Fyctia

Note de l'auteur : Je voulais encore remercier chaleureusement les membres de l'équipe Fyctia pour avoir choisi Pennsylvania comme manuscrit "coup de pouce" ! Je ne m'en remets toujours pas et carbure à fond depuis hier pour continuer et terminer cette histoire dans les temps... J'espère que la suite vous plaira tout autant !

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Sur les millions de personnes qui vivent à Philadelphie, il a fallu que je tombe sur elle. J’aurais dû comprendre bien plus tôt, bordel. À y réfléchir, tout collait depuis le départ et pourtant, à aucun moment je n’ai fait le lien.

Quel con…

La voir marcher devant moi, dévorée par l’incertitude et totalement inconsciente de la menace qui plane sur elle à cet instant, je sens la culpabilité monter dans chacun de mes muscles. Si j’avais compris dès le début, elle serait retournée dans son petit village tranquille depuis longtemps.

– Arrêtez-vous, ordonné-je sèchement lorsqu’elle passe à côté de ma moto.

Sans attendre le moindre questionnement de sa part, j’attrape le casque pendu sur la poignée haute et le lui tend.

– Je n’ai pas d’équipement passager puisque je ne trimballe jamais personne, prenez ça.

L’incrédulité ternit subitement son visage tandis qu’elle laisse aller son regard de ma bécane au mien.

– Vous… Vous, n’espérez pas me faire monter sur cet engin ?

Eh merde, les Amish et leurs foutues règles, il ne manquait plus que ça pour bien nous ralentir.

– Il va falloir, confirmé-je en collant le casque contre sa poitrine pour l’obliger à le prendre.

– C’est hors de question.

– On n’a pas le temps pour ça, Jodie. Montez avant que quelqu’un ne nous voit ensemble.

– Jamais je n’utiliserai une moto pour me déplacer, Monsieur Pyke. Et puis, si vraiment personne ne devait nous voir ensemble, je doute que nous resterions discrets en traversant la ville sur cette chose bruyante.

Son entêtement m’exaspère autant que le temps qu’il nous fait perdre.

– Vous savez ce qu’est une moto, c’est déjà pas si mal, soufflé-je en allumant le contact.

– Nous en voyons passer de temps en temps lorsque nous nous rendons au centre-ville de Layton. Je ne suis pas totalement ignorante, vous savez ?

Plongeant mon regard dans le sien, je mets le moteur en marche pour toute réponse. Il va falloir qu’elle monte de gré ou de force et qu’on dégage au plus vite. Surprise par le vrombissement puissant qui fait trembler le pot d’échappement, la jeune Amish opère un demi-tour sur ses talons comme si ce simple geste pouvait la protéger de ce qui l’entoure. Je me dépêche d’attraper son poignet avant qu’elle ne cherche à déguerpir, puis la replace face à moi.

– On doit partir MAINTENANT.

– Je ne peux pas ! gémit-elle la voix tremblante. Et puis je ne vous connais pas, rien ne me prouve que je puisse vous faire confiance. Vous avez dit vous-même ne pas en être digne…

Son regard embué de larmes traduit à lui seul la panique qui l’envahit. Percuté par sa propre peur jusque dans ma cage thoracique, j’adoucis ma prise et m’efforce d’employer un ton plus compréhensif.

– Jodie, je ne peux pas vous laisser seule ici. Je vous ramène chez votre cousine.

Profitant de sa stupeur, je récupère le casque de ses mains, le dépose sur sa tête et l’attache avec une délicatesse qui me surprend moi-même.

– Comment… Connaissez-vous Moïra ? balbutie-t-elle, le corps désormais abandonné à mes directives.

Sans lui donner la moindre réponse, j’enfourche ma Softail et m’avance autant que possible pour lui laisser une place à l’arrière de la selle.

– Je n’ai pas de siège passager. Montez et accrochez-vous à moi. Je prendrai les routes peu fréquentées pour ne pas nous faire repérer.

Elle hésite encore, complètement perdue entre ses restrictions culturelles et l’impasse dans laquelle elle se trouve. Conscient qu’il ne me faut surtout pas la laisser réfléchir, sous peine de voir son esprit de contradiction reprendre le dessus, je tends une main dans sa direction pour l’aider à prendre place derrière-moi. Elle s’exécute, la mort dans l’âme et les gestes tremblants.

À l’instant même où ses bras se verrouillent autour de mon torse, j’enclenche la première et nous extirpe de cette ruelle. Soucieux de ne prendre aucun risque, j’évite scrupuleusement de me retrouver sur les avenues fréquentées et n’emprunte qu’une succession de rues secondaires, enchaînant les virages et variations de vitesse pour laisser le moins de temps possible à d’éventuels passants de me reconnaître. S’il venait à se savoir que Dalton Pyke a transporté une jeune femme sur sa Harley de grand solitaire, tous les malfrats du coin chercheraient à la retrouver. Elle deviendrait une cible rien que pour atteindre l’exécuteur le plus craint de Philadelphie.