Fyctia
Chapitre 3.1 - Jodie
J’ai rarement eu autant de mal à me frayer un passage au beau milieu d’une foule. Même au marché de Layton, les gens sont plus civilisés, chose qui me paraissait peu probable jusqu’ici. Tandis que je joue des épaules pour accéder à ce qui semble être la pièce où tout le monde souhaite aller, la vision de toutes ces personnes ayant perdu le contrôle de leur corps et de leur âme m’écœure. Nombre de femmes se déplacent un verre à la main, peu vêtues et les yeux vitreux. J’ai du mal à comprendre que cela puisse être amusant, et pour la première fois depuis mon départ, les miens me manquent vraiment.
Je parviens enfin à l’entrée d’une énorme salle, tellement grande que je n’en vois pas les murs, à l’intérieur de laquelle un son agressif est craché par de grosses caisses suspendues un peu partout. Des centaines de personnes sont entassées là, la plupart sont en train de danser, d’autres sont installés dans des canapés, un verre à la main.
A mon grand soulagement, je semble être redevenue invisible pour tous ces Etrangers débauchés, et je peux avancer sans encombre pour approcher de l’endroit qui semble être celui où les fêtards viennent se faire servir. Quatre personnes s’affairent derrière une sorte de muret éclairé par des néons bleus qui, encore une fois, m’agressent les yeux. Ils remplissent des verres à tour de bras et réceptionnent des billets à une vitesse tout aussi impressionnante.
Je prends place sur un tabouret bien trop haut pour moi dès qu’il se libère, et les observe en attendant que l’un d’entre eux remarque ma présence. Je n’ose les déranger, surtout lorsque je les aperçois faire virevolter des bouteilles d’alcool dans tous les sens.
Tandis que je fixe ce balai impressionnant, bouche bée, une voix m’interpelle.
– Je suppose que vous n’êtes pas venue pour prendre un verre ?
Je sursaute et tourne le regard vers le serveur qui vient de s’adresser à moi.
– Non, en effet… Je suis à la recherche de mon frère. On m’a dit que des groupes de jeunes Amish venaient parfois ici ?
– C’est vrai, mais c’est plutôt par période, et je crois que les derniers sont partis.
Je comprends qu’il fait sans le savoir référence au Rumspringa.
– En effet, les derniers sont partis hier. Auriez-vous par hasard remarqué l’un d’entre eux venir seul ? Ou accompagné seulement d’Etran… de gens comme vous ?
– De gens comme moi ou de gens pas comme vous ?
Je réponds à son clin d’œil taquin par un sourire entendu.
– Vous m’avez comprise, je crois.
– Ecoutez, ça arrive que certains d’entre eux laissent tomber les autres, on assiste parfois à des petites chamailleries de ce genre.
Je tente de contenir mon empressement d’en savoir plus.
– Et avez-vous vu cela récemment ? Ou ces dernières semaines ? C’est très important.
– Je n’ai pas le souvenir d’en avoir vu se disputer dernièrement, non.
Déçue, je baisse le regard sur mes doigts entrelacés par le stress et baisse les épaules. Je ne sais plus quelle question poser pour avancer. Je descends sans entrain de mon siège, et adresse un dernier sourire au jeune serveur.
– Bien, je vous remercie d’avoir pris le temps de me renseigner monsieur, je vous souhaite une bonne soirée.
Il acquiesce et m’observe faire quelques pas incertains, avant de m’interpeler de nouveau.
– Attendez !
Surprise, je me retourne et le vois me faire signe de revenir.
– Je devrais pas trop vous le dire, mais parfois, certains Amish isolés après ces disputes sont abordés par des gars pas très cleans.
Le sentiment de faire enfin un pas en avant me gagne, même si celui-ci est relativement inquiétant.
– Pas très cleans ? Qu’est-ce que cela signifie ?
– Des gens qu’il faudrait pas fréquenter. Des mecs du business, quoi.
– Du quoi ? Je suis désolée mais je ne comprends que la moitié des mots que vous employez.
– Hum… Je vois… Bon, écoutez. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a ici des personnes qui font divers trafics illégaux. Armes, drogue, et d’autres trucs pas cool. Et vos copains qui se retrouvent tout seuls sont les recrues idéales pour eux.
Je tente de mettre en ordre dans ma tête les informations qu’il me livre.
– Voulez-vous dire que de jeunes Amish finissent par être employés par des trafiquants de drogue ?
– Moins fort ! Ça peut arriver, oui. Mais je vous ai rien dit, hein !
Je n’en crois pas mes oreilles et tente de reprendre appui sur mon tabouret pour ne pas tomber. Que nos adolescents rêvent du Grand Monde et choisissent une vie de luxure, c’est déjà quelque chose que j’avais du mal à concevoir. Mais les imaginer participer à des affaires illégales et dangereuses, allant à l’encontre de tout ce que notre communauté leur a enseigné, je ne peux y croire.
– Tenez, reprend mon informateur avec un mouvement du menton, pour la plupart, ils se mettent à bosser pour lui.
Je me tourne dans la direction que son geste m’indique, et aperçois un homme installé au centre d’un canapé en demi-cercle, vêtu de l’un de ces costumes tendus et serrés qu’affectionnent les Etrangers. Autour de lui, quelques femmes dont l’accoutrement ne cache pas grand-chose, et quatre hommes particulièrement attentifs à ce qu’il est en train de dire. Il s’agit visiblement de quelqu’un d’important, de craint très probablement, pourtant il représente bel et bien le prochain pas que je vais devoir franchir pour arriver jusqu’à Samuel. Rien ni personne ne me fera reculer.
13 commentaires
Debbie Chapiro
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Il y a 10 mois
Zéphira
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Il y a un an
Cloé Mouton
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