Fyctia

J’éteins mon réveil d’un geste rageur, maudissant le jour de s’être déjà levé alors que je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Bon, ce n’est pas comme si je ne faisais pas déjà des nuits blanches depuis un long moment. Mais aujourd’hui c’est un jour particulier et j’aurais aimé ne pas ressembler à un mort-vivant à cause de mon visage dévoré par les cernes. Je repousse les couvertures de mon lit et me dirige vers mon armoire en soupirant. Je sais que ma mère aimerait que je fasse un effort vestimentaire, au moins pour aujourd’hui, mais je n’en vois pas l’intérêt. Je prends donc un pantalon baggy basique, un t-shirt tout ce qu’il y a de plus banal et l’un de mes nombreux sweats à capuche qui ne me quitte que très rarement, puis me dirige dans la salle de bain. Après une douche rapide, j’enfile mes fringues et m’attaque à sécher mes longs cheveux noirs. Comme d’habitude, je décide de les garder lâché. Je me tourne vers le miroir, que j’avais jusqu’à maintenant évité comme chaque matin, et soupire en voyant mes yeux cernés de larges marques noires. Et comme à chaque fois, j’exquise une grimace de dégout quand mon regard se porte sur la cicatrice qui orne la totalité ma joue gauche. Elle part de ma bouche et remonte jusqu’à ma tempe. Bientôt un an que cette horreur me bouffe une partie du visage. Tout le monde me dit qu’avec le temps elle finira par s’atténuer mais j’en doute. Je prends mon anticerne et l’applique méticuleusement afin de cacher au maximum les cernes qui ornent mes yeux. Je n’essaye même pas de camoufler ma cicatrice. Mes longs cheveux suffiront amplement à la cacher. Je ne prends pas la peine non plus de me maquiller. C’est une des nombreuses choses que je ne fais plus depuis longtemps maintenant.  Je repasse par ma chambre afin de récupérer mon sac et descends à la cuisine. Comme d’habitude, cette pièce est dans un état pitoyable ! Des bouteilles de bière vides trônent sur le plan de travail, le lave-vaisselle n’a pas été vidé si bien que les assiettes sales de la veille sont entassées dans l’évier et le cendrier posé sur la table de la cuisine est plein à craquer. Je soupire tout en commençant à faire un brin de rangement. Je viens tout juste de m’installer à la table de la cuisine avec mon bol de céréales quand ma mère arrive.    

— Bonjour ma puce, me lance-t-elle d’une voix éteinte.  

Je lui réponds sans même lever la tête de mon bol.    

— Tu n’aurais pas pu te passer de ton éternel sweat au moins pour aujourd’hui ?    

— Je change juste de lycée maman, je ne vais pas à un défilé de mode !   

Elle soupire, puis se dirige vers la cafetière afin de se servir un grand mug de breuvage noir.   

— Tu es sûre que tu ne veux pas que je te dépose ?     

— Non, ça ira. Ce n’est qu’à 20 minutes à pied et tu sais que j’aime marcher.    

Je finis mon bol de céréales et le dépose dans le lave-vaisselle que j’ai préalablement vidé, récupère mon sac et après un dernier geste en direction de ma mère, je sors de chez moi. Nous sommes début septembre et le temps et encore doux même à 7h30. Je respire un grand coup pour me donner de l’énergie et surtout la motivation nécessaire afin d’affronter cette journée, puis prends la direction de mon nouveau lycée. Mes écouteurs dans les oreilles, j’essaye de ne pas laisser le stress m’envahir. J’appréhende le changement et j’espère que cette année se passera sans encombre. J’ai assez donné l’année dernière et je ne suis pas sûre d’être capable de subir de nouvelles épreuves ! 

Arrivée devant les grilles de mon nouveau lycée je reste un instant en retrait, observant le flot d’élèves qui les franchissent tantôt en discutant, tantôt en riant. J’ai un pincement au cœur en pensant à mon amie Shirley, qui est restée dans mon ancien bahut et qui ne sera pas avec moi. Nous qui ne nous lâchons pas depuis nos 8 ans, ça me fait tout drôle de commencer ma dernière année de lycée sans elle. Au même moment mon téléphone vibre dans ma poche m’annonçant l’arrivée d’un nouveau message. Je souris en sortant mon téléphone de ma poche, sachant déjà qui en serait l’auteur.  

« Ne t’inquiète pas ma belle, je suis sûre que tout va bien se passer. On se capte ce soir. Bisous ma morue. »   

Je réponds rapidement à Shirley avant de me décider enfin à franchir les grilles. Je me faufile parmi la foule d’élèves en essayant tant bien que mal de me souvenir où se trouve ce fichu secrétariat. Après quelques minutes de recherche, j’y parviens enfin. Une femme d’une quarantaine d’années est en pleine conversation avec un autre élève. Je prends donc place derrière lui et attend patiemment mon tour. Perdue dans mes pensées, je sursaute quand la secrétaire m’interpelle :   

— Oh excusez-moi lui, dis-je en bafouillant. Bonjour je suis nouvelle ici, je m’appelle Lana Baker, je viens récupérer mon emploi du temps.    

— Bonjour mademoiselle Baker et bienvenue à Jefferson High, répond-elle avec un sourire franc en me tenant une pile de documents. Vous trouverez votre emploi du temps ainsi que les autres documents basiques comme le règlement intérieur et les papiers à faire compléter et signer.   

Je saisis les documents en la remerciant.   

— Vous êtes dans la salle 2B pour la première heure, ajout-elle après quelques clics sur son ordinateur. Passez une bonne journée.    

Je lui réponds en retour puis me dirige dans les couloirs à la recherche de ma salle de cours. Par chance, je ne mets pas longtemps à la trouver. J’entre en essayant de me faire le plus discrète possible et repère une place vide dans le milieu. Je m’y dirige, tête base, ignorant les chuchotements qui commencent à se faire entendre sur mon passage. Etant nouvelle, je me doute bien que je vais sans doute être l’attraction du jour, mais tant qu’il ne s’agit que de messes bases et chuchotements, ça me va très bien. Je m’installe sur ma chaise et commence à sortir mes affaires de mon sac. Un brouhaha venant de l’entrée de la classe, me fais lever la tête au moment où trois garçons franchissent la porte.