Fyctia
1 - Veuve (2/2)
***
—Meuf, regarde le vieux bouquin que j’ai trouvé dans le placard de mamie ! jubile ma cousine. Cafédomancie : Déchiffrer son avenir dans le marc de café, lit-elle alors à voix haute.
—Sérieusement ? sourcillé-je d’un air sceptique.
—Allez Pam, fais pas ta rabat-joie pour une fois, on essaie ?
—J’aime pas le café.
—On s’en fout, on va pas le boire.
—Je suis fatiguée.
—T’es toujours fatiguée !
Je soupire, allongée en débardeur et shorty dans le lit qu’on partage toutes les deux chaque été chez mamie.
—T’es chiante, finis-je par abdiquer.
—Trop bien ! Allez, bouge tes miches, Pamy. Je t’attends dans la cuisine.
Vexée, je lui jette mon coussin en pleine tête. Elle rigole, comme d’habitude. Moi, ça m’amuse moyennement ce genre de vanne à force, surtout depuis la fin de ma puberté où j’ai su que c’était vraiment foutu, que les dés étaient jetés concernant l’évolution – ou plutôt la non-évolution – de ma poitrine. Paméla… Croyez-moi, ça craint de s’appeler comme ça. Surtout quand on ne vit pas sur Zuma Beach et qu’on fait un bonnet A.
Je soupire à nouveau tout en me relevant du lit pour suivre ma cousine dans la cuisine.
Heureusement pour moi, la plupart de mes proches m’appellent Pam.
Pam, c’est tout de suite plus cool, moins connoté gros nichons. Le pire, ça a été en classe de seconde, lorsque je suis brièvement sortie avec Paul que tout le monde a fini par surnommer Popol. Ils trouvaient le bînome Popol – Paméla planche à pain très drôle. Merci donc à la belle brochette de connards au fond de la classe pour leur inspiration du moment qui a bien pourri le reste de ma scolarité. Et ma première vraie relation aussi d’ailleurs, car Paul, ne supportant pas leurs moqueries incessantes, a fini par rompre avec moi quelques semaines plus tard. Il m’a remplacée par une Camille, prénom aussi commun que son 85C rempli.
Je soupire (encore) tout en m’installant sur une chaise autour de la table de la cuisine pendant que ma cousine s’attèle déjà devant la machine à expresso.
—Ça pue le café ton truc, râlé-je.
Elle ne me répond pas, concentrée sur sa tasse dans laquelle elle vient de renverser le marc fumant, juste à côté du livre de Cafédomancie grand ouvert à plat sur la table devant moi.
—Bon, on va commencer par toi, Pamy.
—Non mais je ne crois pas à ces trucs là.
—On s’en fout, c’est drôle.
—Bof.
—Tu vois quoi, toi ?
—Du marc de café puant.
—Roh joue le jeu, s’il te plaît.
J’hausse les épaules avant de me courber au dessus de sa foutue tasse.
—Je vois une espèce de croix, dis-je nonchalante.
—Mais oui, moi aussi je la vois ! se met à crier ma cousine. Et tu la vois l’espèce de poule, toi ?
—Non.
—Mais si, regarde mieux, avec le bec là, et les pattes, ici, me montre-t’elle du doigt.
—Ouais, peut-être.
—Okay, bon une croix et une poule.
Je pouffe.
—Ça n’a aucun sens ton truc.
—Tais-toi et laisse moi chercher dans le bouquin pour prédire ton avenir, se met-elle à jubiler, visiblement surexcitée par cette nouvelle activité.
—Je trouve pas de poule.
—Non, sans blague ? persiflé-je.
—Mais j’ai trouvé le coq, c’est pareil, hein ?!
—J’imagine…
—Il y a écrit que le coq signifie une bonne nouvelle, comme un nouveau jour lumineux, ou un commencement, lit-elle alors. Un nouveau job, un bébé, de l’argent.
Je rigole.
—Olala, c’est con que je ne puisse pas encore jouer au loto vu qu’il faut être majeur, sinon j’aurais gagné le jackpot à coup sûr, c’est le café qui le dit.
Elle rigole à son tour avant de me donner un coup de coude dans l’épaule.
—T’es trop nulle !
Puis elle se remet à tourner les pages assidument, ses yeux bleus rivés sur les titres, croquis et explications.
—Je cherche la croix maintenant.
—Ça doit vouloir signifier que je vais tourner dans un film X, dans la catégorie « zéro seins, challenge branlette espagnol ».
—Roh, tais-toi un peu, perverse. (long silence) Ah, je l’ai.
Je lève les yeux au ciel. Ceux de ma cousine s’assombrissent d’un coup.
—T’as raison, c’est vraiment trop nul ce bouquin, conclut-elle en le refermant brusquement.
—Ben ça signifie quoi alors ? la questionné-je, curieuse.
—C’est débile, je t’dis.
—Non mais ça, je le sais déjà Clem, merci. Allez, accouche ! On s’en fiche !
—Ils disent que ça symbolise… un décès.
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