Fyctia
13
New York, IHOP, 7 décembre
Adelie sourit au souvenir du jour où j’ai rencontré Isabelle, et un nouveau silence s’installe entre nous.
Sa main est posée à plat sur la table. Je m’en saisis pour y mêler mes doigts. J’ai toujours eu envie, besoin, de la toucher, mais ce soir, c'est presque pathologique. Comme elle me laisse faire, je m’aventure un peu plus loin dans l’exploration de nos nouvelles limites en lui caressant l’intérieur du poignet du bout du pouce, comme je l’ai déjà fait tant de fois. Une flamme s’allume dans ses yeux, et la signification de ce geste me revient brusquement en mémoire.
Nous nous fixons avec intensité. Conscient de l’effet que ça sur elle, je recommence comme si je ne savais pas pertinent ce que je suis en train de faire, comme si j’avais oublié. Mais un regard sur mon visage et le sourire que je peine à ravaler lui suffit pour savoir que je bluffe.
- Est-ce que tu es encore en train d’essayer de me faire rougir ? demande une Adelie aux joues écarlates.
Un jappement de rire m’échappe et aussitôt, elle retire sa main, boudeuse.
- Tu n’es vraiment pas drôle.
- Je suis hilarant ! Ce n’est pas ma faute si tu rougis aussi facilement.
Elle m’assassine un instant du regard, puis elle glisse le long de la banquette et se lève.
- Qu’est-ce que tu… Tu t’en vas ?! Attends Delie, s’il te plaît non ! Je suis désolé, je voulais juste te taquiner. Tu sais combien je peux être lourd quand je veux. Mais je vais bien me tenir, tu vas voir. Je serais sage et je garderais mes mains pour moi, promis !
Elle me fixe, incrédule. Puis, elle éclate de rire.
- Oh Benn ! Tu verrais ta tête. Je ne m’en vais pas.
- Mais tu t’es levée et je…
- Tu crois qu’il suffirait d’un de tes petits jeux tordus pour me faire fuir ? Aller Benn, tu me connais mieux que ça. Je vais juste aux toilettes, espèce de cinglé !
Une nouvelle fois, le soulagement me fait chanceler. L’idée que cette nuit se finisse sans que j'aie pu réparer ce qui s'est brisé me terrifie. Avant que j’ai pu m’en empêcher, je suis debout et je la serre de toutes mes forces contre moi. Comme toujours en cas de câlin imprévu, Adelie se raidit.
- On n'avait pas dit que tu prévenais avant de faire ça, marmonne-t-elle, la joue écrasée contre mon sweat.
Mais ses bras se referment autour de moi et me caressent tendrement le dos.
- Détends-toi, je t’ai accordé une nuit et je n’ai qu’une parole.
Je m’autorise juste une seconde à enfouir le nez dans ses cheveux et à respirer son odeur si particulière. Qui sait quand elle me laissera à nouveau l’enlacer. Puis, je dépose un baiser sur le sommet de son crâne.
- Merci Delilah. Tu n’imagines pas combien ça compte pour moi.
- J’ai une vague idée, taquine-t-elle avant de me repousser gentiment. Maintenant relâche-moi avant que je fasse pipi sur tes chaussures.
Je la serre encore une seconde, juste un peu plus fort, pour le plaisir de l’entendre glousser. Puis je la libère. Elle s’éloigne, yeux au ciel, mais sourire aux lèvres. C’est si naturel entre nous, ça revient si vite que je pourrais presque croire que la partie est déjà remportée. Puis, je me rappelle que je joue avec Adelie, contre Adelie peut-être, et qu’avec elle, rien n’est jamais simple ou gagné d’avance.
Nos assiettes sont vides et nos ventres pleins, je décide donc d’aller régler la note. Et évidemment, elle râle quand elle me rejoint et découvre que je ne l’ai pas attendue pour payer.
- Arrête ça ! J’ai largement les moyens de t’inviter à dîner et tu le sais.
Je l’agace, je l’insupporte, je la rends folle. Elle n’a pas besoin de le dire, je sais qu’elle le pense, son corps parle pour elle.
- Évidemment ! J’avais oublié que tu touches un salaire de rock star maintenant, siffle-t-elle en enfilant son manteau.
Puis, elle plisse les yeux et pointe un index vers moi.
- Ce n’est pas un rencard.
Elle me rend fou, parce qu’en colère, elle est plus sexy que jamais. Mais je ne veux pas me disputer avec elle, pas ce soir. Ou du moins, pas tant que je ne peux pas me réconcilier avec elle sur l’oreiller ensuite.
Alors j’use d’un de ses petits gestes qui jalonnent et rythment notre relation depuis trois ans. Un de ceux que j’ai souvent utilisés pour désamorcer sa colère, un de ceux qui sont de la triche, selon elle. Je me penche et je dépose un baiser sur le bout de son nez constellé de taches de rousseur.
- Bien sûr que si, c’est un rencard Delilah.
Elle ouvre la bouche, mais aucun son n’en sort. Ah, le doux bruit de la victoire ! Sa colère fond aussi vite que le rouge lui remonte aux joues, les teintant d’un rose délicieux qui me donne envie de la dévorer de baisers.
Je me retiens, de peur de trop abusé des limites d’Adelie Hewitt, et à la place, je fais glisser une mèche de cheveux derrière son oreille, avant de caresser sa pommette du pouce. Elle appuie un instant sa tête sur ma main, cherchant un contact plus franc.
Plus que le sexe, plus que les joutes verbales, ce qui m’a manqué par-dessus tout au cours des six derniers moi, c'est ça : la tendresse et la complicité de notre relation qui s’expriment dans ces gestes infimes qui n’ont de signification que pour nous.
- Est-ce que je ne t’avais pas offert de quoi résoudre ce problème d’afflux sanguin ?
Je suis sur le point d’être submergé par l’émotion. Et comme à chaque fois que c’est le cas, je lâche une vanne pour tenter de reprendre le contrôle. Adelie réfléchit, cherche puis trouve. Et l’index menaçant fait son grand retour.
- J’espère pour toi que tu ne parles pas de ton cadeau débile de Secret Santa !
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Jodie P.M
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