Fyctia

— Qu’est-ce-que tu veux ? laissé-je échapper d’une petite voix en tirant sur la manche du poignet qu’il a marqué.  

— Je tenais à m’excuser pour tout à l’heure. J’ai agi comme un con et je t’ai fait peur, ce qui n’était pas mon intention, dit-il avec une moue qui doit en faire craquer plus d'une.  C’est pour toi, fait-il en me tendant le bouquet de fleurs sous le regard ébahi des filles.  

— Euh, merci, balbutiais-je en saisissant le bouquet.  

— Avec plaisir ma chère Lana. On se voit demain, ajoute-il avec un grand sourire et un clin d’œil avant de tourner les talons. 

 Je reste là, interdite, essayant de capter ce qu’il vient de se produire. Un picotement dans le creux de la colonne me pousse à relever la tête et je croise le regard de Devon. Il n’a pas vraiment l’air content et son regard noir me fait frissonner.  

— Euh, Lana ? Tu nous expliques pourquoi l’un des beaux gosses du bahut t’offre des fleurs ? Non parce que c’est bien la première fois que Seth débarque au lycée, après avoir séché la moitié des cours, afin d’offrir des fleurs à une nana !  

Les regards ahuris que je croise autour de moi me confirment les paroles de Molly.  

— Disons qu’il m’a coincé tout à l’heure dans le couloir pour me faire des avances, mais qu’il a été plutôt brutal.   

— Notre chère Lana aurait-elle réussi à faire succomber le grand méchant loup ? ajoute Vicky en souriant.  

Je rougis et commence à marmonner des trucs tellement inintelligibles, que les filles éclatent de rire. 

— Il peut toujours essayer de me faire des avances, mais c’est peine perdu pour lui. Et puis je ne sais pas, je ne le sens pas.   

— C’est vrai que c’est loin d’être un tendre, qu'il a brisé autant de coeurs que de petites culottes, mais avoue qu’il est mignon quand même ?   

— Il a une belle gueule certes, mais il est loin de m’attirer. Pour être franche, il me fait même flipper ! Et puis, lui ou un autre, je n’ai pas envie de sortir avec qui que ce soit de toute façon ! asséné-je un peu sèchement.   

— Outch, tu es dure !  s’esclaffe Molly qui heureusement, n’a pas fait attention à ma réaction un peu brute.  

Nous franchissons le portail en riant et pour la première fois depuis maintenant deux semaines, je commence à me sentir à ma place dans ce trio que nous formons désormais. Les filles sont vraiment géniales, j’ai eu beaucoup de chance de les rencontrer. Sur un dernier signe de la main, nous nous séparons et c’est avec le sourire et le fameux bouquet de Seth, dont je ne sais absolument pas quoi en faire, que je prends le chemin de chez moi.    

La maison est silencieuse quand je rentre et je savoure pleinement le calme qui y règne. Les derniers jours ont encore été difficiles entre Luc et ma mère, je porte encore sur moi les stigmates des accès de colère de mon beau-père. Chassant ces pensées de mon esprit, je pose le bouquet de fleurs sur la table de la cuisine et me prépare un plateau avec des céréales et un jus d'orange que j'emmène dans ma chambre. 

Je m'installe à mon bureau et laisse mon esprit vagabonder sur les événements de la journée. J'esquisse une grimace de dégout et un frisson me parcourt en repensant à ce qui s'est passé avec Seth. Je n'ai clairement pas confiance en ce type. Il semble avoir l'habitude d'obtenir tout ce qu'il veut de la part des nanas et j'ai l'impression que je suis devenue sa nouvelle proie, ce qui ne me rassure pas. Quant à Devon, je ne sais pas vraiment quoi penser de lui. Je dois avouer qu'il m'intrigue. Sa proximité me trouble et bien que je ne sois pas non plus à l'aise avec lui, il me paraît moins effrayant que ce que je pensais au départ. Moins que Seth en tout cas !  

Je repense également à la proposition de Mme Harrigton. Je dois avouer que j'adorais donner des cours de soutien, mais honnêtement, je ne sais pas si j'en serai de nouveau capable. Je soupire et effleure ma cicatrice du bout des doigts, avant de retirer vivement ma main. Tant de chose ont changé depuis ce fameux jour. Me promettant de prendre le temps de réfléchir sérieusement à la proposition de ma prof, j'allume mon ordi, lance ma playlist et me plonge dans mes devoirs.  

Je fais un bond sur ma chaise quand la voix de ma mère résonne dans l'escalier. Concentrée dans mes leçons et avec la musique, je ne l'ai pas entendu rentrer. Je pose mon stylo, saisi le plateau avec les céréales que j'ai à peine touchées et descends la rejoindre.  

—Tu as passé une bonne journée ? me demande-t-elle avec un sourire radieux. 

— Bof, fais-je en haussant les épaules tout en débarrassant le contenu du plateau. 

— Ce bouquet semble dire autre chose, dit-elle en désignant les fleurs que j'ai oubliées sur la table de la cuisine.  

Ma mère me regarde les yeux pleins d'interrogation et surtout avec une pointe d'espoir. L'espoir que je redevienne à nouveau cette adolescente insouciante, souriante et pleine de vie que j'étais avant d'être défigurée. Je saisis le bouquet, ouvre la poubelle et le jette. Elle me dévisage avec incompréhension, surprise par mon geste, et mon cœur se serre un instant quand je lis la peine qui s'affiche sur son visage. Sans même chercher à expliquer mon geste, et luttant contre les larmes qui menacent de couler, je sors de la cuisine et remonte dans ma chambre.