Fyctia

Je me tenais devant le miroir de ma chambre, un pull sombre et un jean usé sur le dos. Je n'avais rien fait de particulier pour me préparer, à part clipser des barrettes violettes sur mes cheveux. Ce n'était qu'une fête, après tout. En vérité, je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre.

Le message de Yuma me trottait dans la tête. Je passerai te chercher. Il avait dit ça comme une évidence, comme si j'allais forcément accepter. Et maintenant, j'étais là, à attendre.

Un coup d'œil à mon téléphone : 21h59.

La voix d'Alex retentit depuis le salon.

— Esme, il y a quelqu'un pour toi !

Je pris mon manteau et descendis l'escalier. Alex se tenait devant la porte entrouverte, un léger sourire en coin. Elle m'observa alors que je rejoignais l'entrée.

— Un garçon qui vient te chercher pour une fête.

— C'est juste un camarade de classe. Tu étais passée ou depuis hier, lui fis-je remarquer.

Elle ne répondit pas, son sourire s'agrandit.

J'ouvris la porte et trouvai Yuma adossé contre le muret, les mains dans les poches.

— Pas trop dur à trouver ? demandai-je.

— Les Soraya vivent ici depuis toujours. Ça nous a parut logique de te trouver ici.

Il se redressa alors que je fermais la porte derrière moi. En descendant les marches vers la voiture, je lançai, un sourire en coin :

— Honnêtement, je pensais que tu allais venir à cheval.

Yuma éclata de rire.

— J'y ai pensé, mais Kiera m'aurait tué.

Je remarquai alors la voiture garée un peu plus loin, moteur allumé. Une silhouette féminine était visible derrière le volant.

— Kiera ? répétai-je.

— Ouais, tu vas voir, elle est cool. Elle est dans notre classe.

Il ouvrit la portière arrière et me fit signe d'entrer.

Kiera se retourna légèrement depuis le siège conducteur, son regard doré perça l'obscurité de l'habitacle. Elle était belle, charismatique sans effort, avec une confiance tranquille qui émanait d'elle.

— Esme, c'est ça ? conclut-t-elle en souriant.

— Ouais.

— Bienvenue à bord.

Elle reporta son attention sur la route, accélérant sans hésitation.

Yuma s'installa à l'avant et mit la musique en route, une basse sourde remplissait l'espace. Kiera haussa un sourcil, amusée.

— Sérieux ? Tu mets ça pour démarrer la soirée ?

— T'as pas de goût, c'est un classique, se défendu Yuma en augmentant le volume.

— Si tu continues, je te laisse marcher jusqu'à la fête.

Elle tendit la main vers le bouton pour changer de musique, sauf qu'il l'attrapa avant, un sourire en coin avant de la relâcher aussitôt. Un geste simple, naturel, une habitude.

— Tu préfères quoi, madame DJ ? répliqua-t-il en changeant de station.

Elle lui donna un léger coup sur l'épaule en roulant des yeux.

— T'as de la chance que je sois patiente.

— Ouais, ouais, c'est ce que tu dis.

De l'arrière, j'observais leur échange, captant cette sorte d'aisance entre eux. Il n'y avait ni tension ni excès, juste une fluidité qui montrait qu'ils s'étaient trouvés bien avant d'être ensemble.

J'observai la route défiler à travers la vitre.

Yuma, installé à l'avant, tourna légèrement la tête vers la banquette arrière.

— T'as déjà assisté à un rituel d'initiation ? me demanda-t-il d'un ton sérieux.

— ... Pardon ?

— T'inquiète, c'est rapide. Un serment de sang et une danse de la pluie, et tu seras officiellement acceptée.

— Ignore-le, soupira Kiera en tournant le volant. Il essaye juste de te faire croire qu'on est une secte.

— C'est ce qu'une secte dirait, répliquai-je, les bras croisés.

Yuma ria, suivi de Kiera, qui me jeta un coup d'œil amusé dans le rétroviseur.

— Je crois qu'elle va survivre à cette soirée, commenta-t-elle.

— Ouais, elle a du répondant. C'est bon signe.

Après une vingtaine de minutes, Kiera ralentit et bifurqua sur un chemin terreux.

— On arrive, annonça-t-elle.

J'observais autour de nous. La route se transformait en sentier, bordé d'arbres imposants. Plus loin, je distinguai une file de voitures garées le long des sous-bois.

— Pourquoi on s'arrête là ? 

— Si on va jusqu'au parking, on se fait repérer, expliqua Yuma. On est techniquement pas censés être là à cette période de l'année.

La conductrice coupa le moteur et ouvrit sa portière.

— C'est ce qui rend la fête plus intéressante, non ?

Je descendis à mon tour, l'air frais de la nuit mordit ma peau. Devant nous, un sentier serpentait à travers les arbres, direction le Parc des Saphirs. J'entendai déjà la rumeur lointaine des basses et des éclats de voix.

Je remarquai un raccourci, une pente un peu raide menant au sentier principal.

— Premier arrivé en bas a le droit de choisir la prochaine musique dans la voiture, nous défia Yuma.

Kiera répondue immédiatement en se mettant à courir. J'hésitais une seconde avant de les suivre, prise dans l'élan.

La descente était plus chaotique que je ne l'aurais cru. Kiera courait vite, Yuma fit exprès de bloquer le passage, et je dû esquiver les branches basses pour ne pas tomber. Quand nous atteignîmes enfin le sentier, Kiera fut la première à lever les bras en signe de victoire.

— Désolée, mais vous avez perdu, annonça-t-elle en reprenant son souffle.

— Esme était devant moi, techniquement c'est elle la gagnante, tenta Yuma.

— On partage la victoire, décidai-je, amusée.

— Trop tard, j'ai déjà réclamé mon droit sur la playlist.

Je regardai autour de moi, un peu sur mes gardes. J'étais rarement dans ce genre de situation. Yuma marchait à côté de Kiera, main dans la main. Je sentais leur enthousiasme, un peu contagieux, en même temps, ça me faisait me sentir un peu en retrait. Il se tourna vers moi, un sourire presque malicieux aux lèvres.

— T'as déjà vu une piscine transformée en dancefloor ?

Je haussais les épaules, un sourire aux lèvres. J'essayais de paraître plus détendue.

— Non, mais je suis curieuse de voir si quelqu'un va se casser un bras en sautant dedans, j'ai répondu, un brin sarcastique.

Yuma souria amusé par ma réponse.

— Oh, c'est déjà arrivé, raconta Kiera, d'un ton désinvolte. Elle n'a pas l'air surprise du tout, cette fête était une routine pour elle.

On arriva à la porte de service. Yuma la poussa, et on passa tous les trois, un à un. La lumière bleutée qui s'échappait à travers la porte ouverte me fit frissonner. Je ne sais pas vraiment à quoi m'attendre.