Fyctia
29 - Lorenzo.
« Oh, oui ! Putain, c’est bon ! »
Je pose une main ferme, impérative, juste au-dessus de sa poitrine, à la naissance de ses seins. Mes yeux noirs se posent sur corps étendu et je remarque que ses tétons percent à travers le tissu léger de son t-shirt blanc à manches longues. Tout doucement, mes doigts glacés parcourent les lignes de son cou découvert. Je les laisse se faufiler sous ses cheveux et elle frissonne à ce contact, puis j’enserre sa nuque d’une poigne de fer. Dans mes paumes, je sens qu’elle se crispe et que ses muscles se raidissent. Je me penche au-dessus d'elle et lui murmure à l’oreille de se détendre. Elle expire bruyamment.
Puis, je tire. Un coup sec. Franc.
Les articulations de ses cervicales craquent les unes après les autres.
Les yeux fermés de contentement, ma cliente laisse échapper un gémissement ravi.
« Oh, le pied ! Quel kiff ! »
Je m’esclaffe. Elle fait mine de se redresser.
« Attends, pas si vite, dis-je en pressant sa cage thoracique pour qu’elle reste allongée sur la table. Laisse-moi vérifier que les vertèbres cinq et six se sont bien débloquées comme il faut… Là. Voilà. Tout est aligné, c’est bon. »
Quand mes mains quittent enfin son corps, Maë se relève en inclinant la tête de droite à gauche et de haut en bas.
« Alors ? m’enquis-je.
« C’est mille fois mieux. T’as des doigts de fée, Lorenzo.
« Je préfère que tu dises que j’ai les mains de Midas. C’est quand même plus viril. »
Ma cliente préférée pouffe de rire et vient s'asseoir à mon bureau, en face de moi. Elle prend ses affaires laissées sur la chaise vide à sa droite avant d’enfiler sa veste de sport. Pendant que je tape sur le clavier de mon ordinateur mes constatations sur le déroulement de la séance, elle sort son chéquier de son petit sac à dos et commence à le remplir. J’en profite pour lui faire un peu la discussion.
« Comment va Clarisse ? demandé-je en mâchouillant le bouchon en plastique de mon stylo noir.
« Elle va très bien ! Elle vient juste d’obtenir son Master universitaire en droit privé.
« C’est super, ça ! Tu lui diras bravo de ma part.
« C’est très gentil de prendre de ses nouvelles.
« C’est normal. »
Et ça l’est vraiment.
Maë avait été la toute première cliente à me faire confiance à l’ouverture de mon cabinet d’ostéopathie au Centre de Médecine du Sport d’Anglet, pour une vilaine blessure à la cheville faite pendant un match de basketball. Grâce à ses chaudes recommandations sur mon service de rééducation, je suis rapidement devenu le praticien attitré de toute son équipe féminine, dont elle était le pivot, puis du club entier. J’avais également eu affaire plusieurs fois à Clarisse, sa femme, que j’appréciais tout autant qu’elle. Deux petites nanas extravagantes et toujours joyeuses. Même si, forcément, elles ne venaient jamais pour de bonnes raisons, j’étais toujours très content de traiter avec elles. Cette fois-ci, Maë s’était faite le coup du lapin dans un accident de voiture dont elle était responsable.
On continue de bavarder encore quelques minutes. Je peux me le permettre, elle est ma dernière cliente de la matinée. Je ne reprends pas les consultations avant 14h, après ma pause-déjeuner.
Quand on a terminé d’échanger des banalités, je l’accompagne sur le pas de la porte, une main posée dans son dos, juste au-dessus de la chute des reins. Dans le couloir, on tombe nez à nez avec Gaëtan, en train de verrouiller la porte de son cabinet.
« Tiens, ça fait plaisir de te voir, Gaëtan ! » s’exclame Maë.
Mon meilleur ami a installé son cabinet de diététique sportive et de nutrition juste à côté du mien, toujours dans le cadre du Centre de Médecine du Sport pour lequel on doit rendre des comptes à la fin du mois. C’est Gaëtan qui établit les programmes alimentaires de l’équipe féminine de Maë en période de grosses compétitions, alors ils se connaissent bien. Il n’y a pas à dire, c’est vraiment grâce à elle que nos affaires ont décollé.
Appuyé contre le mur du couloir, je les écoute d’une oreille distraite plaisanter sur les kilos en trop que notre cliente préférée et sa femme ont pris pendant leur lune de miel en Tanzanie. Au bout d’une minute, je ne sais déjà plus de quoi ils sont en train de parler. Leurs voix ne sont plus qu’un bruit de fond. C’est comme ça depuis ce matin, impossible de me concentrer sur mon travail ni sur ce qui m’entoure.
Je n’arrête pas de penser à la branlée monumentale que j’ai pris à FIFA hier soir.
Trois matchs. Trois défaites. Pour un total de 9 buts à 3.
9 buts à 3, putain.
Pour un but de plus, je pense que j’aurai commencé à pleurer des larmes de sang.
Requin-Corail m’a littéralement explosé. Désintégré. Anéanti.
J’avais bien essayé de l’accuser de tricher ou d’avoir menti sur le fait qu’elle n’avait jamais joué à ce jeu de sa vie, Lucie m’avait une fois de plus rabattu le caquet en déroulant l’intégralité des données du Cloud Playstation de mon Opposé depuis la création de son compte, via l’appli sur son téléphone. Tout était en règle, c’était bien la première fois qu’elle installait FIFA sur sa console.
Ça n'en était que plus douloureux. J’en avais presque pas dormi de la nuit.
« Pourquoi tu souris comme ça ? » me demande Gaëtan, sourcils arqués et lèvres plissées.
Perdu dans mes pensées, je ne m’étais même pas aperçu qu’ils avaient fini de discuter et que Maë avait filé.
« Je ne souris pas, grommelé-je.
« On va manger ou quoi ? »
Fidèle au poste, JB nous attend sur le parking du centre médical, avachi sur le capot de sa Seat Ibiza IV tuning flamboyante, sa planche de skate sous le coude. Avec son bonnet noir enfoncé sur la tête d’où dépassent ses longs cheveux blonds, son t-shirt gris tie and dye trois fois trop grand à l’effigie d’un vieux groupe de métal dont je suis persuadé qu’il n’a jamais entendu parler de sa vie, sa chemise rouge de bûcheron à carreaux noirs enserrant son tour de taille et son jean délavé de coupe large, il attire pas mal les regards curieux des gens. Ceux qui n’avaient pas déjà les yeux fixés sur lui réparent aussitôt leur erreur quand son cri strident résonne dans tout le parking découvert :
« Yooooo, les fratés ! »
Il claque son bras clinquant de bracelets contre le mien puis celui de Gaëtan. Je jette ma blouse blanche de travail informe sur le siège passager de sa voiture et m’y installe en poussant un soupir d’aise. Sa gova est sacrément vilaine mais son intérieur est vraiment confortable.
En quatre minutes à peine, pendant lesquelles on parle de nos courbatures à cause du match d’hier après-midi, on arrive devant le bâtiment de chez JB. Cela fait à peine un peu plus d’un an que Gaëtan et moi travaillons au Centre de Médecine du Sport, et on a pris l’habitude de venir manger tous les midis nos gamelles chez notre pote, qui habite à quelques pâtés de maison à peine. JB bosse - sur le papier, en tout cas - pour le magasin de fruits et légumes bio de son père. Par conséquent, il fait un peu ce qu’il veut, niveau horaires.
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Calliste Bright
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Scarlett Owens
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Hilona Garry
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Eleonora_Stofferis
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Hilona Garry
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Mymy M. *Sakuramymy*
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Il y a 4 ans