Vanille Lemoro People are strange 1 - Veuve (1/2)

1 - Veuve (1/2)

Ce matin, je ne vois aucune trace de café moulu sur le plan de travail, ni de marc dans le fond de l’évier en céramique blanc qui me paraît tout de suite trop blanc, tout de suite trop net, immaculé. Mais surtout, il n’y a pas, il n’y a plus cette odeur si familière qui l’accompagnait au réveil.

Moi, j’ai toujours bu du thé le matin. Je renifle entre deux sanglots que, bien sûr, je réprime. Impossible. Les effluves parfumées de son expresso en train de couler dans sa tasse ont été remplacées par celles du propre, l’odeur de rien, à laquelle je dois désormais m’habituer.


Sauf si…


J’ouvre le placard, attrape un mug, son préféré, celui que Jim lui a offert il y a quelques années déjà pour une fête des pères, je ne sais même plus laquelle tant le temps a passé. Je sais, c’est bête, mais j’en ai besoin. Comme pour repousser l’échéance dans ma tête et mon cœur, comme si juste en fermant les yeux et en humant les vapeurs qui jaillissent, je pouvais croire un court instant que le temps s’est rembobiné pour me le ramener. Comme s’il était encore là, auprès de moi, et non là-bas, tout seul, tout froid, à sept kilomètres dans un tiroir réfrigéré au funérarium.


J’avale une gorgée de café, ce qui me fait grimacer. Je déteste ça, cette saveur amère, âpre, ce goût de brulé. Je dévisse le porte filtre chaud et jette son contenu dans l’évier pour rincer, mais la forme noire dans le marc éparpillé sur la céramique blanche me pousse à couper l’eau. Je penche ma tête légèrement au-dessus pour regarder de plus près, presque hypnotisée par ce qui ressemble vraiment à la lettre L. Je cligne des yeux. Non, je n’hallucine pas, c’est bien un L ou c’est du moins comme ça que je l’interprète. Le bout de mes doigts tremble un peu. Est-ce un signe ? Une mauvaise blague ?


Est-ce ta façon de me dire de là-haut que tu es toujours là, avec moi ? Que ce matin encore, je dois nettoyer derrière toi pour ne pas changer nos vieilles habitudes ?


Foutu soubresaut. Une larme s’échappe, tombe sur le L dessiné dans le marc humide. Rapidement, j’essuie la deuxième fugitive d’un vif revers de la manche. Hors de question. Je ne pleurerai pas, je ne peux pas. Jim, notre fille, a trop besoin de moi, et si je pleure, si je commence à me laisser submerger par les émotions, alors je sais que je n’arriverai pas à remonter à la surface, que je sombrerai avec elles, et les anxiolytiques et les antidépresseur.

J’inspire profondément, la paume posée sur ma poitrine. Ça suffit ! Je rouvre le robinet, fixant le café en train de tournoyer et disparaître dans le siphon de l’évier.


Soudain, je repense à cette soirée avec ma cousine. C’était il y a un peu plus de quinze ans. La fin du mois d’août. Il faisait une chaleur caniculaire et il ne me restait plus que quelques jours avant la rentrée, celle de Terminale, celle de toutes les surprises, bonnes et mauvaises…


***










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3 commentaires

Aïkido Taiko (Himamix)

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Il y a 12 jours

Waw ! C'est tellement touchant 🥺

maddyyds

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Il y a 3 mois

hello! un petit soutien ♥

Vanille Lemoro

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Il y a 3 mois

Merci Maddyyds ! :-)
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