Fyctia

J’avais dans l'espoir de me faire discrète pendant les neuf heures de vol, surtout après mon arrivée sur les chapeaux de roues, prendre du temps pour consulter mes mails et me remettre de ma soirée de la veille tout en évitant le regard perçant de ce mystérieux brun, qui comme l’hôtesse de l’air qui lui tourne autour, me perturbe plus que ce qu’il ne devrait, mais c’était sans compter les deux pipelettes qui gèrent les réseaux du créateur. Elles m’ont reconnu et veulent tout savoir de ma manière de gérer mes réseaux sociaux.

Mon compte Instagram est un joyeux mélange entre recettes de cuisine et récits de voyages.

Je passe énormément de temps à travailler dessus, presque tout mon temps libre, et j’essaie de faire en sorte qu’il y ait une continuité entre mes partages. Les thèmes et les couleurs varient en fonction des saisons, mais je fais toujours en sorte que tout soit coordonné. Et le travail paie parce que mon compte est suivi par des milliers de personnes.

Je partage assez rarement des photos de moi dans mes posts, en revanche mes stories sont plus éclectiques et l’on m’y voit plus souvent car ça ne reste pas, c’est plus éphémère.

Quelle était la probabilité que je voyage avec des personnes qui me suivent sur les réseaux?

Elles sont venues s’installer sur la rangée juste devant la mienne et c’est ainsi que je me retrouve à discuter avec ces deux jeunes femmes censées tout connaître des réseaux mais qui en fait, ne donnent que l’illusion de maîtriser le sujet.

Elles me bombardent de questions si vite que j’ai à peine le temps de répondre à l’une, qu’une nouvelle demande arrive. Sans parler du fait qu'elles sont plutôt bruyantes, ce qui n'arrange rien mon mal de tête. Elles sont plutôt sympa et ont l’air vraiment cool, mais là tout de suite, j’ai surtout besoin de calme. Sarah, celle qui a de super yeux bleus est la plus discrète, la plus terre à terre je pense, alors que Sophie est plus dynamique mais son regard noisette reflète beaucoup de jugement.

L’avantage de tout ce bavardage c’est que sans même avoir besoin de poser mille questions, je sais exactement qui sont les deux jeunes hommes qui nous accompagnent.

Pete, le blond, à tendance dragueur, est le photographe attitré du créateur. C’est lui qui gère tous les shootings photos à chaque sortie de collection. Quant au brun, c’est Sam, son collègue et meilleur ami. Elles n’en savent pas beaucoup plus à son sujet car c’est la première fois qu’elles le rencontrent, mais aucune des deux n’est contre d’apprendre à le connaître en privé. Il a tellement de charisme et de sex appeal, qu’il n’a pas besoin de parler ou de produire beaucoup d’efforts pour que les femmes lui mangent dans la main. Il est ici pour suivre Laurent et rendre un reportage photo pour une exposition qui se tiendra le jour du réveillon du nouvel an.

Je me demande s’il serait d’accord pour que j’utilise une ou deux des photos qu’il va réaliser pour enrichir la double page du journal. Habituellement, c’est un photographe de la boite qui s’en occupe, mais les photos sont toujours plates et sans vie, donc si ce fameux Sam peut avoir de belles photographies, pourquoi s’en priver?

Tout est plutôt calme dans l’avion. Le boss s’est isolé derrière une porte au fond de l’appareil et les autres passagers dorment quand réapparaît l’audacieuse hôtesse de l’air. Je l’observe en catimini, tout en écoutant distraitement les pipelettes. Elle avance de sa démarche chaloupée en direction de Sam. Je le vois sursauter quand ses mains se baladent sur lui. Elle est pas gonflé de faire ça ici, celle-là!

— Eh oh, June tu écoutes?

— Hein quoi? désolée tu disais?

Les cris aigus de surprise de Pete nous surprennent et nous arrachent un rire car il vient de se faire surprendre en plein sommeil par son ami. La grimace, soyons honnête, très exagérée, qu’il affiche sur son visage est franchement drôle. Avec lui dans les parages, nous n’allons pas nous ennuyer pendant ces quelques jours. Il a cet air de bout en train dans le regard qui le rend sympathique.

— Faut trop que tu nous expliques comment tu fais pour que ton feed soit toujours aussi harmonieux ? me demande Sophie me ramenant à elles, tout en faisant défiler ma page Instagram sur son téléphone.

Cela m’étonne encore qu’elle ne cesse de me questionner à ce sujet alors qu’elle est censée connaître les trucs et astuces de base. Alors que je m'apprête à lui répondre, je remarque que sa collègue lève les yeux au ciel et cela ne m'étonnerait pas que ce soit elle qui fasse tout le gros du travail.

— En fait, je passe énormément de temps à préparer mes posts, trouver la bonne photo, utiliser les bons filtres tout ça…mais vous êtes pas censé être des pros pour ça?

Je vois bien que ma réponse ne lui convient pas forcément, mais elle croyait quand même pas que j’allais lui donner toutes les ficelles comme ça, sans la connaître?

Je suis sauvée par miss, mains baladeuses, qui nous apporte nos repas.. Mon estomac encore en vrac, je me contente d’une salade et d’eau pétillante, histoire de faire passer cette nausée.

Quand la voix du pilote nous annonce que nous entamerons notre descente dans moins d’une heure, je sursaute. N'ayant toujours pas pu ouvrir mon ordinateur, je profite de ce temps qu’il me reste pour checker les mails envoyés par Hugo. Il y en a deux.

Le premier date d’hier me donnant les coordonnées de Laurent et de son agent, première personne à contacter en cas de besoin. Se trouve également les caractéristiques de l'hôtel où nous séjournerons. À en voir les photos en pièces jointes, il a l’air luxueux et ferait rêver n’importe qui avec ses trois piscines, son spa privé avec sauna et jacuzzi, ses chambres spacieuses et pas moins de quatre restaurants différents pour parer à toutes envies du jour et de la nuit. J’apprends que toute l’équipe a droit à un forfait tout compris. Hugo m’avait vite fait expliquer que je n'aurais rien à payer de ma poche, mais j’étais loin d'imaginer que je serais aussi bien lotie.

Le dernier message, envoyé également dans la soirée, est une succession de recommandations données par Laurent. La joyeuse effervescence ressentie il y a encore quelques secondes, redescend vite. Je vais devoir me soumettre au thème du séjour, thème que nous découvrirons lors du dîner donné ce soir.

L’autre concernant la tenue vestimentaire classe à avoir lors de nos déplacements. Merde! J’ai rien prévu pour ça! Pas étonnant que le boss ait été énervé en me voyant débarquer avec mon jean et mon sweat. J’ai intérêt à trouver une boutique pour remédier à cette faute si je ne veux pas passer mon séjour à recevoir ses remontrances.

Au moment de sortir de l’avion, Sam se propose de me laisser passer devant lui, mais le sourire suspect qu’il affiche me fait refuser et le remettre à sa place.

— Merci, mais si c’est pour que vous puissiez mater mon cul comme votre collègue, je préfère vous laisser passer devant.

Il rit en haussant les épaules et m'offre la vue sur son fessier musclé.