Fyctia
Chapitre 1.1 - Jodie
Le nez collé à la vitre du taxi qui me mène vers Samuel, j’admire la vue magnifique que le pont Benjamin Franklin offre sur le fleuve Delaware. Les encablures verticales renforcent mon impression d’être suspendue dans le vide et me donnent le vertige. Jamais je n’avais vu tel ouvrage.
Epuisée, je laisse un bâillement tirailler les muscles de mon visage. Le trajet a été long et épuisant, probablement en raison du fait que je n’avais jusqu’ici jamais dépassé un rayon de dix kilomètres autour de Layton.
Ce matin à l’aube, lorsque j’ai poussé la porte de la maison encore endormie, un paquet m’attendait sous le porche. Un petit sac de toile contenant un morceau de brioche, deux pommes et une petite liasse de billets. Maman m’avait, par ce geste, donné son approbation et cela m’avait fait chaud au cœur.
Grâce à cette somme d’argent, j’ai pu prendre un car jusqu’à Wilmington, puis ce taxi, que l’adorable gérante d’une supérette m’a commandé lorsque je lui ai demandé, perdue, comment me rendre à Philadelphie. Le sourcil qu’elle a froncé en pinçant les lèvres lorsque je lui ai tendu le petit morceau de papier sur lequel maman avait griffonné une adresse, m’a laissé comprendre que les barrières rassurantes de Layton étaient maintenant loin derrière moi. Mais peu importe, aujourd’hui mon seul but est de retrouver Samuel, et si pour cela je dois rejoindre l’enfer, je n’en ai pas peur.
Le décor qui défile à vive allure par la fenêtre, même s’il commence à me rendre légèrement nauséeuse à force de faire se rejoindre mes yeux et le fond de mon estomac, m’impressionne. Ici, les bâtiments montent bien plus haut qu’à Layton et je me demande comment c’est possible. Quelle sorte d’échelle a-t-on bien pu utiliser pour construire de tels édifices ? J’ai souvent vu les hommes du village bâtir les fermes voisines, et je sais combien il est déjà difficile de relever un pan de mur pour de simples maisons comme les nôtres. Alors, lorsque ces hautes tours se dressent sous mes yeux à mesure que le véhicule serpente sur les voies bitumées, je me demande combien d’hommes et combien de temps ont été nécessaires pour construire une telle ville.
– Vous voilà arrivée, mademoiselle. Cent seize, Chestnut Street.
Surprise, je tente d’apercevoir la ferme de la cousine Moïra, mais ne distingue qu’une rangée de portillons en fer forgé devançant de tout petits jardinets à peine végétalisés. Visiblement pressé, le chauffeur passe un bras derrière l’appuie-tête du siège passager pour me faire face.
– J’ai une autre course qui m’attend, ma p’tite dame. Alors si vous le voulez bien, il va falloir descendre.
Il sort de la voiture et vient m’ouvrir la portière. J’attrape mon petit sac de toile et rejoins le trottoir, paye l’homme et continue de chercher autour de moi tandis qu’il remonte dans son taxi. Lorsque la berline s’éloigne, me faisant sursauter à cause du vrombissement du moteur, je me retrouve seule. Seule au milieu d’une rue inconnue, dans un quartier inconnu, une ville inconnue, un monde inconnu.
Je laisse mes yeux courir le long de la rangée de portillons, tous identiques, et remarque enfin le chiffre cent seize délicatement calligraphié à côté de l’un d’eux, sur un muret de pierre envahit par le lierre.
C’est donc ici qu’habite Moïra, une cousine éloignée de dix ans mon aînée, qui a préféré quitter Layton et notre communauté pour suivre des études de médecine. Je l’ai très peu connue, et son départ remontant à près de douze ans, je ne suis pas certaine d’être capable de l’identifier. Si l’on ajoute à cela le fait qu’elle a très probablement quitté ses vêtements traditionnels au profit d’un style vestimentaire totalement différent, je n’ai clairement aucune chance. Avec un peu d’hésitation, j’appuie sur la sonnette.
13 commentaires
Chris Vlam
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Il y a 10 mois
Léana Soal
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Il y a 10 mois
Debbie Chapiro
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Solann
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Léana Soal
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Sarah🤓
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Il y a un an