Ner_or Outburst Chapitre 11.2 - Le Bajang

Chapitre 11.2 - Le Bajang

— Qu'est-ce que tu fais là, Erden ? lâcha-t-elle, visiblement soulée par sa présence.


— J'pourrais te poser la même question, Boussole.


Charlie serra les poings.


— Arrête de m'appeler comme ça.


Il haussa un sourcil, faussement innocent.


— Pourquoi ? Ça te va bien pourtant. Toujours à errer sans but.


L'atmosphère s'alourdit. Je ne comprenais pas tout, néanmoins il y avait une vieille rancune entre eux, ça se voyait.


— T'as un problème avec moi, Erden ?


Il haussa les épaules.


— Pas plus qu'avec les autres cinglés de cette île.


Charlie pinça les lèvres. Je n’aimais pas Erden non plus. Quelque chose chez lui me mettait mal à l’aise. Une impression sourde, tenace.


Je savais qu’il avait un rapport avec la mort de Yuma.


Je pris une inspiration et sans les attendre, je commençai à remonter le sentier. Après un instant d'hésitation, Charlie me suivit, puis Erden, traîna derrière nous.


Le sentier serpentait entre les arbres, plongé dans la pénombre.


Charlie s’arreta net, ses cheveux roses balayés par le vent, fixait quelque chose un peu plus loin sur le chemin. Elle pointa du doigt une forme indistincte, immobile au bord de la route.


— C’est quoi ce truc ?


Je suivi son regard, plissant les yeux pour mieux voir.


Là, entre les racines tordues d’un arbre, un animal miniature, ressemblait à une sorte de chimère étrange avec un corps duveteux, des ailes repliées contre elle et de grands yeux ronds et noirs qui brillaient dans l’obscurité.


Je fis un pas en avant pour la voir de plus près. Qu'était cette créature ?


— Esme, non !


La main d’Erden effleura mon poignet. Une pression, légère mais insistante. 


Une impression diffuse, me suppliait de m’approcher.


Un frisson traversa l’échine, sauf que mes jambes continuèrent d’avancer toutes seules.


— Esme, recule.


La voix, cette fois de Charlie, était plus tendue, plus pressante.


Cependant je n’arrivais plus à entendre distinctement.


La créature leva les yeux vers moi.


Sa tête enfla d’abord subtilement, comme un mirage tremblotant, ensuite de manière grotesque, déformant les traits mignons en une masse informe. Son visage se dissout dans une matière mouvante, comme de la chair qui fond.


Puis sa bouche s’ouvrit.


Ou plutôt, l’absence de bouche.


Un gouffre béant, un trou noir bordé d’ombres ondoyantes, aspira la lumière et le son.


L’air s’engouffra dans le vide avec un vrombissement sourd. Mon souffle était happé. Mes muscles ne répondaient plus, mon énergie m’échappait. Mes genoux cédèrent.


D'un coup une force brutale me saisit et m'arracha à l’emprise de la créature.


Je tombai en arrière, percutant le sol avec un choc sourd.


Un corps s'écrasa sur moi.


Erden.


Nos visages étaient si proches que je pouvais voir son regard écarquillé, sa respiration rapide. Il me fixait, les sourcils froncés, mais incapable de parler. Il m’avait tirée en arrière et était tombé avec moi. Je sentis la tension dans ses bras qui m’entouraient, son regard brûlait, dirigé sur l’horreur.


Un cri inhumain nous fit sursauter.


Devant nous, Charlie s’était avancée, une lueur palpitante entre ses doigts. Une pierre translucide, d’un bleu intense, pulsait tel un cœur vivant.


— Dégage, saloperie.


Elle avait tendu une pierre devant la créature qui tressaillit. Son gouffre béant se contracta, elle suffoquait. Elle poussa alors un hurlement strident, un son qui résonna comme mille voix superposées. Je me bouchais les oreilles.


Et, dans un souffle d’ombre, elle disparue. Qu'est-ce qu'il venait de se passer ?


Erden sembla réaliser notre position et se releva d’un bond. Il recula d’un pas avant de détourner le regard.


Je restai un instant immobile, le cœur battant à tout rompre, et je fini par me redresser.


Charlie nous regarda tous les deux, souffla un grand coup, avant de secouer la tête et de ranger sa pierre dans sa poche.


— Putain.


Elle pivota vers nous, les mains sur les hanches, l’expression mi-soulagée, mi-exaspérée.


— La prochaine fois, vous réfléchissez avant d’y aller, compris ?


Je hochai la tête, incapable de parler. Mon cœur cognait encore contre ma poitrine.


Erden se passa une main sur la nuque, visiblement agacé.


— Ouais. La prochaine fois.


Il me jetta un coup d’œil avant de se détourner.


— C'était un Bajang.


Sa voix était posée, cependant il y a quelque chose dans son ton qui me mit mal à l’aise.


— Un quoi ? cracha Charlie en serrant toujours sa pierre d’énergie.


Erden croisa les bras.


— Un Bajang. Une entité qui se nourrit de l’énergie vitale. Elle attire ses proies en prenant une apparence inoffensive, puis elle les vide peu à peu… jusqu'à ce qu’il ne reste plus rien.


Il se tourna de nouveau vers moi.


— Si tu t’étais approchée davantage, elle aurait aspiré tout ce que tu es.


Mon cœur rata un battement.


Tout ce que je suis.


L’angoisse remonta, brutale.


— C’est quoi ce putain d’endroit ?!


Ma propre voix me surprit par sa violence. Mes mains tremblaient de colère. J'ai encore failli mourir.


— Depuis que je suis ici, il n’y a pas un seul jour sans que quelque chose d’absolument flippant ne se passe ! Des ombres, des voix, des créatures qui veulent nous bouffer ?!


Erden et Charlie échangèrent un regard. Pas inquiet. Pas surpris. Juste… habituel.


Et ça, ça m’énerva encore plus.


— Comment vous faites pour vivre ici comme si c’était normal ?!


Le silence s’installa. Charlie haussa les épaules, rangea sa pierre dans sa poche.


— On s’habitue.


Elle disait ça comme si c’était évident, comme si ce n’était pas insensé.


— S’habituer ?!


Je ris, un rire nerveux, incrédule.

Erden me dévisageait, impassible. Je mettais mise à faire les cent pas pour essayer de me calmer.

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