Fyctia
Chapitre 3.1 - Horizons
Je laissai mes doigts glisser sur mon appareil photo, et appréciai le léger poids de l'objectif dans ma main. La vue devant moi était intimidante.
Le lycée ressemblait plus à un manoir qu'à une école. Ses pierres grises, usées par le temps, semblaient portées par une histoire vieille de plusieurs siècles. Le silence qui régnait autour de moi contrastait fortement avec le tumulte habituel des couloirs de mon ancienne école, où les bruits des rires et des voix se mêlaient tout le temps. Je levai l'appareil et appuyai sur le déclencheur. Le bruit discret du clic me parvient, cette photo était un moyen d'ancrer une part de ce lieu dans ma mémoire.
Je franchis les grandes portes en bois sculpté. La lumière tamisée filtrait à travers les vitraux, projetant des jeux de couleurs sur les murs. Il n'y avait pas de foules, pas d'agitation.
Je me frayai un chemin à travers les regards curieux et les chuchotements discrets, et essayais de ne pas paraître trop perdue. Les visages autour de moi m'étaient inconnus. Puis je repérai Ryan, le serveur du café où nous nous étions arrêtées avec ma tante la veille. Il était appuyé contre un casier, et dès qu'il croisa mon regard il me fit signe.
Je fis une seconde photo, cette fois de Ryan. Il était en retrait, toutefois il ne semblait pas vouloir m'éviter. Peut-être qu'il avait compris que, de toute façon, je ne pouvais pas m'empêcher de photographier tout ce qui attirait mon regard. Il me lança un sourire fugace et un hochement de tête. Rien de gênant dans ce geste, juste une acceptation tacite.
– Bon... Je vais te montrer la salle des profs. Il vaut mieux que tu y ailles maintenant.
Je le suivis sans un mot, ne sachant trop comment interpréter son attitude. J'imagine qu'Alex lui a demandé de me guider une fois ici.
– Tu n'es pas dans ma classe ?
– Je suis en terminale, machouilla-t-il.
Nous arrivâmes enfin devant une grande porte.
– C'est ici, dit-il, d'une voix un peu trop mécanique. Bonne chance.
Je le remerciai d'un simple signe de tête, et il tourna les talons sans ajouter un mot. Et me voilà, seule devant la porte du bureau des professeurs. Je frappai doucement, un peu nerveuse, et la porte s'ouvrit aussitôt.
Un homme grand et mince, dans la quarantaine, aux cheveux noirs légèrement grisonnants, se tenait derrière. Son regard était perçant, mais accueillant. Il portait une chemise en lin légèrement froissée et un pantalon sombre. Son sourire était poli, il avait l'habitude de recevoir des élèves nerveux.
– Esme, c'est ça ? Bienvenue à Kampos. Je suis Léon Flores, ton professeur principal, me dit-il d'une voix calme, en me tendant la main.
Je la serrai sans hésiter. Il me guida dans la pièce, où plusieurs personnes discutaient autour d'un grand bureau en bois. Je me sentis un peu à l'écart.
– Viens, installe-toi, me dit-il en désignant une chaise près d'une table où des dossiers étaient empilés.
Léon Flores s'assit en face de moi, feuilleta rapidement quelques papiers. Il s'arrêta un instant sur l'un d'eux, le parcourut du regard, puis releva les yeux vers moi avec un sourire poli.
— Alors, Esme, raconte-moi un peu ton parcours. J'ai ton dossier sous les yeux, mais j'aime mieux entendre les choses directement des élèves.
Je haussai légèrement les épaules.
— Il n'y a pas grand-chose à dire, répondis-je d'un ton neutre. J'étais dans un lycée en France avant d'arriver ici. Une école publique, plutôt grande. Beaucoup trop d'élèves, trop de bruit... Rien à voir avec ici.
Il hocha la tête, comme s'il s'y attendait.
— Et le travail scolaire, ça allait ?
— Honnêtement ? Je faisais ce qu'il fallait pour ne pas couler, mais sans plus.
Léon haussa un sourcil amusé.
— Pourtant, je vois que tu te débrouillais très bien en physique.
J'échappai un léger sourire.
— Ouais, ça me plaît. J'aime comprendre comment les choses fonctionnent, voir les liens entre ce qu'on apprend et ce qui nous entoure. Mais le reste... disons que je ne me suis jamais vraiment investie plus que nécessaire.
— Donc, pas une élève studieuse, pas en difficulté non plus.
— C'est ça.
Il prit quelques secondes pour réfléchir avant de poursuivre :
— Et après le lycée, as-tu une idée de ce que tu veux faire ?
Je secouai la tête.
— Pas vraiment. Je ne me vois pas suivre une voie classique... je ne sais pas ce qui pourrait vraiment me correspondre.
— Pourtant, tu as des centres d'intérêt.
Cette fois, son regard était plus perçant.
— L'art, non ?
Je relevai les yeux vers lui, un peu surprise qu'il l'ait deviné aussi vite.
— Oui, j'aime créer. Et surtout, la photographie.
Il sembla réfléchir un instant.
— Intéressant. Pourquoi la photo ?
Je haussai les épaules.
— C'est un moyen de capturer ce qu'on ne voit pas toujours. Les détails. Les contrastes. Ce qui est juste là, et qu'on oublie de regarder.
— Une manière d'observer le monde différemment.
— Oui.
Il acquiesça lentement, comme s'il analysait ma réponse.
— Horizon est un endroit où tu pourras explorer ça, dit-il finalement. Ici, on valorise l'indépendance et l'initiative. Tu auras du temps pour développer ce qui t'intéresse.
Son regard se fit plus attentif.
— Cependant, je te conseille d'apprendre à observer, pas seulement à travers ton objectif.
Il referma mon dossier et s'appuya contre le dossier de sa chaise.
— Si tu as des questions ou besoin d'aide pour t'adapter, ma porte est toujours ouverte.
Un silence s'installa entre nous, et pour la première fois depuis le début de l'entretien, j'eus l'impression qu'il me regardait vraiment, au-delà des mots et des banalités d'usage. Je suivis Leon jusqu'à une porte numérotée 17. Il l'ouvrit et me laissa passer. La classe était grande. Vingt élèves environ.
Quand Léon Flores me présenta à ma classe.
Mes yeux balayèrent la pièce rapidement, captant quelques visages familiers. Yuma, le garçon du ranch. Et Ender.
Je l'aperçus à l'autre bout de la salle, affalé sur sa chaise, les bras croisés. Nos regards se croisèrent brièvement, et je détournai les yeux aussitôt.
— Ça fait des siècles qu'on a pas eu de nouvel élève, lança un gars avec de longs cheveux bruns.
Il ne restait qu'une place libre, celle près de Yuma, juste à côté de la fenêtre. Je me dirigeai vers lui sans hésiter, tout en essayant de chasser de mon esprit la présence d'Ender. Il était là, dans la classe, avec ses cheveux en bataille et ses yeux sombres qui semblaient percer l'air.
J'ai vite détourné les yeux, le simple fait de l'observer trop longtemps risquerait d'attirer son attention. Mon cœur s'accéléra un peu. Je ne savais pas pourquoi, mais quelque chose chez lui me perturbait. J'y déposai mon sac et sortis mon carnet de notes, plus par habitude que par réelle motivation.
— Salut, murmura Yuma avec un sourire accueillant. C'est cool que tu sois ici.
Je lui rendis son sourire, un peu timidement. Il m'avait déjà paru sympathique lors de notre rencontre au ranch, même si notre conversation avait été brève.
2 commentaires
Hooper (Seb Verdier)
-
Il y a 7 jours
Ner_or
-
Il y a 7 jours