Fyctia

Je prends une grande respiration pour me donner du courage, descends de mon tabouret et remets de l’ordre dans les plis de mon jupon.

– Je vous conseille fortement d’y renoncer.

Surprise par cette voix rauque qui vient de me couper dans mon élan, j’opère un quart de tour sur ma droite et découvre un homme appuyé des deux bras au comptoir, faisant tournoyer lascivement le liquide ambré qui git au fond de son verre. Ses épaules affaissées ne minimisent en rien une carrure que je devine relativement imposante, et si les cheveux châtains ébouriffés qui retombent sur son visage m’empêchent d’en apercevoir les traits, je perçois immédiatement qu’une tension particulière se dégage de cette personne. Il ne me regarde pas, pourtant je sais parfaitement que ses mots m’étaient adressés.

– Je vous demande pardon ?

Il continue à faire danser son breuvage, lentement, laissant les secondes s’écouler comme si le temps n’avait aucune importance. Puis, après avoir enfin avalé sa boisson d’un coup sec, il claque le verre sur le comptoir et se lève en passant une main dans ses cheveux, dégageant ainsi un visage emprunt de puissance et de noirceur comme je n’en avais encore jamais vu. Les ténèbres semblent avoir élu domicile au fond de ces deux iris sombres, et je fais machinalement un pas en arrière lorsqu’il les plonge dans les miens.

– Si vous vous aventurez à parler à Ocario Teresi, vous ne resterez pas en vie assez longtemps pour retrouver la personne que vous cherchez.

– Quoi… Vous… Vous connaissez Samuel ? Vous savez ou est mon frère ?

– Du tout. Je vous ai seulement entendue vous renseigner, et j’ai deux conseils pour vous si vous voulez rester en vie à Philadelphie. Un, soyez plus discrète. Deux, quittez ce bar et n’y revenez plus. Jamais.

Il me contourne en relevant le col de son blouson de cuir et disparait aussitôt dans la foule, ne laissant derrière lui que l’odeur musquée du parfum qu’il porte.

– Mais… Attendez !

Je tente de me frayer un chemin au beau milieu des fêtards plus ou moins alcoolisés, chose qui me demande de jouer des coudes bien plus que je n’aurais jamais osé le faire. Il faudra que je pense à demander pardon pour cela, lors de mes prochaines prières.

Une fois parvenue hors de l’établissement, je commence par prendre une profonde respiration afin de renouveler l’air dans mes poumons, peu habituée à une telle concentration de tabac, d’alcool et de transpiration. La musique n’agresse plus mes tympans et je peux me reconcentrer sur les bruits environnants.

Je tourne la tête de gauche à droite, espérant voir ce mystérieux individu quelque part. Je ne sais pourquoi, mais je sens qu’il peut m’aider à en savoir plus et peut-être même, à retrouver la trace de Samuel. J’ai beau parcourir scrupuleusement les environs du regard, il semble s’être littéralement volatilisé.

Déçue, mais néanmoins satisfaite d’avoir trouvé ne serait-ce que l’ombre d’une piste ce soir, je remets en ordre les quelques repères visuels que j’avais mémorisés afin de retrouver mon chemin, et me mets en route.

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Note de l'auteur : Oups, je crois qu'on vient de rencontrer Dalton...