’en rendre compte. Je culpabilise un peu. Ce n’est surement pas la dernière photo de ce genre dans le dossier. Je sais qu’il va falloir que je m’endurcisse d’avantage. Enfin non. Comment pourrait-on devenir insensible à ce genre de spectacle ?


J’entends des pas derrière moi. Je tourne juste assez la tête pour voir Chris arriver. Il se place à mes côtés sans rien dire. Toujours aussi livide. Il n’aurait jamais dû voir cette photo. Ce n’est plus mon métier depuis longtemps mais cela n’a jamais été le sien. Il passe un bras sur mes épaules et je me laisse aller avec soulagement contre son torse. Avec lui, je n’ai pas besoin de faire semblant. Je peux être moi avec mes forces et mes faiblesses.


- Je suis désolée Chris. Tu n’aurais jamais dû voir ça… Je ne vais pas te demander d’oublier, ça me semble impossible. Mais…

- Charlie… Je suis inquiet pour toi surtout. Bon, je le reconnais, j’aurais préféré ne jamais voir ce cliché. Mais, c’est le seul et unique que je verrai. Alors que toi… Tu vas être plongée dans ce dossier pendant des jours. Est-ce que tu es sûre que c’est une bonne idée ?

- Non. Mais c’est la seule que j’ai en stock malheureusement. Bordel… Ce crime est abject. Je sais qu’un homme est en prison. Mais si jamais ce n’est pas lui qui est responsable ou si jamais il avait un complice, on doit le savoir.

- 40 ans après, il y a prescription non ?

- Oui, admis-je. Mais les journalistes n’en ont rien à foutre de ce genre de détail. Hors de question que cette hypothétique personne finisse ses jours tranquillement. La vérité doit voir le jour.


Des flashs de la scène de crime me reviennent en tête. Ils devaient dormir quand on leur a ôté la vie. Parce que c’est ce que mon cerveau m’a fait comprendre en voyant cette photo. Dans ce lit, ont été massacré deux enfants. Des filles, d’après ce que j’ai pu en voir. Encore que vu l’arme du crime utilisée, rien n’est moins sur. En cet instant, l’eau de Pine Lake me semble plus foncée que jamais…


- La vérité, on la doit à ces enfants sur cette photo. Et à toutes les autres victimes.

- Je comprends tes motivations. Je suis inquiet. Mais je te soutiendrai quoiqu’il arrive.


Je prends un instant pour fermer les yeux. La tête appuyée contre le torse de Chris. Son cœur battant sous ma joue. C’est le moment que choisi mon iPhone pour vibrer dans la poche arrière de mon jean. C’est un SMS. De Jen.


« Ils ont sorti Julian du coma ce matin. Il va bien même si c’est un patient impossible. Il n’est toujours pas transférable pour le moment. Je te tiens au courant. Jen »


Chris affiche un air interrogateur devant mon brusque soupir de soulagement. Je lui tends mon téléphone pour qu’il puisse lire.


- Au moins une bonne nouvelle aujourd’hui, me dit-il avec le sourire. Tu restes encore un peu ?

- Non, il faut que je rejoigne Harry.

- Je dois retourner bosser aussi. Il paraît que la patronne me paye pour rénover l’hôtel.

- J’ai entendu dire qu’elle était impitoyable avec les employés, ajouté-je en riant.

- J’ai ma méthode pour la faire flancher à tous les coups, poursuit-il en m’embrassant.


Je regagne le bureau après avoir quitté Chris dans le hall du Resort. Harry a commencé à classer un peu les différentes boîtes pour qu’on puisse s’y retrouver. Il a collé des post-it sur les couvercles afin qu’on sache ce qu’elles contiennent avant de les ouvrir. Il a mis de côté le carton « photos » et le carton « pièces à conviction ». Je n’ose même pas imaginer ce que le deuxième peut contenir. Les prochains jours vont être glauques. Je repars dans la cuisine pour préparer du café. Quelque chose me dit qu’on va en avoir besoin.


Les photos sont pêle-mêle dans le carton mais Harry a retrouvé l’inventaire. Une liste avec les numéros des photos et l’endroit où elles ont été prises. On a aussi la copie du registre de l’hôtel pour cette nuit là. On se partage les photos en deux tas égaux. On ira plus vite en les examinant chacun de notre côté. La même façon de faire que mon père. Il y a plusieurs centaines de clichés. 300 à vue de nez. On en a surement pour plusieurs jours.


D’entrée de jeu, je saisi la pile avec la photo de tout à l’heure. J’ignore le regard de Harry. Il faut que je m’y confronte. Après tout ce n’est peut-être pas la pire.


Je me concentre donc sur ce premier aperçu du meurtre perpétré dans ces lieux quarante ans auparavant. La photo est prise depuis le bout d’un lit queen-size. Elle porte le numéro 20. « Chambre 206. Lit de gauche. Victimes 4 et 5 » selon l’inventaire. Je jette un œil sur le registre. La famille Adams est mentionnée à cette chambre. 2 adultes, 2 enfants. Quand je reporte mon attention sur la photo, j’essaye de percevoir ce que j’ai sous les yeux en étant détachée le plus possible.


Mon examen attentif me confirme qu’il s’agit de petites filles. Vu l’état des victimes, il est évident qu’il faudrait que j’ouvre les rapports d’autopsie pour en être sur à 100% mais je préfère ne pas être parasitée par d’autres informations que celles que j’ai sous les yeux.


Très vite, j’essaye de trier grossièrement ma pile de photos par lieux. Cela m’aide à avoir une vue d’ensemble de chaque scène de crime. Je passe rapidement en revue les clichés. Après cette première photo, je ne m’arrête plus sur les détails dans un premier temps. Quelque chose me titille immédiatement. Je vois du coin de l’œil que Harry semble aussi perplexe que moi.


- Ça te semble évident à toi aussi ? lui demandé-je.

- Que Earl Walters n’a pas agit seul ?

- Oui. C’est frappant de voir certains couples. Étendus côtes à côtes comme si un des deux avait été entravé pendant que son conjoint se faisait massacré.

- Entravé ou maintenu par une deuxième personne…

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8 commentaires

Phoenix B. Asher

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Il y a 8 ans

Ah ben tu vois, je sentais qu'il vous manquait. Donc il arrive. Chapitre presque prêt mais il me manque quelques crédits encore pour qu'il soit débloqué. Demain matin peut être ;-)

Anisa A.

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Il y a 8 ans

Ooo ça cest du thriller!! Quand allons nous refaire un petit tour dans la tête de Chris ?

Phoenix B. Asher

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Il y a 8 ans

Je reconnais là une experte hahaha

LikeAMartian

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Il y a 8 ans

Autant de massacre à soi-même, plus simple à deux =D !

Phoenix B. Asher

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Il y a 8 ans

Oui c'est sur ;-)

black_foxx

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Il y a 8 ans

Oh oui ça semble évident qu'ils étaient 2

Phoenix B. Asher

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Il y a 8 ans

;-)

alexia340

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Il y a 8 ans

Oh oh un complice ! !!
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