Fyctia
Chapitre 1.2 - Jodie
– Qu’est-ce que c’est ? lance une voix depuis la petite maison qui vient de s’ouvrir.
Je lève les yeux et la découvre, juchée sur les deux petites marches qui devancent sa porte d’entrée. Le changement est effectivement frappant, et je mets quelques secondes à retrouver quelques repères sur son visage. Le seul auquel je parviens à me raccrocher est son regard bleu azur, aussi doux que dans mes souvenirs malgré un maquillage prononcé.
– Moïra ?
– Oui, c’est moi.
Elle fait quelques pas vers moi et, lorsqu’elle n’est plus gênée par la branche de magnolia qui jusqu’ici lui barrait la vue, change immédiatement d’expression.
– Oh merde…
Elle ouvre le portillon et prend ma main.
– Ne reste pas ici, entre, dit-elle en me dirigeant avec entrain vers sa porte.
Lorsqu’elle la referme derrière nous, le soupir qui franchit ses lèvres prouve qu’elle a bien compris que je ne suis pas ici pour rien. Soit j’ai fui Layton, soit il s’agit d’un problème de famille.
– Bien, commence-t-elle, si ma mémoire ne me joue pas des tours, tu es Jodie, la fille de tante Rebecca. C’est bien cela ?
– Oui.
– D’accord. Tu m’expliques ?
– Mon frère Samuel aurait dû revenir de son Rumspringa hier.
– Aurait dû ? Donc il n’est pas revenu, c’est ça ?
– C’est cela.
– Je vois. Ce n’est pas le premier, tu sais ?
Je baisse les yeux un instant. Elle fait référence à Jonah, et je n’ai pas le droit de parler de lui. Ni même de penser à lui. Mais c’est pour Sam… Je m’ébroue brièvement avant de relever mon regard dans le sien.
– Samuel n’est pas réellement parti pour découvrir le Monde. En réalité, il n’en avait que faire. La seule chose qu’il voulait, c’est comprendre ce qui est arrivé à…
– Jonah…
– Oui.
– J’ai appris pour lui, je suis désolée.
– Sam avait besoin de savoir et il devait venir à Philadelphie pour cela. Le Rumspringa était sa seule occasion. Mais il devait revenir, il veut être fermier et rien d’autre.
Elle pose une main sur mon épaule.
– N’a-t-il pas pu changer d’avis ?
– Non. Il lui est arrivé quelque chose, je le sens. Je le sais.
– Jodie…
– Je n’ai pas besoin que tu partages mon avis, Moïra. Je ne te demande pas d’autre aide que celle de m’offrir l’hospitalité, le temps pour moi de le retrouver.
Je pense chacun de mes mots et n’ai pas peur de les prononcer. J’ai déjà perdu un frère et il est hors de question que cela se reproduise. Peu m’importe de me retrouver dans un monde qui n’est pas le mien, aussi angoissant soit-il. Quels que soient les dangers ou le temps dont j’aurai besoin, je ne repartirai pas sans Samuel.
Moïra se redresse en poussant un grand soupir.
– Bien, tu m’as l’air décidée, je ne peux t’empêcher d’y croire. Evidemment, tu peux rester ici tout le temps qu’il te faudra. Mais par pitié Jodie, fais attention. Philadelphie n’est pas Layton…
Je la serre contre moi avant qu’elle n’ait pu terminer sa phrase, submergée par le soulagement d’avoir au moins un endroit où dormir au chaud et en sécurité.
– Oh merci, merci !
Je libère ses épaules après l’avoir embrassée sur les deux joues, incapable d’effacer le sourire niais qui a pris naissance sur les miennes. Je suis à Philadelphie. Et je vais retrouver mon frère.
– Bon, reprend-elle en réajustant son chemisier, je suis de garde ce soir, je dois être partie dans moins d’une heure. Est-ce que ça ira ?
Je tente de comprendre ce qu’elle vient de me dire, n’ayant saisi seulement le fait qu’elle allait s’absenter. Visiblement, mon visage trahit ma perplexité, puisque Moïra m’adresse un sourire compatissant.
– Je travaille à l’hôpital universitaire Thomas Jefferson. Nous devons nous occuper des patients… des gens, et être prêts à en accueillir de nouveaux, jour et nuit. Donc, nous nous relayons pour qu’il y ait toujours une équipe prête à intervenir. Cette nuit, je dois travailler car c’est mon tour.
– Je vois. Un peu comme chez nous, à la période des mises-bas…
Elle tord les lèvres et je suppose que la comparaison vient de la ramener quelques années en arrière.
– Oui, c’est ça.
Elle fait quelques pas vers ce qui semble être l’endroit où elle cuisine, et ouvre un grand réfrigérateur.
– J’ai un beau reste de poulet et de carottes poêlées pour ce soir, tu n’auras qu’à te faire réchauffer ce que tu veux.
Elle se dirige vers un meuble sur lequel trône un appareil que je n’avais encore jamais vu.
– Regarde, dit-elle en l’ouvrant, ceci est un micro-ondes. Il sert à réchauffer ce que tu veux, en quelques minutes.
Elle referme la porte et appuie sur un bouton. Immédiatement, de la lumière brille à l’intérieur et un bourdonnement sourd me fait sursauter. Je ne m’y attendais absolument pas. Moïra pouffe de rire et stoppe l’appareil.
– J’ai réagi comme toi la première fois, me souffle-t-elle. Mais tu verras, ce truc-là c’est magique.
– Je… Je ne peux pas utiliser ça…
– Personne ne le saura, Jodie.
– Le Seigneur et moi le saurons. Je suis venue chercher Samuel, pas me compromettre dans la luxure du Monde.
– Comme tu voudras, mais je n’ai pas de cheminée où tu pourras cuisiner alors, sauf si tu veux manger des sandwichs durant tout ton séjour, il va te falloir utiliser l’électricité. Vous avez bien un réfrigérateur, non ?
– Oui, mais c’est le seul appareil que nous nous permettons. Et de plus, il fonctionne sur les panneaux solaires que papa a installés.
Elle pousse un soupir en passant une main dans ses cheveux détachés.
– Bon, fais comme tu voudras. Je dois me préparer. Si tu veux, demain je t’accompagnerai pour commencer tes recherches.
J’acquiesce brièvement, et me garde bien de lui dire que je n’ai aucunement l’intention d’attendre demain pour me mettre à la recherche de mon frère...
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Chris Vlam
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Il y a 10 mois
Léana Soal
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Il y a 10 mois
Debbie Chapiro
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Il y a 10 mois
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cindy37190
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Gwenaële Le Moignic
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Il y a un an