Fyctia
Chapitre 1-1
L’université royale de magie d’Eltogirse était un bâtiment écrasant. La façade principale s’élevait comme un monolithe brut de calcaire gris sombre creusé de dizaines d’alcôves réparties sur au moins cinq étages de plusieurs mètres, donc chacune accueillait une statue aux traits usés par le temps et au regard sévère, inquisiteur, condamnateur. Le mur d’enceinte qui protégeait les deux cent cinquante hectares de terrain dédiés à l’université et ses multiples bâtiments était fait de la même pierre morne, cette fois dépourvue de décorations à l’exception de gargouilles, tous les dix mètres environs. Edin avait passé les deux semaines depuis son arrivée en ville à explorer et se familiariser avec ce nouvel environnement, tout en esquivant le campus autant que possible ; mais à chaque fois que ses pas l’avaient malencontreusement amenée face à une de ces statues grimaçante et monstrueuse, elle avait eu la sensation que les yeux de pierre la suivaient du regard.
La foule assemblée devant la monumentale porte de l’université ne faisait rien pour aider la jeune femme à se calmer. Au moins une centaine de futurs étudiants, tous d’environ son âge, mais c’était bien leurs seuls points communs. Chacun d’eux portrait de beaux manteaux brodés à la main de fils d’or ou d’argent sur leurs vêtements de brocart ou de velour, des parures ou des chevalières ou des bijoux plus extravagants encore ; tous avaient la peau claire et la silhouette fine, des mallettes ou sacoches élégantes et discrètes, quand ils n’avaient pas des serviteurs pour transporter leurs affaires ; et tous ces gens se mêlaient et échangeaient avec frivolité et insouciance, le sourire aux lèvres et le rire dans la voix. Comme s’ils savaient, non, parce qu’ils savaient qu’ils étaient à leur place, dans leur monde, entre nobles et nantis.
En comparaison… Edin baissa le regard sur ses mains, brunies par le soleil, pleines de cales nés du travail manuel, qui serraient en tremblant sa pochette de cuir. Les mots de sa mentore lui tournaient dans l’esprit sans s’arrêter. “Si tu es stressée, c’est bien. Assure-toi juste que ça ne se voit pas, et tiens-toi droite”. Plus facile à dire qu’à faire… Même en sachant ce qui arrivait, son apprentissage ou ses efforts n’avaient pas pu la préparer à ça. Mais elle devait le faire. Si elle reculait maintenant, tout ça n’aurait servi à rien. Alors elle prit une grande inspiration, se redressa de toute sa hauteur, fit basculer en arrière la capuche qui couvrait jusqu’alors sa tête, et s’élança d’un pas déterminé à travers la foule.
Au début, personne ne sembla la remarquer. Elle arrivait de l’autre bout de la place, personne n’était sur son chemin pour les premiers mètres. Puis, alors qu’elle approchait de la foule, les premiers regards se tournèrent dans sa direction. Les plus observateurs, qui ne purent s’empêcher de la dévisager en silence. Puis ceux qui étaient autour d’eux remarquèrent leur attitude, cherchèrent ce qui causaient cette stupeur soudaine, et se turent à leur tour. Une vague de silence se propagea à travers l’assemblée comme une épidémie. Edin était à mi-chemin de la porte quand le bruit reprit, d’abord avec une seule voix. “Je croyais que les géants n’existaient que dans les histoires !” murmura quelqu’un au loin. “C’est une corne ?” répondit une autre personne, bien plus proche et mieux placée pour la voir. “Qu’est-ce qu’elle a à l'œil ?” “Vous croyez que c’est un démon ?” “On dirait des écailles.” “Si quelqu’un l’a invoquée, c’est vraiment de mauvais goût.” “Et il aurait pu mieux habiller son familier !” “Vous avez vu ses frusques !” Les ignorer. Le secret pour ne pas se faire dévorer par le stress était de les ignorer. Personne n’osait s’interposer, personne ne bougeait, alors elle continuait d’avancer et de regarder droit devant elle. Les ignorer, ignorer le sang qui lui montait au visage et la poigne qui broyait son coeur, juste avancer.
Ele attint finalement la porte. Sous une arche immense, plus haute que la maison dans laquelle elle avait grandie et gravée sur tout son tour de scènes historiques complexes, minutieuses et rendues incompréhensibles par le passage du temps, dans laquelle plusieurs ouvertures laissaient deviner les regards attentifs de gardiens à l'affût ; les deux lourds battants de bois étaient ouverts pour révéler un hall ample, clair et lumineux. Le sol était carrelé et luisant, d’une propreté irréprochable ; de hautes fenêtres le long des murs latéraux projetaient des rayons plus éblouissants que le ciel d’automne à l’extérieur et alternaient avec les motifs colorés de somptueux vitraux. Le long des murs, quelques vitrines de bois sombre présentaient des artefacts, des trophés ou des livres richement décorés ; des portes en bois massif décorées de ferronneries promettaient d’accéder à des pièces inconnues et mystérieuses des bancs permettaient aux visiteurs de se reposer ou d’échanger tranquillement. Il y avait moins de personnes qu’à l’extérieur, mais ceux qui occupaient l’endroit ressemblaient en tout point à la foule sur la place ; et comme elle, ils devinrent silencieux dès qu’Edin fit son apparition. Au moins, ils ne s’interposèrent pas non plus.
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Sand Canavaggia
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Mary Lev
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Il y a 5 mois
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Il y a 5 mois
Nathanael6
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Anthony Dabsal
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Seb Verdier (Hooper)
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Merle Hewitt
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Leo Degal
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Nathanael6
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Il y a 5 mois