Fyctia

New York, Appartement d’Adelie, février deux ans plus tôt

- Allez Delilah ! S’il te plait !!!

- Non Benn, ça dure des heures et il n’y a que toi qui y prends plaisir, donc non !

- Mais s’il te plait. J’en ai tellement envie, et je sais que toi aussi, tu en as envie, même si tu prétends le contraire.

- Non, ça veut dire non, abruti. Ça ne veut pas dire oui, peut-être, si tu insistes un peu, je pourrais céder. C’est la base Bennett, la base !

- Ça, c'est valable pour le sexe, pas pour les papouilles non ? S'il te plait ma beauté !

Avouez que vous pensiez qu’on parlait de tout autre chose, bande de coquins !

Adelie roule des yeux avec force, mais je sais qu’elle va céder. Elle cède toujours. Nous sommes affalés sur son canapé et sur le point de regarder un film.

C’est la première fois qu’elle m’invite dans son appartement. D’habitude nous répétons à la fac ou à la coloc, mais depuis qu’Isabelle et Adrian ont officialisé leur relation, il est devenu risqué de se rendre chez moi.

C’est donc tout naturellement qu’elle m’a proposé d’aller répéter chez elle. Autant vous dire que j’étais carrément impatient de découvrir le lieu de vie de ma meilleure amie. Ce qui ne lui a pas échappé.

- Je te préviens Benn, on va chez moi pour bosser. Pas pour que tu furètes partout en mettant ton nez dans mes affaires, c’est clair ?

Évidemment, j’ai fureté partout et mis mon nez dans ses affaires à peine le pas de la porte passé.

Adelie et Isabelle possèdent une imposante collection de livres, de bougies parfumées et de photos d’elle et Samuel à tous les âges. Adelie a d'abord tenté de m’empêcher de toucher à tout, puis elle s’est adossée au mur en râlant le temps que je finisse.

Ensuite, on s’est mis au travail. Nous avons répété pendant trois heures non-stop, jusqu’à ce que mes yeux et mes doigts me brulent et que je demande grâce.

- Tu dois t’en aller tout de suite ? demande Adelie alors que je range ma guitare.

- Tu as envie que je reste ma beauté ?

Comme environ douze fois par jour, ses joues virent à l’écarlate. Elle évite mon regard et répond à ma question d’un haussement d’épaules.

- Je me disais qu’on pourrait peut-être commander à diner.

Chaque fois qu’Adelie baisse sa garde avec moi, chaque fois qu’elle fait quelque chose qui prouve que nous nous sommes rapprochés, mon cœur fond un peu plus. Autant dire qu’aujourd’hui, il est totalement chamallow.

Je résiste à l’envie de l’écraser dans un câlin et de couvrir son visage de baisers. Je parviens même à contrôler le sourire qui menace de dépasser de ma tête. Les yeux d’Adelie me défient de me moquer d’elle.

- J’adorerais ça, ma beauté.

Son sourire est timide, mais sincère et n’y tenant plus, je l’attire à moi. Il lui faut comme toujours quelques secondes avant de me rendre mon étreinte, mais finalement ses bras se referment autour de ma taille.

Après avoir diné et réussi à nous mettre d’accord sur un film, nous nous installons dans le salon. Ce qui nous ramène à l'instant présent, et à ma demande de papouilles. Adelie m’adresse un regard noir, mais se cale dans le canapé et tapote la place à côté d’elle dans une sorte d’invitation à la rejoindre.

- Viens ici, boulet.

- Yes ! Une nouvelle victoire pour Bennett Lowell, l’homme au charme si puissant que personne ne lui refuse jamais rien, surtout pas sa meilleure amie qui…

Le regard laser d’Adelie me coupe dans mon élan.

- D’accord, je la ferme et je m’installe. Laisse-moi juste enlever mes lentilles.

Mes yeux me brulent depuis un bon moment, et si je ne les retire pas rapidement, je serais incapable de les remettre demain.

- Quoi !? Attends, tu portes des lentilles et je ne le découvre que maintenant ? Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Tu me bassines depuis des jours pour que j'admette que tu es mon meilleur pote, et je ne suis pas au courant d’une information si importante !?

- Les meilleurs amis ne sont pas obligés de tout se dire, tu sais, je rétorque en faisant tomber une goutte de collyre dans chacun de mes yeux.

- Euh… bien sûr que oui ! Isa est ma meilleure amie et je connais absolument tous ses secrets, même les plus sombres.

- Est-ce que ça veut dire que tu vas me raconter tes secrets les plus intimes, Delilah ? je susurre en approchant mon visage du sien.

Elle va pour me repousser, mais se fige quand nos prunelles se rencontrent.

- Attends mais… tes yeux sont…

- Bizarres ? Flippants ? Monstrueux ? Je sais, c’est pour ça que je porte des lentilles, je lâche en me laissant tomber sur le canapé, la tête sur ses cuisses et les paupières closes.

Je n’ai pas envie d’affronter son regard et d’y lire du dégoût.

- Quoi ? Non, ils sont incroyables ! Montre-moi à nouveau.

Quelque chose me pousse à rouvrir les yeux pour lui laisser voir mes iris, l’une aussi grise qu’un ciel d’orage, l’autre marron foncé.

- C’est extraordinaire ! Pourquoi tu les caches ? Tu ferais un tabac auprès des filles avec ça. Enfin, encore plus que d’habitude.

- Les filles n’ont pas été particulièrement fans, jusqu’ici.

- Comment ça ?

- Tu vas avoir du mal à le croire, mais je n’ai pas toujours été ce sublime homme plein de charme et de confiance que tu as devant toi. Enfant, j’étais plutôt maigrichon et les autres m’appelaient le mutant. Je me consolais en me disant que j’étais sûrement un X-Men et qu’ils s’en mordraient les doigts le jour où le professeur X viendrait me chercher dans le Quinn jet.

Mon père avait les yeux vairons, c’est une des rares choses qu’il m’a laissées en partant, quand j’avais quatre ans. Une différence que j’ai détestée jusqu’à ce que j’entre au lycée et découvre les lentilles teintantes, et le pouvoir d’une guitare sur la gent féminine. Depuis, je les porte tout le temps, même au lit avec une fille.

Les mains d’Adelie se referment sur mes joues et dans ses yeux brille une lueur de colère. Mais elle ne semble pas dirigée contre moi, mais plutôt pour moi.

- Écoute-moi bien, Bennett Lowell, parce que je ne le répéterais pas : tu es beau ! Avec ou sans lentilles, tu es beau. Et je ne laisserais personne te faire croire le contraire.

Un instant, nous nous fixons sans rien dire et je ressens tellement d’amour pour cette fille si dure à apprivoiser mais si loyale une fois qu’elle vous a choisi, que je ne sais pas comment l’exprimer. Alors je fais ce que je sais faire de mieux, je botte en touche.

- Oh Delilah, tu admets enfin que tu n’es pas insensible à mon charme. C’est adorable ma beauté, même si je ne suis pas surpris. Tu n’es pas la première à être envoutée par mon incroyable plastique et… aïe !

Je me frotte le front là où Adelie vient de me mettre une pichenette.

- Ferme-la petit crétin où tu te feras des papouilles tout seul.