Fyctia

Son visage rougit alors que son regard tournait d’un côté, de l’autre, pour essayer de suivre leurs échanges. Maintenant qu’elle s’était laissée embarquer, elle ne pouvait plus faire demi-tour. Ce serait beaucoup trop… gênant.

“Euh, non, je…”

“Nous non plus, ça tombe bien !”

“Nous avons l’un l’autre sur qui compter en cas de besoin, mais toi…”

“Personne ! Mais maintenant, tu nous as nous ! Pas besoin de dire merci.”

“Ça nous fait plaisir !”

Edin avait presque la tête qui tournait. C’était la première fois qu’elle avait affaire à un tel barrage incessant de paroles, d’autant que les jumeaux parlaient vite. Elle avait de plus en plus de mal à réfléchir. En plus, à force de se laisser porter par leurs mouvements, elle ne reconnaissait plus les bâtiments. L’endroit ressemblait à une rue commerçante, à mi-chemin des faubourgs et de la ville haute.

“Alors, Rita, d’où viens-tu ?”

“Et pourquoi veux-tu apprendre la magie ? C’est un truc de noble, d’habitude !”

Plus possible… De réfléchir…

“Stop!”

Elle s’immobilisa. Les deux blondinets percutèrent ses bras avant de s’immobiliser à leur tour et de se tourner vers elle. Plus de sourire cette fois, leurs sourcils levés marquaient juste une incompréhension dépourvue d’animosité.

“Pourquoi est-ce que ça vous intéresse ?”

Instant de silence. Une fois encore, elle sentait la gêne qui s’installait. Ils ne disaient rien et ne semblaient pas comprendre où elle voulait en venir.

“Vous… Vous m’avez suivie jusqu’à chez moi, vous avez forcément une idée derrière la tête ! Alors arrêtez de faire semblant, qu’est-ce que vous voulez ?”

Ils échangèrent un regard. Toujours pas de sourire.

“Rien, nous voulions juste… faire connaissance.”

“Tout le monde est tellement snob, dans cette ville.”

“Et coincé. Toi au moins, tu avais l’air intéressante.”

“Et rigolote. Mais c’est vrai que là d’où nous venons, nous connaissons tout le monde.”

“Et tout le monde nous connait. Personne ne s’étonne de nous voir.”

Edin resta silencieuse. Sous le choc. C’était très loin de ce à quoi elle s’attendait, et elle ne savait pas comment réagir. Ces jumeaux étranges voulaient juste être amis ? Avec elle ? C’était la première fois que des étrangers l’abordaient pour être… gentils. Ça ne pouvait pas être vrai. il y avait forcément un truc.

“Mais moi, je ne vous connais pas !”

“C’est vrai.”

“Nous sommes désolés.”

“Désolée.”

Et sur ces mots, ils s’inclinèrent. La tête basse, les épaules voûtées. Il n’y avait pas de truc. Ils étaient juste des gamins excités, et à cause d’elle, ils se sentaient mal. Les joues d’Edin la brûlaient encore plus. Au lieu de les regarder en face, elle détourna le visage et ferma les yeux.

“C’est pas grave. Juste, parlez moins vite.”

“Pardon. Nous ferons attention.”

“En même temps - reprit la sœur en se redressant - je t’avais dit qu’elle n’aimerait pas être approchée comme ça, Tobial.”

Il bondit à son tour, outré.

“Quoi ? Tu plaisantes, Soene ? C’était ton idée d’aller la voir à son réveil !”

“Seulement parce que tu - elle pointa un doigt vers la poitrine de son jumeau - proposais de la suivre toute la journée pour voir ce qu’elle faisait ! Mon cher frère, parfois ta curiosité tend vers le malsain.”

“Et ton aplomb, ma tout aussi chère sœur - il lui rendit son attaque, appuyant cette fois sur son épaule - est à la limite du brutal.”

Ainsi disparurent les remords et le sérieux. Leur chamaillerie commença à s’étirer, ils se mirent à gesticuler, à tel point qu’Edin songea à les laisser là. Mais au moment où elle allait faire un pas en arrière, ils s’interrompirent net pour reporter leur attention sur elle.

“Et donc, que veux-tu savoir ?”