Azilizaa Paul'in the Box I, 2 : L'installation

I, 2 : L'installation

Une valise format cabine et un petit sac-à-dos sont les seuls bagages que Pauline a déménagé dans son nouvel appart’. Le premier ! Hors de question de reconstituer un mini chez Papa-Maman comme a fait Ben. Mme Arnaud décidément ne comprend pas sa fille. Avec l’aînée, les choses sont plus simples. Cette dernière a toujours accueilli de bon cœur les attentions maternelles et repart à chaque visite le coffre plein de victuailles. Pauline a préféré voyager en bus, délaissant la voiture proposée par sa mère. L’avantage des grandes villes, c’est les transports en commun, a-t-elle dit. Si ça te plaît d’être entassée au milieu des odeurs de transpiration, libre à toi ! Eh bien oui, ça lui plait : être au cœur de la vie, découvrir un monde qui ne serait pas constitué d’argenterie et de napperons…

Depuis de longues années Pauline rêve de vivre une vie à elle, mais il est difficile de se défaire de l’emprise de sa mère…


La famille a pris son installation à Marseille comme une trahison. Par chance l’horoscope des Vierges promet pour le mois de mai un grand changement : un événement inattendu transformera favorablement votre quotidien… Après la médecine, l’astrologie est une science sûre chez les Arnaud, cette prédiction a permis de faire passer la pilule.




Voilà à présent notre trentenaire couchée sur le lit mezzanine du T1 qu’elle loue rue de la jeunesse, dans le cinquième. Quelqu’un a rajouté sous la plaque à l’angle de la rue Jaubert : ingouvernable. C’est cela qui l’a convaincue de prendre le logement. Ça, et la terrasse dont la superficie fait plus de deux fois son appartement.

Les choses s’agitent dans son ventre, comme si on la chatouillait de l’intérieur. L’avenir est gros. Tout, aujourd’hui, devient possible.


Sur le plan du réseau récupéré à la gare, Pauline étudie la ville et essaie de se repérer par rapport aux stations de métro. Des clients l’ont mise en garde contre certains quartiers, où il ne fallait surtout pas s’aventurer… Le centre-ville est immense… Elle a bien assez à découvrir.

L’excitation du moment n’efface pas cependant la timidité caractéristique de la jeune femme. Se soumettre au regard des gens n’est pas chose aisée. Mais rester cloîtrée dans vingt mètres carrés quand il y a tant d’agitation dehors n’est pas vraiment satisfaisant…


Pauline descend de son lit pour se contempler dans le miroir fixé sur la porte de la salle de bain. Elle se trouve un air plouc, un air pacoulin. Sa robe est trop simple, ses cheveux filasses. Tant pis. L’apitoiement est un frein, a-t-elle lu un jour dans un magazine bien-être, accepte-toi, telle que tu es, les autres t’accepteront. Pas sûre que ce soit si simple, mais la formule a son effet et Pauline s’aventure dehors.

On la regarde. Cet homme, sur le trottoir d’en face avec son chien, la mate du coin de l’œil en ricanant, les enfants, les familles… Il est moins deux qu’elle ne rentre chez elle, mais la ville a un air de fête qui l’encourage. Elle remonte la rue Saint-Savournin et arrive à la Plaine. La place immense est en chantier. Un mur de deux mètres est érigé, on marche sur des planches pour rejoindre les commerces, les immeubles. Si sa mère voyait ça ! L’idée la fait sourire ! Le buraliste la surprend :

- Vous trouvez ça drôle ?!


Pauline poursuit sa route, prenant des repères çà et là pour retrouver son chemin et arrive sur le cours Julien. Murs colorés, brouhahas tonitruants des groupes aux terrasses des cafés ou sur les trottoirs, homme au chat sur l’épaule, à la Pérec, vendeuses de roses, ados en skate… Tout va vite autour d’elle, la Belle endormie. Pauline contemple ce spectacle et rêve de s’y confondre.

Devant les sensations qui fusent de toutes parts, elle se sent prête à prendre sa vie main. Elle s’assoit sur une marche près d’une sorte de fontaine dans laquelle pataugent des enfants. Son regard parcourt une fois encore la place, toujours sous l’emprise d’une sensation étrange et nouvelle, Pauline, confiante, voit loin :

- À nous deux maintenant !


Journal de Pauline


Vendredi 7 juin 2019


Mon enthousiasme des premiers jours commence à s’étioler… Marseille a beau être vaste et peuplée, je n’y suis pas moins seule. Je croise des gens de tous âges, de toutes origines, la vie coule autour de moi. Et je reste là, statique, sans que rien ne change.

Le taf à la bibli n’est pas aussi passionnant que ce que je m’étais imaginé. Bienvenue à Alcatraz ! m’a lancé pour m’accueillir ma collègue Sylvie avant de m’accompagner aux archives où je suis depuis une semaine. Mon travail diffère peu de ce que je faisais à la pharma : ranger, classer, étiqueter… Toute la journée sans voir personne. On est en sous-effectif. D’après ce que j’ai compris les arrêts pleuvent à gogo. Il y a des tensions dont j’ai du mal pour l’instant à saisir les enjeux. Je n’ai pas encore rencontré tout le monde, mais peu d’hommes travaillent ici. Autant dire qu’il va falloir que je cherche mon Prince hors de ces murs…

Je suis affectée pour quelques temps à l’Alcazar, mais dès septembre je serai à la bibliothèque universitaire de Saint-Charles. J’espère que je rencontrerai plus de monde…



Dimanche 23 juin


Malgré les appels insistants de Maman je ne suis pas encore retournée à la Bastide haute. J’ai toujours en travers le J’te donne pas un mois pour rappliquer ! lancé à la porte du bus. Un mois sans voir les parents, ça ne m’était jamais arrivé… Miss Princesse me presse aussi : Comment peux-tu leur faire ça ? Ils comptent tellement sur toi… Et moi ? t’as pensé à moi sœurette ? ça me rassurerait de te savoir auprès d’eux… Ni l’une ni l’autre ne m’a demandé comment j’allais. Sinon je leur aurais peut-être répondu que j’ai le blues, le cafard, le bourdon… que je traine ma carcasse, ici comme ailleurs… que la vie n’est pas à la hauteur…


Pauline en est à ces considérations existentielles quand elle est interrompue par un texto de Suzie :




  • Salut Besta ! Est-ce que je peux venir visiter ton duplex vue sur mer le week-end prochain ? Envie d’apéro vin blanc-vache-qui-rit, de papoter toute la nuit, et de voir les étoiles de la ville. Hâte que tu me racontes ta nouvelle life ! Miss you !

Après avoir tapé une longue réponse faussement enjouée, Pauline efface tout et envoie :

  • Ramène tes fesses Morue ! La bouteille est au frais !


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15

15 commentaires

LucieC.

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Il y a 4 ans

Un duplex vue sur la mer pour cette héroïne qui vient tout juste de trouver son première emploi ? Contente de voir un nouveau personnage apparaître : Suzie qui semble être d’avantage à l’écoute de l’héroïne que tous les autres. Le comportement de Sa mère et de sa sœur me laissent perplexe. Comment peut-on être autocentré au point d’en oublier les envies et besoin des gens qu’on aime ? J’espère sincèrement que Pauline va s’affirmer auprès d’elle afin qu’elles comprennent qu’elles ne peuvent pas tout contrôler. Je continue parce que j’ai hâte de savoir où, quand et comment va commencer « la vraie histoire » de ton livre. A quand le profil sur « coeur in the box » ? =D

LucieC.

-

Il y a 4 ans

YES ! J’avoue, j’ai triché. J’ai scrollé mon écran pour voir directement si on aurait un aperçu du journal de Pauline et c’est OUI ! J’adore ses mots. Contente de savoir qu'elle est partie sans trop se soucier de l’avis des autres. Elle semble avoir envie de se détacher de sa vie actuelle, de prendre son indépendance. Que va-t-elle donc pouvoir trouver à Marseille si ce n’est son futur chéri, hein ? Bizarrement, moi qui suis très habituée à un narrateur héro ou héroïne, je trouve que la force de ton histoire est ce changement entre narrateur omniscient et journal de vie de ton personnage principal. Bravo pour l’idée, et pour l’exécution !

Justine HSR

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Il y a 4 ans

En tout cas, la mention de Suzie apporte tout de suite un vent de fraîcheur. J'ai hâte de la voir débarquer, elle promet des échanges piquants et complices ! Ta protagoniste n'a pas si l'air bien dans sa peau, un peu désorientée et très solitaire. Ton écriture transmet bien ses sentiments. Toutefois, n'hésite pas à bien prolonger l'introspection afin qu'on saisisse en profondeur qui elle est. Justement, comme je te l'ai dit dans le commentaire précédent, l'idée du journal est vraiment sympa pour offrir le contraste entre ta focalisation omnisciente et ta focalisation à la première personne.

Azilizaa

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Il y a 4 ans

Salut Justine, J'ai prévu d'inclure des extraits de son journal plus longs. Merci pour ce retour.

Azalyne Margot (miss Ninn)

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Il y a 4 ans

ah entre copine, il va y avoir de l'ambiance!

Azilizaa

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Il y a 4 ans

Eh oui !

Princilia Daci

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Il y a 4 ans

Les copines vont pouvoir inaugurer le « duplex » 😉😝😂

Azilizaa

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Il y a 4 ans

Quand on est entre copine le pire bouiboui peut être transformé en palace !

Viktor September

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Il y a 4 ans

Tant qu'il y aura "morue" l'amitié sera là 😉

Azilizaa

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Il y a 4 ans

Ah ça oui !
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