Fyctia
Chapitre 5.2 - La fête
Dès que je mis le pied à l'intérieur, ça me frappa : une lumière bleutée, presque fluorescente, éclairait tout.
La piscine était vide, néanmoins l'atmosphère était carrément différente de ce que j'avais imaginé. Les gens dansaient, certains juste en train de traîner au bord, leurs regards flous à force d'avoir trop bu. C'était un peu à l'image d'un clip musical. Je pris aussitôt une photo.
La musique résonnait autour de moi – un mélange de rap, de rock, et de hip-hop, des sons que tu retrouvais dans toutes les playlists des jeunes ici. Ça vibrait dans les murs, et même si j'essayais de ne pas le montrer, je me sentis un peu absorbée par l'ambiance.
— Bienvenue dans l'empire des Moki's, clama Yuma, d'un geste théâtral. Je le fixais avec un sourire presque moqueur. Les meilleures fêtes de l'île, certifiées depuis notre naissance.
Je les dévisageai un instant, une petite lueur de scepticisme dans les yeux, toutefois je jouais le jeu.
— J'espère que t'as pas dit ça pour impressionner. J'ai fui mon lit pour ça, je réponds avec une pointe d'ironie..
À ce moment-là, Tokela arriva, tel un électron libre, apportant un peu de sa propre énergie. Il me sourit.
— Alors, Esme, t'as pas l'air trop mal ici, non ? lança Tokela.
Kiera posa une main sur l'épaule de son frère. Leur complicité était évidente.
— Elle n'a pas encore fui, c'est bon signe, énonça-t-elle, tel un compliment déguisé.
J'essayais de paraître détendue, sauf que à l'intérieur, j'étais une spectatrice dans une pièce bondée. Je ne savais pas vraiment où je devais regarder, où je devais m'intégrer. Pourtant, il y avait quelque chose dans l'air qui m'attirait, qui me poussait à ne pas vouloir m'éclipser trop tôt.
— T'es prête à danser ?
— Ouais, mais pas sûr que ce soit une bonne idée de me voir bouger, blaguai-je pour cacher la nervosité qui montait.
Kiera me lança un regard amusé.
— Oh, je crois que tu vas bien t'en sortir contrairement à Yuma. Son sourire me rassura un peu. Après tout, on était juste là pour se détendre.
Kiera éclata de rire alors que son copain affichait une mine outrée. La musique battait plus fort à chaque seconde, et tout à coup, il y eut comme une vague d'énergie qui me poussa à avancer.
Avant même que je n'aie le temps de réagir, ils m'entraînèrent dans la ronde.
— T'en penses quoi ? m'interrogea Kiera tout en se déhanchant tandis que j'imitais la foule.
— C'est... vivant, articulai-je assez fort pour qu'elle puisse m'entendre.
— Tu peux le dire, c'est chaotique.
Yuma nous rejoignit avec trois verres et m'en tend un.
— On peut trouver un coin plus calme si tu veux.
— Non, ça va, mentis-je en attrapant mon verre que je bus d'une traite pour me détendre. J'observe.
— Oh non, on a une analyste, plaisanta Yuma. Si elle commence à nous psychanalyser, on est foutus.
— Trop tard, j'ai déjà compris que vous êtes un couple insupportable.
— Ah ! Elle s'adapte vite !
Kiera ria doucement et trinqua avant de boire.
Le monde autour de moi me parut flou, un peu trop intense, cependant je fis de mon mieux pour m'adapter. La musique, les rires, les conversations qui se superposèrent – tout m'envahissait. Le mouvement, le bruit... Une sorte de vague que je me pris en pleine face.
Soudain, un frisson me traversa. Ce n'était pas une simple sensation, c'était plus que ça. J'avais l'impression d'avoir fait un pas de trop. Une énergie qui m'envahit tout à coup, un inconfort qui ne s'expliquait pas. Ma respiration se coupa brièvement, quelque chose de lourd s'était posé sur mes épaules. Peut-être que c'était juste de la fatigue, un peu de stress. Mais plus je me concentrais sur la fête, plus cette énergie me prenait à la gorge.
Les voix se mélangèrent, devinrent incompréhensibles, et mon cœur se mit à battre plus vite. Je n'arrivai pas à bouger. J'avais l'impression que tout allait trop vite. Je secouai la tête, je devais sortir d'ici.
— Je vais prendre l'air, murmurai-je, essayant de paraître calme.
Je m'éclipsai discrètement, me faufilai vers les vestiaires. Les murs se resserrèrent autour de moi. Je me frottai les tempes, essayai de chasser cette étrange sensation. Je me dirigeai vers un coin des vestiaires qui avait été réaménagé en fumoir. C'était un endroit un peu à l'écart de ce tumulte.
La fumée dans l'air était épaisse, et l'odeur des cigarettes se mélangeait à l'air humide, créant une atmosphère encore plus étouffante. Je cherchai un endroit où me poser, et c'est alors que je croisai le regard d'Ender.
Il était là, adossé au mur, entouré de gens complètement déconnectées de la réalité, assises à ses pieds, défoncées. Ender les ignorait, ses yeux se posèrent brièvement sur moi avant de se détourner. Le regard qu'il me lança était brillant. Je me sentis un peu mal à l'aise à l'idée qu'il me voit dans cet état, je ne pouvais pas faire autrement. Je m'éloignai de lui.
C'était peut-être l'influence de l'Entre-Monde... elle était plus forte sur cette île.
À chaque fois que ça m'arrivait, tout devenait plus difficile à supporter. Surtout quand je me focalisais sur elle. Là, j'avais beau essayé de l'ignorer. L'entre-monde insistait.
Et Ender, là, dans sa position, comme s'il était le centre de cette scène, me fit soudainement l'effet d'un observateur silencieux. L'impression qu'il savait ce qui m'arrivait, pourtant il resta muet. Je me secouai, me ressaisis. Je n'avais pas de temps à perdre à m'attarder sur des détails imaginaires.
Je cherchai une issue. Au fond des vestiaires, je repèrai une porte entrouverte, dissimulée derrière une étagère de casiers. Je me dirigeai vers elle, et poussai la porte avec une main tremblante. De l'air frais me fouetta le visage, le soulagement fut immédiat.
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