Fyctia
Chapitre 2
Luxen est né dans le petit village d’Osmian, au sud de Farefce. Premier enfant de parents ordinaires, un père bûcheron et une mère serveuse dans la taverne locale, il avait quatre ans quand sa petite sœur est née. Pendant toute la grossesse de sa mère, ses parents avaient eu peur qu’il n’accepte pas un nouveau venu dans la famille. Qu’il soit jaloux. Alors ils lui avaient répété que cet enfant à venir serait jeune. Serait faible. Et que ça serait à lui, l’aîné, de le protéger. Et de la protection, Edin en aurait besoin. Le jour de sa naissance, la pointe de sa corne écorcha le ventre de sa mère et causa une grave hémorragie qui manqua de la tuer. Puis, alors qu’elle grandit, ses écailles lui valurent toutes sortes d’insultes. Le démon, le monstre, la maudite, la sorcière. Cette dernière, bien que la plus loin de la vérité, s’avéra presque prophétique.
Mais si le reste du village semblait détester et conspuer cette enfant anormale, sa famille lui accordait tout son amour. Luxen en particulier passait tout son temps avec sa sœur, à la protéger des dangers d’une vie simple dans un village reculé mais aussi et surtout des brimades des autres enfants, parfois même des adultes. Il avait pris très au sérieux les paroles de ses parents, et donc son devoir de protecteur. S’il pouvait éviter à Edin les coups ou les pierres, cependant, il ne pouvait rien contre les mots. Les regards. Les attitudes hostiles ou fuyantes. L’amour des siens ne pouvait empêcher l’enfante de comprendre cette haine qu’on lui vouait, et d’être affectée. Elle voulait de moins en moins sortir de la maison familiale, sauf pour accompagner son père en forêt. Là, au moins, à deux dans la nature, personne ne se moquait. Elle pouvait être elle-même, et heureuse. Alors forcément, son père profita de cette occasion pour lui apprendre le métier. Elle avait beau être chétive, il nourissait l’espoir qu’elle reprenne un jour son affaire.
Et chétive, Edin ne le resta pas. Dès ses premières années, elle grandit vite. Pas dans le sens où son vieillissement aurait été accéléré. Elle n’apprit pas à marcher avant d’approcher des deux ans ; puis à parler un an après. Mais elle était grande pour son âge. Et forte. A onze ans, elle avait atteint la taille de son frère aîné. A douze, elle l’avait dépassé. Les prédictions du médecin local estimaient qu’elle atteindrait les deux mètres à l’âge adulte. Pour son père, c’était idéal. Toute cette force était parfaite pour manier la hache, déplacer les troncs, et prendre sa suite comme bûcheronne de manière générale. Pour Luxen en revanche, cela signifiait que sa sœur était capable de se défendre seule. Si d’autres enfants voulaient la malmener, elle pouvait rendre les coups. Ou endurer les pierres. Elle n’aimait pas ça ; elle préférait toujours rester avec ses parents et éviter la foule. Parfois, une simple sortie dans le village se concluait par des heures à sangloter, roulée en boule dans son lit. Mais il n’y avait rien que Luxen puisse faire contre ça. Il ne pouvait plus la protéger de rien, seulement la voir souffrir, à moins d’aller plus loin.
Ainsi, un matin, il annonça sa décision à ses parents. Il avait posé des questions, il s’était renseigné, il s’était préparé. Il savait ce qu’il comptait faire. Et ce qu’il comptait faire était apprendre la magie. D’abord il monterait vers la ville la plus proche, où il convaincrait le mage local de le prendre comme apprenti ; puis, après un an, quand il aurait l’âge, il partirait pour la capitale et l’académie de magie d’Eltogirse. Là, il aurait accès aux meilleurs enseignants. A la meilleure bibliothèque. Il pourrait étudier, apprendre pourquoi Edin était née ainsi, et la guérir. La décision prit toute la famille de court. Il y eut des questions, des protestations. Mais Luxen avait la réponse à tout, et à la fin de cette journée, sa détermination avait fait céder ses parents. Il irait, point. Il avait dix-sept ans ce jour-là, Edin treize. Et c’était la dernière fois qu’elle voyait son frère.
Ses bagages étaient légers, il n’avait pas grand chose d’autre que sa détermination, et ses connaissances. Il avait appris à lire et écrire auprès de sa mère, puis supplié le médecin du village de l’aider à se perfectionner en secret en préparation de ce voyage ; et une semaine après son départ, la première lettre arriva. Il y racontait son voyage, son arrivée en ville, et sa première rencontre avec le mage. Bien sûr, Edin ne savait pas lire. Elle dût demander à sa mère de lui faire la lecture. Puis de lui lire la suivante, aussi. Et les prochaines. L’adolescente se concentra pour apprendre à lire seule, puis à écrire pour pouvoir répondre. Luxen racontait tout ce qu’il vivait, il parlait de son apprentissage et de la vie dans une cité si grande, il essayait d’expliquer la magie et ce qu’il en comprenait, chaque fois un peu plus. Puis il parla de la capitale et de l’université, du campus et des professeurs. Puis il ne parla plus de rien. Les lettres n’arrivèrent plus. A la place, alors qu’Edin approchait des quinze ans, un homme vint.
Il portait un lourd manteau noir avec un col qui couvrait ses oreilles et presque tout son visage, un tricorne de cuir sombre, et des bottes d’équitation. Edin le vit au loin en revenant de la forêt, et préféra ne pas se montrer. Elle esquiva son regard, s'abrita derrière un coin de mur, et écouta juste quand ses parents ouvrirent la porte. L’homme se présenta. Confirma qu’il était bien chez les parents de Luxen Taute. Et présenta ses condoléances.
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Anthony Dabsal
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