Fyctia
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New York, Juilliard, novembre trois ans plus tôt
Depuis l’entrée de la salle, je vois Adelie attraper son téléphone, lire mon texto et lever les yeux au ciel avant de le reposer écran vers la table. Mais elle sourit et comme toujours quand je réussis cette prouesse, mon cœur entame une petite danse dans ma poitrine.
- Un jour, tu répondras à mes textos, ma beauté.
- Un jour, tu te lasseras de m’envoyer ce genre de message. Et de m’appeler ma beauté aussi, réplique-t-elle sans même lever les yeux de ses notes.
Adelie est en première année et moi en troisième, nous ne sommes techniquement pas censés avoir d’heures en commun. Exception faite du cours de Kane, le module le plus prisé de la section musique de Juilliard.
Au sein de l’école qui forme les rock stars de demain, le professeur Kane est la rock star suprême. Il est difficile d'imaginer que derrière son pantalon en velours, sa veste en tweed et ses lunettes rondes se cache un musicien qui a joué avec les plus célèbres chanteurs, sur les plus grandes scènes du monde. Et pourtant. Son cours d’écriture et de composition musicale est normalement réservé aux troisième et quatrième année, mais tous les ans, il offre quelques places à des étudiants de première et deuxième année triés sur le volet. Adrian, Samuel et moi avons été de ceux-là. Et Adelie, à son tour, a passé les sélections avec brio, de même que le type dont elle est toujours flanquée dans les couloirs, un géant à la carrure de basketteur et aux airs de gosse. La place au premier rang, juste à côté de la sienne, est vide. Preuve qu’elle l’attend.
Habituellement, j’évite de m’asseoir trop près du prof, mais aujourd’hui, je ne résiste pas à l’envie de m’installer à côté d’elle.
- Cette place est réservée.
- Désolé Hewitt, mais ton petit copain va devoir s’asseoir ailleurs. Et toi, tu vas pouvoir profiter de mon incroyable visage pendant toute une heure, quelle chance tu as !
- Je supporte déjà suffisamment ta tronche au boulot, merci bien.
Mais elle capitule rapidement en voyant que je n’ai aucune intention de bouger et adresse une grimace d’excuse à son pote qui vient d’entrer dans la salle. Il lui répond d’un sourire et d’un haussement d’épaules, puis s’installe un peu plus loin. Voilà, bon débarras !
Mon karma me rattrape immédiatement. Samuel et Adrian entrent à leur tour dans la pièce et quelques secondes plus tard, ils sont devant nous. Samuel se penche pour déposer un baiser sur le front de sa sœur.
- Bonjour mon trésor ! Benn, tu es drôlement studieux aujourd’hui !
- Ferme-là !
- Samy a raison ! Qu’est-ce que c’est que cette envie soudaine de s’asseoir au premier rang ?
- Peut-être que c’est lié à mon envie soudaine de moins voir vos têtes de cul ?
- Ça doit être ça, oui ! Salut Hewitt.
- Salut Adrian.
Évidemment, Adelie adore Adrian. Tout le monde aime Adrian de toute façon. Adrian, avec ses cheveux blonds rasés sur le côté et plus longs sur le dessus, son aura de fils de bonne famille new-yorkaise cool et un brin rebelle. Adrian, qui derrière ses airs de joyeux fêtard et son assurance calculée, cache en réalité des failles et une tristesse profondément ancrée en lui.
Samuel est le plus calme de notre trio, celui qui tempère nos idées les plus folles et se laisse parfois entraîner dans nos bêtises. Au cours des deux dernières années, nous sommes parvenus à le convaincre qu’il n’y avait rien de mal à s’amuser et à sortir. Adrian est notre capital tendance, pur produit de New York, il connait tous les lieux les plus branchés et les moins touristiques pour faire la fête. Mais Samuel et moi veillons également à ce que ses idées noires et sa fâcheuse tendance à la mélancolie ne le bouffent pas trop. Je n’avais jamais pris conscience de ce qu’avoir de vrais amis voulait dire jusqu’à ce que je les rencontre.
Si entrer à Juilliard était déjà génial en soi, arpenter les couloirs en compagnie de mes deux meilleurs amis s’est très vite révélé jubilatoire. Sans prétention aucune, nous avons conscience de nos physiques avantageux et nos camarades de promo se sont rapidement mis à nous appeler « le trio terrible ». Pour rire, nous prétendons que notre aura sulfureuse marquera l’histoire de l’école. Nous ne nous prenons pas au sérieux, sauf lorsqu’il est question de musique, et nous tentons de profiter au maximum des quatre années d’apprentissage et de fête qui s’offrent à nous. Du moins, Adrian et moi. Samuel s’est calmé sur la fête depuis qu’il s’est casé avec ma sœur. Et si Elena s’est tout de suite parfaitement intégrée à notre groupe, il semblerait qu’Adelie soit en bonne voie pour faire pareil.
- Est-ce que ce crétin t’embête, Hewitt ? Est-ce que tu veux que je lui botte le cul ? demande Adrian.
- Je pense que je suis capable de lui botter le cul toute seule, mais merci de la proposition.
- Tu cherches une excuse pour toucher mes fesses, ma beauté ?! Il suffit de demander, tu sais.
Adelie mime un haut-le-cœur et mes deux meilleurs amis s’esclaffent.
- Messieurs Hewitt et Lancaster, ayez la bonté de vous trouver un siège pour que je puisse commencer, retentit une voix avant qu’Adelie n'ait pu répliquer.
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