Fyctia

La nuit est déjà tombée lorsque je tourne dans la serrure de la porte d’entrée la clé que Moïra m’a laissée. Je la range dans la poche intérieure de mon jupon et passe le petit portillon, sans n’avoir la moindre idée d’une quelconque direction à prendre. Je ne sais par où commencer, mais la seule chose dont je sois certaine, c’est que je n’attendrai pas une minute de plus pour me mettre en quête d’indices sur le non-retour de Samuel.

Ce début d’automne semble être particulièrement frais à Philadelphie, et je dois remonter mon châle en laine sur mes épaules pour contrer l’humidité ambiante.

Parce qu’il faut bien faire un choix, je décide de partir sur ma gauche et me mets en marche.

Ebahie par la taille des bâtiments qui m’entourent, tout comme la largeur de l’avenue sur laquelle j’avance à pas prudents, je tente de lutter contre cette impression grandissante de me faire engloutir par cette étrange civilisation. Chaque personne que je croise semble totalement absorbée par je ne sais quelle chose extrêmement sérieuse, personne ne se salue, ni même ne se regarde. Il doit y avoir une bonne dizaine d’hommes et de femmes autour de moi sur ce trottoir, qui marchent dans la même direction ou bien arrivent face à moi, pourtant chacun me semble tellement seul… J’avais déjà entendu dire que les Etrangers* vivaient dans leur bulle et faisaient preuve d’une grande individualité, mais je ne m’attendais pas à ce que cela soit aussi flagrant.

Après plusieurs minutes de marche durant lesquelles je me contente d’essayer de ne pas me faire bousculer par les piétons pressés, ni renverser par les véhicules qui s’entrecroisent à une allure impressionnante, je constate que le décor change peu à peu. Les bâtiments d’habitation laissent place à quelques commerces, dont les enseignes lumineuses m’agressent les yeux.

Lorsque j’arrive enfin au bout de l’avenue, mes jambes stoppent net et mon souffle se bloque. Une énorme place se dresse devant moi, tout autour de laquelle des personnes dînent sur des tables installées dehors, devant des restaurants qui semblent rivaliser de décorations extérieures pour attirer le client. Nous avons bien un restaurant près de Layton, qui utilise les produits de notre ferme d’ailleurs, mais il n’est pas aussi fréquenté et surtout, les gens y mangent à l’intérieur.

J’avance vers l’une des enseignes et entre en ignorant les quelques regards de personnes qui semblent enfin remarquer ma présence, probablement à cause de mes vêtements. J’ai l’habitude et ne prête aucune attention aux murmures et moqueries proférées sur mon passage. Un serveur vient à ma rencontre, l’air surpris.

– Madame ? Puis-je vous être utile ?

– Bonsoir, euh... Oui, je suis à la recherche de quelqu’un. Un jeune homme…

Il me regarde de haut en bas, perplexe.

– Un jeune homme ?

– Mon frère.

– Oh, je vois. Désolé madame, aucun… Enfin, aucune personne de votre… communauté, ne s’est présentée ici.

– Vous êtes sûr ? Il s’appelle Samuel, il a les cheveux blonds et…

– Madame, je vois des cheveux blonds toute la journée, et je ne connais pas le prénom de nos clients. Je suis désolé mais il semble que vous ne cherchiez pas au bon endroit.

Consciente que je l’ennuie, et que mon approche n’est pas des mieux préparées, je le remercie et tourne les talons sans insister. Il va falloir que je travaille mes questions si je veux trouver le moindre indice.

J’entre dans le restaurant suivant, et suis interceptée cette fois-ci par une jeune fille dont le sourire chaleureux me met un peu plus à l’aise. Elle détaille elle aussi mon apparence de haut en bas, mais je ressens un soupçon de bienveillance dans ses yeux noisette qui me regardent maintenant avec interrogation.

– Bonsoir Madame, je peux vous aider ?

– Bonsoir, oui vous le pourriez peut-être. Je voudrais savoir si parfois, vous qui travaillez ici, vous auriez pu voir de jeunes gens de ma communauté dans les environs ? Je suis à la recherche de l’un d’entre eux. Il s’agit de mon frère, il aurait dû revenir chez nous. Je m’inquiète beaucoup pour lui.

Elle me détaille en levant un sourcil et pinçant les lèvres.

– Vous voulez dire qu’il aurait dû retourner chez vous mais qu’il ne l’a pas fait ?

Je constate avec soulagement qu’elle ne m’a pas directement déboutée, je progresse donc dans ma manière d’aborder les Etrangers.

– C’est cela, oui.

Elle dépose sur une table libre le plateau qu’elle tenait et place une main sur sa hanche, l’autre sur un dossier de chaise.

– Eh bien, on voit bien quelques groupes d’Amish passer, oui, mais ils vont plutôt du côté de Rittenhouse Square, on les voit parfois faire la tournée des bars branchés. C’est assez rigolo d’ailleurs, ils prennent des cuites d’un autre monde.

– Des quoi ?

– Des cuites ! Enfin, quand ils boivent trop quoi. De l’alcool. Voyez ?

J’ai beaucoup de mal à imaginer Samuel boire de l’alcool, encore moins au point de se faire remarquer.

– Pourriez-vous m’indiquer où se trouve Rittenhouse Square ?

– Un peu plus loin sur l’avenue, mais ça fait une petite trotte quand-même.

– J’ai deux pieds, je marcherai. Y a-t-il un endroit où ils vont plus que dans un autre ?

Elle tord les lèvres, comme pour marquer une légère hésitation.

– Je dirais, le Black Bar. C’est un night-club branché où ils aiment bien aller. Mais attention, c’est pas le monde des Bisounours madame.

– Le quoi ?

– Oh là là. Je veux dire que ce n’est pas un endroit très fréquentable pour quelqu’un comme vous.

– Je veux retrouver mon frère. Si je dois traverser l’enfer pour cela, je le ferai.

– Eh bien, vous n’en êtes pas loin…

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Un petit mot pour te remercier si tu es encore dans l'aventure avec moi ! J'espère que le voyage à Philadelphie te plaît et te donne envie de continuer ta lecture...

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Prends soin de toi et des tiens.

Bises, Léana.