Fyctia
Chapitre 1-3
Alors d’un geste rapide, le mage planta le coupe-papier dans sa chair. Juste la pointe, juste dans la pulpe de son doigt. A peine assez pour faire perler quelques gouttes de sang. La jeune femme s’efforça de ne pas réagir. De ne pas sursauter, de ne pas trembler, de ne pas retirer sa main. Elle savait que ce n’était pas une attaque, pas une tentative de lui faire du mal, même si tout son corps hurlait le contraire. Alors elle ne fit rien. Elle attendit tandis que le mage observait la goutte posée sur sa lame et la comparait à celle sur la lettre. Il plissa les yeux, se concentra, chercha la moindre trace de différence, le moindre signe que cette recommandation était volée ou falsifiée. Puis son visage s’affaissa en un air abattu. Il posa le coupe-papier. Fit glisser la recommandation sur une pile de parchemins, tous plus fins et décorés. Prit un autre parchemin, une liste, dans laquelle il inscrit le nom de Rita Tengin. Reprit le couteau pour déposer la goutte de sang sur le papier, qui but le liquide en un instant. Enfin, il agita les mains au-dessus de celle d’Edin. Ses doigts laissèrent des lignes entremêlées dans l’air jusqu’à pulser et disparaître quand il murmura une incantation de soin. La douleur dans le doigt d’Edin ne s’estompa pas, la plaie ne se referma pas, et elle retira sa main pour la cacher sous son manteau avant que l’échec du sort ne soit visible. Le mage ne sembla pas remarquer et se concentra juste sur son visage, avant de détourner le regard.
“Tout est en ordre. Vous recevrez bientôt une convocation à l’examen, auquel vous êtes priée de vous présenter à l’heure. Il n’y aura qu’une session, et tout retard sera sanctionné. Bonne fin de journée.”
“... Merci.”
Elle reprit sa pochette, tourna les talons, et repartit la tête haute sans adresser un regard aux autres étudiants. Les semelles de ses bottes claquaient sur les carreaux, qui laissèrent vite la place aux pavés parfaitement lisses de la place et des rues de la haute-ville, puis à des pavés plus inégaux, à la terre battue, et enfin à de la boue alors qu’elle approchait des faubourgs. Les belles façades de grès et de marbre qui formaient le centre historique de Tmadian avaient cédé le terrain face à des bâtiments bien plus sobres, plus ordinaires, avec des poutres apparentes et des murs blanchis à la chaux. Elle commença à chercher les rues moins fréquentées, à fuir la foule ; et quand elle trouva un endroit où être seule, elle remit sa capuche et vouta les épaules pour ne pas attirer l’attention.
Sa route s’acheva quand elle poussa la porte arrière d’un magasin, non loin du haut mur qui ceinturait la ville. Elle pouvait entendre de l’activité dans la pièce avant mais l’ignora et grimpa directement les marches d’un escalier pour rejoindre une pièce étroite à l’étage. Le plafond était bas, et une lucarne sur le mur opposé était la seule source de lumière ; mais un ample lit l’attendait et elle s’y effondra comme une masse avant de se rouler en boule, sans prendre le temps de retirer son manteau ou ses bottes. Ses mains se refermèrent sur son doigt blessé. Loin du regard des autres, elle se laissa aller à verser quelques larmes et à sangloter. La douleur était encore vive et acérée. C’était loin d’être le pire qu’elle ait jamais connu, mais le contexte, la pression, le mépris… Elle empoigna le sommet de sa capuche et la tira pour couvrir le haut de son visage, bloquer la lumière, bloquer le monde, mais elle ne pouvait fuir le vacarme des battements furieux de son cœur.
Le temps passa. Quelques secondes, quelques minutes, une heure, elle n’y faisait pas attention. Son cœur se calma, peu à peu. Les sanglots aussi. Sa respiration erratique se fit plus stable. Elle tendit un bras vers la petite table, à côté de sa tête de lit, et y prit un épais livre. La reliure de cuir brun clair portait son nom, des petites pièces d’argent protégeaient les coins. Elle l’ouvrit et fit tourner machinalement les pages couvertes de symboles arcaniques, de rappels et résumés sur les différents concepts magiques que sa mentore avait enfoncés dans son crâne, puis elle le referma. Ses doigts coururent le long de la reliure bosselée. Suivirent des motifs invisibles alors qu’elle murmurait son incantation et injectait un tout petit rien de magie dans le livre. Les pages émirent un léger flash de lumière qui se dissipa presque aussitôt. Quand elle souleva de nouveau la couverture, les pages couvertes de texte avaient laissé la place à un compartiment secret. Ses doigts plongèrent entre les enveloppes qui encombraient le compartiment secret et en tirèrent une simple feuille. Un petit bout de papier plié en carte, avec un portrait dessiné dessus au fusain. Dans le coin inférieur gauche était écrit le même nom que sur toutes les lettres. Luxen.
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Leo Degal
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Mary Lev
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Urban Claire
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Anthony Dabsal
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Seb Verdier (Hooper)
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Pazuzu
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