Fyctia
2 - Le bonheur (1/2)
Ça y est, j’y étais. Encore. Pour la troisième année consécutive. Que c’est long le lycée. Je soupire devant le portail qu’un pion vient juste d’ouvrir. Je n’aime décidément pas ce portail. Trop haut, trop noir, trop infranchissable.
Nous y voilà. Je franchis la grille à reculons. Jour 1 de Terminale. Vivement le bac, vivement la prochaine étape, une nouvelle vie loin, très loin des brochettes de connards qui pullulent ici. Il paraît qu’à la fac, c’est mieux. Au moins, là-bas, je serai majeur, je pourrais enfin changer de prénom – me fondre dans l’amphithéâtre – au grand dam de mes parents, enfin surtout de mon père qui l’adore, lui, mon prénom. Normal puisqu’il l’a choisi.
Et non, contrairement à ce que l’on peut penser, il n’a jamais regardé Alerte à Malibu et ses maillots rouges hypnotisants. Non, si mon père a choisi Paméla, c’est parce qu’il possède une impressionnante collection de vinyles des Doors. Du coup, il a toujours rêvé d’appeler son fils Jim, comme le chanteur et leader du groupe de rock. Sauf qu’il m’a eu moi, sa fille, et c’est donc en toute logique – enfin, sa logique de merde à lui – qu’il a décidé de me donner celui de la muse et grand amour de Jim Morrison, Paméla Susan Courson.
Putain Jim, t’aurais pas pu sortir avec une Julie ou une Camille !?
En voilà des prénoms classiques, passe-partout qu’on n’a pas envie d’harceler. Les Julie ou les Camille ne connaissent pas le harcèlement, elles, j'imagine.
—Hé, salut Pam.
Je me retourne.
—Tiens, salut Julie.
Je lui souris.
—J’étais justement en train de penser à toi.
Elle me sourit à son tour.
—En bien j’espère.
—Ouais, t’inquiète. C’est juste que j’adore ton prénom.
—Haha, merci. Mais le tien est sympa aussi. Il est … original.
J’hausse les épaules, un peu vexée. Original, c’est ce qu’ils disent tous, juste après un long blanc gênant qu’on peut traduire par :
Tes parents, ils ont pris de la drogue le jour de ta naissance ou quoi ?
Même pas. Je crois que c’est le pire dans tout ça, qu’ils aient fait ce choix délibérément, en leur âme et conscience, sobres.
Silencieuses, nous marchons l’une à côté de l’autre, nous faufilant ici et là au milieu d’un tas d’autres lycéens braillards vers le préau où se trouve l’affichage des classes de cette nouvelle année scolaire.
—Du coup, tu crois qu’on va avoir qui comme prof principal ? me demande-t’elle, toute guillerette. J’aimerais tellement qu’on ait Capdelos en histoire… oh non et t’imagines si on se retape Merquez, olala, non c’est mort, je change de lycée direct. Remarque, il a un petit charme, tu trouves pas ? Bon, moins que le prof de sport, on est d’accord. Ouais, c’est cliché mais que veux-tu, moi, les biceps qui bandent, ça me met dans tous mes émois, se marre-t’elle.
Je me marre avec elle.
Julie, c’est une bavarde, ou comme dirait ma grand-mère à propos de Clémentine, ma cousine, un vrai moulin à paroles. Je crois que Julie et Clem n’aiment pas le silence, du coup, elles brodent constamment. Moi, ça m’occupe de les écouter, ça me plaît. Je l’ai toujours beaucoup appréciée Julie. Elle est joyeuse, tout le temps de bonne humeur, positive, et il faut bien avouer qu’ils sont très appréciables ces gens-là, cette catégorie de personnes ; joyeuses, de bonne humeur, positives. J’espère qu’un beau jour, j’en ferai partie moi aussi. En attendant, je soupire d’exaspération après m’être fait bousculée par un mec que je ne connais même pas. Un grand blond plutôt mignon qui me sort avec nonchalance :
—Excuse.
Puis, qui disparaît dans la foule.
2 commentaires
Sharleen V.
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Il y a 3 mois
Vanille Lemoro
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Il y a 3 mois