Fyctia
Chapitre 4-2
“Donc - elle se dandina d’un pied sur l’autre, rouge pivoine, alors qu’une sueur froide coulait dans son dos - vous acceptez que je reste ?”
“Pas si vite, gamine, je n’ai rien dit de tel.”
Les épaules d’Edin s’affaissèrent, avec tout son visage. Mais elle avait dit quoi, dans ce cas ? Est-ce que la mage jouait avec elle ? Elle n’y comprenait rien, et son cœur ne tiendrait bientôt plus. De son côté, la vieille femme tira de sa poche une pipe en ivoire et une blague à tabac, dont elle extirpa une pincée d’herbes noirâtres et poisseuses.
“J’imagine que tu as tes raisons de mentir et que tu ne me les dira pas. De toute façon - elle bourra le tabac puis fit tournoyer une main au-dessus de la pipe. Des traînées d’un orange lumineux suivirent les mouvements de ses doigts et formèrent un signe étrange qu’elle dissipa d’un mot incompréhensible. Alors, un fin filet de fumée commença à s’élever du fourneau blanc - je m’en fiche. Que sais-tu de la magie, gamine, puisque ça t’intéresse ?”
“La magie - tenta-t-elle de réciter d’une voix claire sans parvenir à contrôler quelques accrocs et hoquets - est l’énergie de la vie. Elle est produite par tout ce qui est vivant, comme moteur de tout ce que nous faisons. Bouger, respirer, digérer, penser, tout ce qui provoque un changement se nourrit de magie. Mais comme plus d’énergie que nécessaire est générée, le trop-plein est libérée dans l’air et imprègne ce qui nous entoure, ce qui permet aux mages de puiser dedans pour forcer de nouveaux changements dans le monde.”
“Pas mal - acquiesça la vieille femme - un peu superficiel mais juste. Et comment les mages utilisent-ils cette magie ?”
“En consolidant leur propre énergie magique, les mages créent des symboles qui imposent à la magie environnante une forme et un sens de circulation, ce qui à son tour provoque des effets. On appelle ces symboles des glyphes, et ils doivent être activés avec la formule appropriée.”
Nouveau hochement de tête. Edin avait bien fait d’étudier les lettres de son frère en préparation, il y parlait souvent et avec beaucoup d’engouement de son apprentissage de la magie. Cette fois, la mage tira sur sa pipe et souffla la fumée par le nez avant de poursuivre son interrogation.
“Et si tu savais utiliser cette magie, qu’en ferais-tu ?”
Aucun mot ne lui vint. Sa gorge était trop serrée pour ajouter quoi que ce soit. Edin fixait toujours la porte désormais fermée, mais lentement son regard descendit vers le sol, jusqu’à ce qu’elle ne voit plus que ses pieds. Ses bottes rapiécées et usées dans une herbe encore couverte d’une fine couche de givre. Elle renifla.
“Je ne sais pas.”
Apprendre la magie n’était pas son but, tout juste un moyen. Elle se fichait de pouvoir lancer des sorts et n’avait aucun intérêt pour le respect de qui que ce soit. Tout ce qu’elle voulait, c’était suivre les traces de Luxen. Comprendre ce qui avait pû lui arriver dont il n’avait pas parlé dans ses lettres, au point de causer sa mort. L’homme qui avait apporté son corps n’avait rien voulu dire à leurs parents sinon qu’il s’agissait d’un regrettable accident, mais Edin ne pouvait pas y croire. Pourquoi leur cacher ce qui s’était passé, alors ?
Mais par chance, cet homme ne l’avait jamais vue. Il l’avait terrifiée dès son apparition à Osmian, elle était restée cachée jusqu’à son départ. Et Luxen n’avait pas parlé d’elle à l’académie. Personne ne savait qu’il avait une sœur aux traits monstrueux. Alors, si elle cachait juste son nom, personne ne ferait le lien entre elle et Luxen. Elle pourrait enquêter sans que les responsables, si responsables il y avait, ne se doutent de rien.
Pour ça cependant, elle devait entrer à l’académie. Impressionner un mage assez fortement pour être recommandée. Comme si elle était capable d’impressionner qui que ce soit. Avec sa gorge nouée et ses mensonges nuls, qui lui avaient pourtant demandé tant de réflexion. Et ensuite ? Une fois qu’elle aurait mené l’enquête et découvert la vérité ? Elle n’en savait rien. Réfléchir à un objectif, se projeter sur le plus long terme, était au-dessus de ses forces.
“Une semaine.”
Edin releva sa tête.
“C’est le temps que tu as pour m’impressionner. Retiens bien ce que je te dis, applique-toi dans les exercices que je te donne, et tu pourras rester comme mon apprentie. Tire au flanc, et tu rentres chez toi. Et n’imagine pas pouvoir me forcer la main si les choses ne se passent pas comme tu aimerais. Compris ?”
“Compris ! Je ne vous décevrait pas !”
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Merle Hewitt
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Mary Lev
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Anthony Dabsal
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Il y a 5 mois
Sand Canavaggia
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Florian Gailland
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Il y a 5 mois