Fyctia
Chapitre 3-1
Le soleil était levé depuis au moins une heure quand Edin poussa la porte arrière du magasin. Elle avait troqué sa tunique pour une autre, plus épaisse et doublée de laine, et pris un manteau plus léger. Toujours avec une capuche. Les nouvelles du concours n’arriveraient pas avant plusieurs jours, elle avait donc du temps à tuer ; et rien de prévu pour occuper ses journées. La vieille Illina lui avait parlé des commerces dédiés à la magie, des curiosités qui n’existaient qu’ici à Tmadian. Des magasins incroyables, pleins d’artefacts ou de composants pour rituels. Jusqu’ici elle avait préféré apprendre les rues, les endroits utiles où acheter de quoi s’habiller ou se nourrir ; mais il était peut-être temps de sérieusement se préparer aux études et à la vie à l’université. Refaire ses provisions d’encre et de parchemins pouvait être un bon début. Elle n’avait aucune adresse précise mais en déambulant au hasard dans la haute ville…
“C’est vraiment elle, tu as raison !”
“Tu vois, je te l’avais dit !”
Elle se figea. La ruelle derrière le magasin était déserte, normalement. Peu de passage, voire pas du tout. Là cependant, il y avait non seulement des gens, mais ils parlaient de quelqu’un. Quelqu’un qui, logiquement, ne pouvait être qu’elle.
“Hey, Rita Tengin, c’est bien ça ?”
Oui, c’était elle. Son cœur accéléra en un instant. Qui pouvait vouloir lui parler ? Comment l’avaient-ils retrouvée ? A quel point avait-elle des ennuis ? Est-ce qu’elle devait prendre la fuite ? Non, les inconnus connaissaient son adresse. Ils pouvaient venir la retrouver à tout moment, et elle ne pouvait pas déménager. Elle ne connaissait personne d’autre en ville, et les auberges coûtaient beaucoup trop cher pour qu’elle s’y installe définitivement. Derrière elle, un bruit de pas. Puis un autre. Ils approchaient…
“Ou-oui, c’est ça !”
Panique. Puisqu’elle ne pouvait fuir, elle devait faire face. Ils ne pouvaient pas être nombreux, elle les auraient remarqués sinon ; et bien pire l’attendait à l’avenir. C’était l’occasion de s’entraîner, de s’exposer à petite dose aux regards de ses futurs camarades de l’aristocratie. Car il n’y avait qu’eux, des élèves présents la veille quand elle s’était inscrite, qui pouvaient avoir entendu ce nom au complet. Elle leva sa main droite, désormais ornée d’un pansement au bout d’un doigt, et l’utilisa pour tenir sa capuche baissée alors qu’elle se retournait.
Les inconnus étaient deux. A moins qu’il n’y ait qu’une personne accompagnée de son reflet. Tous deux arboraient la même chevelure blonde, coupée court et mal disciplinée. Le même visage fin, à la peau presque laiteuse, illuminé par de grands yeux bleus pétillants et un large sourire espiègle. Même leur tenue, des manteaux de fourrure brune tressés de fil d’ors par endroits posés sur leurs épaules fluettes et leurs tuniques de lin d’un rouge vin profond tenues par une ceinture de cuir noir ; leur taille, d’ailleurs pas très impressionnante, leur air d’enfant et leur démarche féline, tout était identique. Et pourtant aucun doute, il y avait bien deux personnes qui laissaient deux jeux d’empreintes dans la boue en face d’elle. Edin ne sut retenir un mouvement de recul avant de se redresser. Quant aux jumeaux, ils continuèrent d’approcher jusqu’à arriver à sa hauteur. Celle de gauche se dressa alors sur la pointe des pieds, dans un effort vain de regarder Edin en face, et lui serra la main de force.
“Enchantée ! Moi c’est Soene Eeiso de Furtureü, la sœur jumelle de Tobial, mais tu peux juste m’appeler Soene !”
Celui de droite escalada alors le dos d’Edin, une main sur chacune de ses épaules pour se soutenir, et plaça son visage juste à côté du sien.
“Et moi c’est Tobial Lev de Furtureü, le frère jumeau de Soene, mais tu peux juste m’appeler Tobial !”
Edin bondit en arrière pour se défaire de cette présence envahissante et se recroquevilla dans une posture presque défensive. Les adelphes en profitèrent pour se regrouper et rire de bon cœur avant de se reprendre.
“Désolée ! Nous ne t’avons pas fait peur, j’espère !”
“Enfin Soene, comment veux-tu qu’elle ait peur de nous ? Nous sommes adorables !”
Et pourtant si, en un sens, elle avait peur. Peur des intentions que ces inconnus ne montraient pas mais nourrissaient sans aucun doute derrière ces visages faussement avenants.
“Non, non, bien sûr que je n’ai pas eu peur - puisqu’ils l’avaient déjà vue, essayer de cacher son visage ne servait à rien. Elle lâcha sa capuche, se redressa, et se racla la gorge - J’étais surprise, c’est tout !”
“Super !”
“Et ravi de faire ta connaissance, Rita !”
“Tu as du temps devant toi ? Tu veux discuter un peu ?”
“Euh, j’allais…”
“Juste pour faire connaissance, nous allons faire nos études ensemble après tout !”
“Tu ne dois pas connaître grand monde à Tmadian, pas vrai ?”
Ils se glissèrent de part et d’autre d’Edin, si vite que le temps qu’elle réalise, elle était déjà en train de marcher avec eux.
14 commentaires
Leo Degal
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Il y a 5 mois
Anthony Dabsal
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Il y a 5 mois
Mary Lev
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Il y a 5 mois