Fyctia

Pour une fois, je ne regarde pas avec dégoût le ridicule sapin qui trône dans la pièce, puisque je n’y prête même pas attention, trop absorbée par le message que je rédige à ma mère pour la prévenir.

• Coucou, je viens d’avoir une promotion pour l’écriture d’un super article, c’est une opportunité en or. Le hic, c’est que je décolle demain et ne serait de retour qu’après Noël. J’espère que tu ne m’en voudra pas. Je t’appelle plus tard, bisous je t’aime.

Je pourrais lui passer un coup de fil et j’en ai bien l’intention, mais à cette heure-ci, elle fait classe à ses élèves de maternelle et ne pourra pas me répondre donc à quoi bon? Je sais qu’elle ne m’en tiendra pas rigueur car elle sait que j’attends ce moment depuis longtemps. Nous sommes très proches, merci à l’abandon de mon père quand j’étais enfant, et nous déjeunons ensemble au moins une fois par semaine. Elle vit en banlieue, dans le même pavillon qui m’a vu naître et grandir. Elle n’a pas souhaité le quitter, même quand j’ai quitté le nid, pour vivre dans la capitale et y faire mes études supérieures. Sa réponse ne tarde pas à arriver.

• Coucou ma puce! Je suis dans le dortoir, on s'appelle ce soir, je t'aime.

Malgré l’humidité et le froid du mois de décembre, je décide de me rendre à pied à l’agence immobilière de ma meilleure amie avant de rentrer chez nous afin de lui annoncer la bonne nouvelle. Car, oui, à 25 ans, Orlane a déjà sa propre agence. Elle se trouve à mi-chemin entre les bureaux du journal et notre appartement que nous partageons depuis bientôt cinq ans. Située à deux pas de la Sorbonne, près du jardin des plantes, il me suffira de le traverser pour rejoindre notre magnifique trois pièces.

Lorsqu’elle me voit à travers la porte vitrée, elle s’excuse auprès d’un jeune homme et me m’invite dans la salle de pause aménagée derrière son bureau.

— June, tout va bien?

— N’ais-je pas le droit de venir ma meilleure amie?

— En pleine après-midi, alors que tu es censé être au journal, c’est assez étrange!

— Bah sympa, caches ta joie!

— Oh, fais pas ta drama, tu sais que je suis toujours ravie de te voir ici! Alors que se passe-t-il? Oh, non ils ne t’ont pas viré quand même?

— Hein, non pourquoi ils feraient ça? Non, j’ai, justement une bonne nouvelle.

— Ohhh, ils t’ont enfin confié un sujet plus intéressant?

Je hoche la tête frénétiquement et ne peux m’empêcher de sautiller sur place comme une gamine en lui annonçant.

— June, wouah c’est une sacrée nouvelle, c’est super, je suis super contente pour toi, tu le mérites. Écoute, je finis avec mon client et attend que Charles revienne de ses visites, puis je te rejoins à l’appart et on va fêter ça!

— Tu ne rates jamais l’occasion de faire la fête toi, c’est pas possible, je rigole. Mais je me lève tôt demain donc je ne compte pas sortir ce soir, je dois déjà me battre avec ma valise.

— Non mais chérie, Cancùn, tu n’as pas besoin de grand chose à part de la remplir de maillot de bain, s'esclaffe-t-elle en quittant la pièce, on voit ça tout à l’heure.

Sa silhouette élancée dans son élégant tailleur crème, qui doit certainement valoir un mois de salaire, rejoint le bureau où l’attend son client. Ses longs cheveux bruns dansent dans son dos au rythme de sa démarche assurée. Elle a cette prestance et cette assurance que j’envie parfois.

Debout devant mon dressing, je reste figée sans savoir quoi mettre dans ma valise. Après avoir passé près d’une heure à chercher mon passeport, je me suis décidée à faire mes bagages. Enfin, mon bagage, car je ne pense pas prendre grand chose. Quelques tenues légères, les deux seuls maillots de bain que je possède ainsi qu’un jean et un sweat qui eux, seront ma tenue pour le voyage. Je sais que la clim dans un avion peut être parfois trop forte, pour en avoir, un jour fait les frais. J’avais passé les deux de vol qui me menaient en Grèce, à grelotter. J’y ajoute une paire de tong, mes sandales compensées, et ma trousse de toilette, sans oublier une petite robe noire, sur les conseils de la spécialiste, juste au cas où ! Même avec tout ça, ma valise est ridiculement peu remplie et je ris de moi-même et de ma négligence en matière de mode. Un comble alors que je m'apprête à passer dix jours auprès d’un créateur de mode.

Si ça avait été ma colocataire, il aurait fallu trois valises, dont une pour toutes ses paires de chaussures. Elle ne sait pas voyager léger, contrairement à moi qui n’importe que le minimum.

Alors que j’enchaine mon quatrième mojito, à moins que ça ne soit le cinquième, j’écoute mon amie s'interroger sur la prochaine collection du célèbre créateur que je vais devoir suivre. Elle a réussi à me convaincre de la suivre au bar qui se trouve en bas de notre rue. Nous y sommes tous les week-end ou presque et connaissons bien le patron.

— J’te jure June, Laurent De Yves est une légende dans le milieu de la mode ! Je suis jalouse car je me demande trop quel va être le thème de sa prochaine collection. Tu savais qu’une année, pour Halloween, il avait étonné tout le monde. Le défilé était fou et carrément osé même!

Ça ne m'étonne même pas qu’elle ait pu un jour assister à ce genre d'événement. Elle fait partie d’une famille très riche qui côtoie souvent les célébrités. Ses parents ont fait fortune dans l’immobilier de luxe et voyagent désormais à travers le monde pour dégoter les meilleurs biens pour leurs riches clients. Leur fille unique les a surpris quand elle a voulu se spécialiser dans l’immobilier pour les jeunes étudiants mais son pari à été concluant, car aujourd’hui, tous les jeunes de la capitales passent par son agence pour trouver un logement étudiant ou une colocation.

— Je t’enverrai des photos !

— T’as plutôt intérêt, sinon tu peux direct oublier mon amitié, exagère-t-elle.

— Imagine, cette année, le thème c’est Noël?!

— Beurk ! Non pitié ne me porte pas la poisse, je m’insurge en mimant un doigt le dégoût avec un doigt dans ma bouche. À Cancun, il doit plutôt s’agir d’une collection pour l’été prochain.

— Tu es tellement novice en matière de mode, chérie !

Mais, elle n’a pas le loisir de continuer son laïus car l’homme qui la dévisage depuis que nous sommes entrées dans le bar, se décide enfin à venir lui parler. Ses yeux bleus se portent sur lui pour le jauger de plus près et je vois son sourire s'afficher sur ses lèvres, signe qu'il est à son goût.

Comme nous ne sommes vraiment pas loin de notre appartement, deux minutes, portes à portes, quand nous ne sommes pas trop pompettes pour marcher à une allure normale, je décide de rentrer me coucher, ayant déjà trop abusée de la boisson.

L’air froid me fouette le visage, Je resserre mon manteau près de mon cou, il ne manquerait plus que je sois malade pour mon voyage!