Fyctia
Chapitre Chapitre 10.2 - Jodie
Perdue dans mon raisonnement tortueux, je ne vois pas les kilomètres défiler sous mes pieds et me retrouve brusquement face à une vitrine qui semble correspondre à mon objectif. Je lève le nez pour en vérifier l’enseigne, il s’agit bien du King’s Clothes et lorsque j’en pousse la porte, personne ne se trouve à l’intérieur. Ne disposant d’aucun moyen de vérifier l’heure, je prie silencieusement pour ne pas avoir manqué mon rendez-vous et prends place sur l’un des sièges face aux machines. Sans que je ne puisse le contrôler de quelque manière que ce soit, mon esprit s’égare aussitôt sur mes chances de retrouver Samuel vivant. Depuis mon arrivée ici, chaque personne que je croise semble vouloir me faire réaliser à quel point cette probabilité est infime, pourtant je me sens incapable d’abandonner l’espoir de le ramener à Layton.
Un grincement de porte trahit son ouverture derrière-moi, suivi du ronflement puissant du vent qui souffle au dehors. Nerveuse, je tourne prudemment la tête par-dessus mon épaule. L’inconnu mystérieux s’avance sans un regard dans ma direction, les mains fourrées dans les poches d’une veste molletonnée au col remonté. Une casquette masque en partie son visage, laissant tout de même apparaître quelques traits anguleux dont la puissance déclenche immédiatement un frisson d’angoisse qui me tambourine la poitrine. À son silence, à la manière dont ses mâchoires se serrent, à cette présence à la fois imposante et effacée, cet homme respire le danger.
Sans un mot, il ouvre l’une des machines et y récupère une enveloppe. Puis, relevant enfin ses yeux sombres dans les miens, il me considère avec une froideur qui me glacerait le sang s’il ne s’agissait pas de retrouver Samuel.
– Mettez quelque chose à laver, résonne sa voix grave.
Prise au dépourvu, je peine à comprendre et l’interroge du regard.
– Vous êtes dans une laverie. Il vous faut mettre quelque chose dans cette foutue machine au cas où quelqu’un entre.
– Pourquoi ne pas mettre l’un de vos vêtements ? osé-je avant de regretter immédiatement mon effronterie face à son regard glacial.
– Je suis venu récupérer une prochaine mission, répond-il sèchement. Ma présence ici ne sera aucunement problématique si un sbire de Teresi se pointe. Vous, en revanche, vous seriez immédiatement suspectée d’être liée à moi.
D’un geste résigné, je retire le châle qui recouvrait mon chignon et le place dans le ventre de cette énorme machine. L’homme la referme puis appuie sur quelques boutons, dont le dernier déclenche aussitôt la mise en route d’un ballet que je n’avais encore jamais vu. Dans un concert de bruits en tous genres, de l’eau se met à couler le long de la paroi vitrée, puis l’intérieur de l’appareil se met à tourner, ballottant mon pauvre châle sans délicatesse.
– On a peu de temps, reprends l’homme dont le timbre rauque me tire de ce spectacle désolant, alors je vais aller droit au but. Vous devez cesser immédiatement de courir après Ocario Teresi.
Je ne sais s’il s’agit là d’un avertissement ou d’un ordre, toujours est-il que je ne tiendrai compte ni de l’un, ni de l’autre.
– J’irai droit au but moi aussi, réponds-je avec autant d’aplomb possible, je ne cesserai de courir après cet homme que lorsque l’on me dira si oui ou non, il est lié d’une quelconque manière à la disparition de mon frère.
À la façon dont il soupire en retirant sa casquette pour se passer une main nerveuse dans les cheveux, je suppose qu’il pensait réellement pouvoir me dissuader en une seule phrase.
– Personne ne vous dira rien, prononce-t-il les dents serrées. Il est d’ailleurs quasiment certain que personne ne sache quoi que ce soit à propos de votre frère.
– Bien, alors que l’on me renseigne simplement sur cet homme, sur ses activités, et je me chargerai de faire le lien ou non avec la disparition de Samuel.
Un silence pesant s’installe le temps de quelques secondes, durant lesquelles l’homme me scrute avec une intensité particulièrement inquisitrice. Je vois bien qu’il cherche à comprendre d’où me vient cette obstination, lui qui, comme tous les Étrangers, n’attendent des Amish que faiblesse et dévotion, silence et soumission.
– Vous allez mourir, vous le savez ?
Son avertissement me frappe violemment de l’intérieur, mais je me force à reprendre contenance dans la seconde. Samuel ne mérite pas que j’abandonne, encore moins par lâcheté.
– Et vous, êtes-vous digne de confiance ? Je ne connais même pas votre nom.
Les yeux rivés au fond des miens, il avance de deux pas pour me surplomber dangereusement.
– Dalton Pyke. Et la réponse est non.
18 commentaires
JULIA S. GRANT
-
Il y a 10 mois
Debbie Chapiro
-
Il y a 10 mois
Léana Soal
-
Il y a 10 mois
cindy37190
-
Il y a 10 mois
Christelle Granger
-
Il y a 10 mois
Léana Soal
-
Il y a 10 mois
Alma Rose
-
Il y a 10 mois
Léana Soal
-
Il y a 10 mois
valerieF
-
Il y a 10 mois
lesétoiles
-
Il y a 10 mois