Fyctia

Un autre enseignant la dirigea vers un couloir à droite, mais elle traina des pieds. Son attention était encore tournée vers ce mystérieux étranger dont la peau était plus sombre que la sienne. Il n'était pas simplement marqué par le travail manuel sous le soleil, il y avait autre chose. Surtout, il lui avait suffi d’une phrase pour apaiser sa crise de panique. D’un sortilège pour sauver ses chances d’entrer à l’université. D’une apparition pour qu’elle fixe ses traces avec un sourire béat. Puis elle attint le couloir, la porte disparut, et elle secoua la tête. Le moment n’était pas aux rêveries, elle devait se concentrer !

Le couloir de calcaire blanc cassé déboucha sur un cloître dans lequel poussaient des herbes et des fleurs en apparence sauvage. Edin eut juste le temps de reconnaître deux espèces, souvent utilisées pour les enchantements, avant d’être guidée vers un nouveau couloir, et enfin vers une ample salle de classe. Face à une estrade occupée par un bureau de bois massif et un large tableau d’ardoise, des pupitres avaient été alignés à travers l’espace. Il y avait assez de place pour qu’une centaine d’élèves s’installent sans pour autant pouvoir regarder la table de leurs voisins.

Au fond de la pièce, Edin reconnut la rousse et ses acolytes, et baissa les épaules. Impossible cependant de se cacher, ou d’échapper à son regard foudroyant. Elle trottina juste vers la place qui portait son - faux - nom et posa sa pochette sur ses genoux. La masse des candidats arriva à sa suite. Assez pour occuper la centaine de pupitres, sous le regard attentif d’une demi-douzaine de surveillants. A ce stade, Edin commençait à soupçonner qu’il s’agissait plus du personnel de l’école que véritablement de mages.

Elle profita de ce temps pour préparer sur son plan de travail un encrier, une plume, un fusain et une pile de parchemins vierges. Enfin, elle tira d’un petit étuit des lunettes à la monture fine, en fer brut, avec un seul verre pour corriger la vision brumeuse de son œil droit. Le gauche avait une bonne vision, mais lire et écrire avec un seul œil sur de longues périodes lui causait des migraines.

Une fois tous les candidats installés, un enseignant passa la porte et se dirigea vers le bureau. Le cœur d’Edin se figea. C’était l’inconnu de l’entrée, avec ses yeux doux et son écharpe ! Des murmures s’élevèrent parmi les élèves face à ce mage visiblement étranger. Il claqua des mains pour attirer l’attention puis prit la parole de sa voix claire et mélodieuse.

“Tout d’abord, merci à vous tous pour votre présence ! Au nom de toute l’université, je souhaite vous souhaiter la meilleure des chances pour la journée qui commence. La première épreuve va bientôt commencer, il s’agira d’une épreuve théorique. Vous serez ensuite évalués sur vos compétences artistiques, puis guidés vers la grand-salle, où une collation vous attend. L’après-midi commencera par une épreuve physique, et enfin un examen de votre aisance à la magie. Donnez le meilleur de vous, et vous aurez la chance de recevoir notre prestigieux enseignement !”

il balaya lentement l’assemblée du regard, et la jeune femme sentit qu’il se posait plus lentement sur elle. Avec l’écharpe qui dissimulait la moitié de son visage, impossible de lire son expression ; pourtant, elle sentit une bouffée de chaleur lui envahir les joues. Il finit par s’incliner, puis laissa la place à une collègue pour la première épreuve, dont le fonctionnement était simple.

L’enseignante, expliqua-t-elle, allait leur poser une série de questions, qu’elle écrirait sur le tableau au fur et à mesure. Ils devraient écrire leurs réponses, dans l’ordre et numérotées, et rendre un dossier nommé avant la fin de l’heure impartie. Simplement. Edin plongea sa plume dans l’encre, fit glisser une feuille vers le centre du pupitre, et se concentra. Pour qu’une heure leur soit accordée, les sujets à traîter devaient être complexes et nécessiter de complexes démonstrations.

Puis l’heure commença. La mage énonça un problème d'arithmétique étonnamment simple. Les plumes se mirent à crisser à travers toute la salle avec empressement. Puis, après une courte pause, elle demanda cette fois le nom complet du Roi et en quelle année il avait fondé Farefce. Nouvelle pause, et une question élémentaire sur l’organe humain capable de produire le plus d’énergie magique - la colonne vertébrale - puis une autre sur la liste des pays frontaliers. Et une autre sur les herbes à propriétés curatives.

Sans s’arrêter, la mage continuait d’énoncer les questions et de les écrire, jusqu’à avoir empli le tableau. Alors, elle commença à effacer les plus anciennes pour dégager plus de place. Encore et encore, sans s’arrêter. La pièce n’était plus occupée que par le son de sa voix et les grattements frénétiques des étudiants. Aucune question n’était compliquée, aucune réflexion profonde n’était nécessaire ; mais mobiliser une telle somme de connaissance aussi vite, sans prendre le temps de puiser dans sa mémoire, demandait une concentration sans faille. Edin avait l’impression de sentir son cerveau bouillonner et exploser. Sa feuille, son pupitre, le monde autour d’elle semblaient se tordre et se fondre en un brouillard indistinct. Aucune pause n’était possible.

Et soudain, la mage s’immobilisa. Elle posa sa craie. Rangea sa feuille de note. Et sortit un sablier de sa poche.

“C’était la dernière question. J’attends vos dossiers d’ici cinq minutes.”