Nathanael6 Peau épaisse Chapitre 5-1

Chapitre 5-1

Présent


La lettre mit quelques jours à arriver. Edin la trouva qui dépassait à moitié de sous la porte, un petit morceau de parchemin beige parfaitement mis en valeur par le maigre rayon de lumière projeté par sa fenêtre. La jeune femme commença par s’étirer en grognant, puis changea sa tunique de nuit contre quelque chose de plus épais, s’étira de nouveau, et enfin s’intéressa à la missive.


L’extérieur comportait uniquement son nom en lettres épaisses, et un cachet de cire rouge sombre aux armes de l’académie. Aucune mention de son adresse. D’ailleurs, elle réalisa pour la première fois qu’on ne lui en avait demandé aucune à l’inscription. L’idée qu’elle soit si facile à retrouver, entre cette lettre et la filature des jumeaux nordiques, la fit frissonner. Elle fit néanmoins sauter le sceau et déplia le parchemin.


A l’intérieur l’attendait un texte pompeux, écrit avec une calligraphie pénible à déchiffrer, qui expliquait en bien trop de mots que l’examen d’entrée aurait lieu sept jours plus tard, et que les résultats seraient communiqués encore trois jours après. Prière de se présenter à dix heures, admission en salle d’examen sur présentation de la ci-présente convocation, collation servie sur place entre les épreuves de la matinée et celles de l’après-midi, chaque participant doit apporter son encre et ses plumes, aucune triche tolérée, yada yada yada. Elle replia la lettre et la cacha dans le compartiment secret de son grimoire pour ne la ressortir qu’après une semaine, le jour de l’examen.


Pour l’occasion, elle avait enfilé sa plus belle tenue, un pourpoint vert forêt parfaitement ajusté piqueté d’un fil gris luisant, imitation argent, ainsi qu’une capeline noire doublée vert émeraude et d’amples braies brunes. Un cadeau de la vieille Illina, pas aussi confortable que ce qu’Edin avait l’habitude de porter mais plus adapté pour faire bonne impression. Le tout était complété par une tresse qui faisait le tour de son crâne comme une couronne et maintenait le reste de ses cheveux loin de son visage et de ses yeux. Sa pochette en cuir sous le bras, elle inspira profondément et prit la route de l’académie.


Une fois devant le monolithe noir qui servait d’entrée, la scène qui l’attendait était la même que quelques jours plus tôt. A la différence que cette fois, les regards se tournèrent dans sa direction dès qu’elle arriva sur la place, avant même qu’elle enlève sa capuche. Pas de silence, le volume des conversations baissa à peine, mais elle savait qu’elle en était désormais le centre. Des mots comme “démon”, “ogresse”, “répugnant” ou “honteux” ressortaient du flot embrouillé de paroles.


Edin s’avança pour tenter de se mêler à la foule, mais les autres étudiants s’écartèrent à son approche. Tous faisaient mine de ne pas la remarquer, mais tournaient des regards outrés ou furieux dans sa direction avant de reculer dès qu’elle se dirigeait dans leur direction. Personne n’essaya de la confronter, de lui dire en face ce que tous pensaient. Elle aurait même pris ça au lieu de cette attitude lâche et dégoûtante.


Ne pas leur faire attention. Elle devait les ignorer et garder la tête haute. Le dos droit. Sans s’arrêter elle s’avança jusqu’aux portes pour y attendre. Cette fois, un cordon de trois gardes bloquait l’accès à la pièce intérieure. Dans le grand hall encore mal éclairé, des professeurs s’agitaient. Se croisaient en chuchotant avant de repartir vers une autre porte que celle d’où ils étaient sortis.


“Qu’est-ce que tu regardes ?”


“Il y a quelque chose d’intéressant ?”


Elle se retourna d’un bond. Soene et Tobial se tenaient juste derrière elle, penchés pour voir de part et d’autre de sa haute silhouette, avec leur grand sourire plein de malice.


“N-non, rien, juste…”


“Tu as de la chance - Soene se redressa la première, son frère observant encore un peu le va et vient des enseignants avant de l’imiter - ils sont en retard pour lancer l’examen.”


“S’ils avaient été à l’heure, tu aurais manqué ta chance, et tu aurais été bonne pour attendre encore un an !”


“Ah bon ?”


Elle tourna son regard vers le ciel. Le soleil avait bien dépassé l’horizon, mais il n’était pas encore très haut. Il devait être neuf heure tout à plus.


“Mais la convocation disait onze heures.”


“C’est pour la filière recherche, ça.”


“Attends - s’étonna le frère - tu es en filière recherche ?”


“Pas en filière martiale - interrogea à son tour la sœur - vraiment ? Avec ta carrure, c’est pour ça que tu veux apprendre la magie ? Pour passer tes journées dans un livre ?”


“N’exagère pas, Soene. La filière recherche est la plus grosse, beaucoup de mages y vont pour suivre des chemins très différents ! Tous à dormir d’ennui, malheureusement, mais le mauvais goût n’est pas interdit.”


“C’est pas une question de goût, c’est juste… et puis, je n’aime pas me battre de toute façon.”


Tobial secoua la tête pour exprimer sa déception alors que sa sœur la dévisageait d’un air sévère.


“Personne n’est parfait, il faut croire.”


“Mais ne t’en fais pas, tu restes très bien comme tu es.”


Le hurlement d’une corne interrompit la conversation. Tous les étudiants se tournèrent vers la porte, où un professeur venait de s’immobiliser. Il rentra son instrument, se racla la gorge, et profita de l’instant de silence de tous ces pré-adultes indisciplinés pour appeler les candidats de la filière martiale. Un mouvement agita la foule, certains se pressèrent vers l’avant alors que d’autres s’écartaient pour céder le passage. Une vingtaine de futurs étudiants se pressèrent à la porte avant d’entrer un à un, sur présentation de leur convocation. Les jumeaux sortirent leurs propres lettres et se mêlèrent au mouvement, non sans adresser un dernier salut à leur amie.


“Essaie juste de ne pas trop t’abîmer les yeux sur les livres !”


“On se retrouve de l’autre côté !”


Puis, aussi vite qu’il avait commencé, le mouvement se calma. Les futurs mages disparurent dans un couloir, et il ne resta que les quatre vigiles qui bloquaient l’accès. De nouveau seule, Edin s’adossa à l’arche. Sans qu’elle s’en rende compte, la discussion avec les énergiques enfants du nord avaient calmé ses anxiétés comme seul Luxen arrivait à le faire d’habitude. Elle prit sa pochette à deux mains et la serra contre sa poitrine en souriant.


Tu as aimé ce chapitre ?

13

13 commentaires

Hooper (Seb Verdier)

-

Il y a 5 mois

Like de soutien. N'hésite pas à faire de même sur mon dernier chapitre ;) Bon courage pour la suite !

Mary Lev

-

Il y a 5 mois

Une belle amitié naissante, c'est trop mignon <3

Augellino belverde

-

Il y a 5 mois

Et hop! :-)

Amphitrite

-

Il y a 5 mois

Débloqué! Si tu peux passer chez moi, je suis bloquée aussi.
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.