Fyctia
9 - Lorenzo.
Le ballon au-dessus de la tête, j’embrasse du regard la totalité du terrain. En un clin d'œil, j’analyse la position de mes coéquipiers et celles de mes adversaires. À quelques mètres de la ligne blanche, mon rival absolu se tient prêt et s’humecte les lèvres avec un sourire carnassier. Ses muscles sont bandés au maximum, son dos est arqué comme un prédateur en chasse avant de bondir sur sa proie. Sans le quitter des yeux, j’engage le ballon et le jeu reprend. Il atterrit aux pieds de Zidane qui s’élance comme une flèche à travers le terrain. Aussitôt, je fonce à la suite de mon coéquipier et me positionne à sa droite. Il ne reste qu’une minute pour marquer et remporter la victoire. On ne peut pas se louper maintenant, pas quand la France entière nous regarde et compte sur nous.
Se heurtant au mur de joueurs de la défense adverse, Zinédine me fait la passe et je m’élance à mon tour, balle au pied comme une extension de mes propres jambes. Les cages ne sont qu’à quelques mètres. Arrivé dans la surface de réparation, je ferme les yeux l’espace d’une seconde, comme le ferait un archer avant de relâcher sa flèche pour la ficher au centre de la cible. Je m'apprête à tirer pour la victoire. Le stade tout entier se fait silencieux tandis que la foule de spectateurs retient son souffle. Puis un cri d’avertissement résonne dans les tribunes. Diego Armando Maradona, mon némésis de toujours, me fauche l’herbe sous le pied et je m’écroule épaule contre terre avant même de comprendre ce qui m’arrive. Le sifflet de l’arbitre retentit trois fois, signifiant l’arrêt du jeu.
L’arrêt de tout.
Furieux, je me relève d’un bond, insensible à la douleur qui irradie mon épaule puis j’empoigne Maradona par son petit soutien-gorge rose poudré, bien décidé à lui régler son compte. Quelle horreur, on voit ses tétons poilus à travers le tissu. Autant de rien mettre si c’est pour voir tout à travers comme ça. Le soutien-gorge de notre équipe à nous est beaucoup plus joli et...
« Réveille-toi ! »
Je grogne. On a perdu la coupe du monde de football à cause de moi et de Maradona alors foutez-moi la paix.
« Oh, réveille-toi ! Réveille-toi, bordel ! »
Une douleur me vrille l’épaule et j’ouvre grand les yeux.
Pourquoi j’ai la tête à l’envers ? Putain mais je suis où ?
Il me faut plusieurs secondes pour que les événements de la veille me reviennent en mémoire et que je comprenne que je ne suis pas dans mon lit. Je me sens si vaseux que j’ai l’impression de ne pas avoir dormi plus d’une heure. Annita - c’était quoi son prénom, déjà ? Amaia ? - est penchée au-dessus de moi mais il fait trop sombre pour que je puisse voir
son visage. Peut-être qu’elle veut remettre ça ? Malgré la fatigue, je me tortille lascivement et esquisse un demi-sourire canaille qui s’efface aussi vite qu’il est arrivé quand elle me cogne l’épaule de toutes ses forces.
« Mais t’es cinglée ! Qu’est-ce qu’il te prend ? »
Elle se lève du lit comme une furie et je l’entends s’agiter à l’autre bout de la pièce. La lumière s'allume et je cligne des paupières en la regardant, circonspect. Elle a l’air furieuse et je ne sais pas pourquoi. Ses traits se durcissent encore plus quand elle me surprend à loucher sur sa poitrine et sur ses parties intimes soigneusement épilées. D’un geste rageur, elle arrache la couverture du lit et entoure son corps de rêve avec. Il fait frais, tout à coup.
« Faut que tu te casses ! Mon mec a fini son service plus tôt que prévu ! J’ai entendu sa camionnette se garer sur le parking. Habille-toi et casse-toi !
« Quoi ? C’est une blague ? »
Interdit, je la regarde s'affairer dans la pièce. Elle me balance mon jean à la figure et je me prends le bouton de la braguette dans l'œil. Ça a le mérite de me faire réagir.
« Mais t’es quel genre de meuf, toi ? m’écrié-je.
« Ferme ta gueule ! Trace-toi !
« Tu te fais soulever alors que t’es en couple ?! Tu dégoûtes !
« Mais ta gueule ! Prends tes affaires et casse-toi ! Il va arriver d’une minute à l’autre ! »
À la seconde même où elle prononce ces paroles, j’entends la porte d’entrée s’ouvrir et des pas résonner dans le vestibule. Je commence enfin à m’activer et j’attrape mon t-shirt et mes chaussures.
« Je n’ai pas le temps de me rhabiller ! » m’étranglé-je.
Elle ouvre de grands yeux épouvantés et se met presque à courir autour de la chambre. Elle regarde sous le lit puis dans la penderie avec l’énergie du désespoir. Si tu crois que je rentre là dedans espèce de malade c’est que tu m’as pas assez bien regardé hier soir. Finalement, elle arrête de s’agiter, ouvre la fenêtre, ramasse mon caleçon par terre et le balance dehors avant même que j’ai le temps de dire ouf.
« Putain mais tu fais quoi, sale conne ?!
« Saute, depêche ! »
Je traverse la pièce, regarde dehors et me retourne vers elle en lui faisant les gros yeux. Elle est complètement malade, cette nana ! Il y a au moins deux bons mètres de hauteur entre le rebord et le jardinet résidentiel. Je lui fais non de la tête et elle me pousse à bout de bras. Sûrement alerté par le bruit de la fenêtre, une voix masculine résonne dans le salon :
« Amanda ? Tu dors pas, chérie ?
« Euh… Non, bébé ! Saute, pitié » ajoute-t-elle à mon intention, s’étranglant presque.
Pendant un instant, j’analyse les options qui s’offrent à moi. Je me tâte à rester planté là, au beau milieu de la chambre, le zguegue à l’air. Après tout, moi, je n’ai rien fait de mal, je n’y suis pour rien dans cette histoire. Je ne savais pas qu’elle était en couple et je n’avais aucun moyen de le deviner. Et puis, si je ne bougeais pas d’ici, je rendrai service à ce pauvre bougre. Sa meuf se tape des inconnus dans son propre lit conjugal pendant qu’il est au travail. Je ne ferai que lui ouvrir les yeux, non ? D’un autre côté, si je trouvais un connard nu comme un vers sur le plancher de ma chambre à côté de ma nana nue elle aussi, je pense qu’absolument rien au monde ne pourrait m’empêcher de le tuer sur le coup. Et ça, même si le mec n’y est pour rien dans cette histoire.
Puis, j’aperçois un cadre photo posé sur la table de nuit, du côté d’Amanda - ce n’était pas Amaia, ni Andréa et encore moins Annita, son prénom, finalement. On y voit cette dernière, sublime dans un petit bikini bleu marine, embrasser une montagne de muscles avec la Dune du Pyla en arrière-plan. La vision de ce colosse - qui semble presque aussi impressionnant que Patxi - achève de me décider. Je ne suis ni lâche, ni en reste niveau musculature, mais mon père m’a toujours dit de bien choisir mes combats dans la vie. Je m’assure que je n’ai rien laissé traîner par terre, prends mes jambes à mon cou et saute par la fenêtre.
17 commentaires
Mary Cerize
-
Il y a 4 ans
Hilona Garry
-
Il y a 4 ans
Marie M DESSYLES
-
Il y a 4 ans
Emilie May (Bookofsunshine)
-
Il y a 4 ans
Fern Cristo
-
Il y a 4 ans
marionlibro
-
Il y a 4 ans
Eleonora_Stofferis
-
Il y a 4 ans
Hilena
-
Il y a 4 ans
Scarlett Owens
-
Il y a 4 ans
Hilona Garry
-
Il y a 4 ans