AnnaShaw One Night Only 8

8

New York, dans le métro express direction Dowtown, 7 décembre


- Des pancakes alors ?


Adelie m’adresse un sourire timide, presque rouillé. Les petits déjeuners de minuit, l’une de nos habitudes préférées !


- Le IHOP de la 14th ?

- Tu oses poser la question ?

- Par contre, on prend le métro, je te préviens !


Les premières semaines de sa vie à New York, Adelie a catégoriquement refusé de prendre le métro, préférant à quelques minutes de trajet souterrain parfois plus d’une heure de marche. Elle a donc battu le pavé de Manhattan pendant près d’un mois, sous prétexte que la ville était bien trop belle et fascinante pour qu’elle s’enferme sous terre. « C’est à la surface que les petits miracles de la vie se produisent », répondait-elle à toutes nos interrogations concernant son allergie aux transports en commun.


Elle a fini par avouer que sa fascination pour New York n’était pas la seule raison qui la poussait à ne pas se risquer dans le métro. Adelie était tétanisée à l’idée de se perdre ou de partir dans le mauvais sens, mais désormais, après une grande entreprise de désensibilisation, elle maîtrise le sujet comme une pro, en vraie new-yorkaise qu’elle est devenue.


Quand nous nous engouffrons dans la station, la chaleur qui y règne été comme hiver réveille mon visage engourdi par le froid.


- À quoi tu penses ? me demande Adelie, m’arrachant à mes souvenirs.

- À notre premier cap ou pas cap.


Un mélange d’émotions contradictoires se peint sur ses traits : tendresse, mélancolie, tristesse. Puis elle secoue la tête comme si elle cherchait à chasser un souvenir.


- Ce jeu était complètement idiot, râle-t-elle, pas réellement fâchée.


Ce jeu nous a permis d’échanger notre premier baiser !


Je m’abstiens de lui rappeler ça, il est encore trop tôt pour évoquer cette partie de notre histoire.


Si la rame que nous choisissons n’est pas bondée, il n’y a malgré tout aucun siège libre, le métro n’est jamais vide ici. Mais nous avons assez d’espace pour nous tenir debout sans nous coller, à mon plus grand regret. J’aurais aimé avoir une excuse pour approcher mon corps du sien. Au lieu de quoi, je l’observe : son bonnet vert d’où s’échappent quelques mèches, son nez parsemé de taches de rousseur rosi par le froid, ses joues rouges.


- Quoi ? demande-t-elle quand elle s’aperçoit que je la fixe.


Tu es si belle ! Tu m’as manqué si fort. Cap ou pas de me laisser t’embrasser, de me laisser te prendre dans mes bras, de me laisser t’aimer encore ? Cap ou pas cap de m’aimer à nouveau ?


La vague de touristes qui monte sur la 42ème m’évite d’avoir à répondre et exhausse en même temps mon voeux. La foule nous pousse vers le fond du wagon et empêche Adelie de se tenir à quoi que ce soit. Aussi, quand le train redémarre et qu'un à-coup manque de lui faire perdre l’équilibre, je la saisis par le coude et enroule un bras autour de sa taille.


Nous avons fait ces gestes tant de fois par le passé que, tout naturellement, elle glisse ses bras autour de mon torse et se blottie contre moi.


Brusquement, je me fous des pancakes, de la nuit, de tout ce dont nous devons discuter. Je voudrais que ce métro ne s’arrête jamais pour pouvoir la garder là pour toujours. Mais il ralentit de nouveau et bientôt, il est temps de descendre.


La chaleur du corps d’Adelie s’attarde alors que nous émergeons dans les rues glaciales et que le froid me mord le visage. Le restaurant est presque vide quand nous y entrons : quelques insomniaques assis devant leurs ordinateurs, un groupe de jeunes qui semblent reprendre des forces avant une nuit de fête… Nous passons commande, puis nous installons un peu à l’écart des autres et Adelie retire son bonnet.


- C’est nouveau ça !


Je l’ai toujours connue avec les cheveux longs, une cascade de boucles blondes qui lui caressaient le haut des fesses, s’étalaient sur les draps et qu’elle semait un peu partout sur son chemin. Mais dorénavant, ils dansent juste au-dessus de ses épaules. Épaules qu’elle hausse, dans un geste faussement nonchalant.


- J’avais besoin de changement après…


Elle ne finit pas… pas besoin. Après mon départ, après moi, après que j’ai passé deux ans à vénérer et à jouer avec ses cheveux de déesse. Sans que je puisse la retenir, ma main se tend vers sa nouvelle coupe. J’enroule une boucle autour de mon doigt et tire dessus doucement, comme je l’ai fait des dizaines de fois pour l’embêter, attirer son attention, ou pour d’autres raisons liées à elle et moi nus dans un lit. Et auxquelles je préfère ne pas penser pour l’instant.


- Ça te va bien, ma beauté !


Ma main quitte ses cheveux et s’égare sur sa joue brûlante. Sous mes doigts, je devine sa cicatrice. Certaines choses ne changent pas. Cette cicatrice en est la preuve tangible : en forme de croissant de lune, elle orne le côté gauche de son visage, de sa tempe au haut de sa pommette. Une cicatrice qui fait partie intégrante de notre relation et que je l’ai vue justifier de dizaines d’histoires différentes. Un autre jeu entre nous.


La voix de la serveuse qui arrive avec nos plats me ramène brutalement à la réalité et je me rends compte que je la fixe depuis un peu trop longtemps. Je retire précipitamment ma main et me détourne. Il va falloir que je contrôle mon besoin urgent de l’embrasser avant que ça ne tourne à l’obsession.


Un nouveau silence s’installe entre nous, seulement entrecoupé du bruit de nos couverts sur les assiettes. Mais celui-ci est différent, moins gêné, plus apaisé. J’en profite pour dévorer la nouvelle Adelie du regard. Au cours des derniers mois, j’ai traqué les rares apparitions de son visage sur les réseaux sociaux, mais aucune photo ne rend justice à sa beauté.


- Mange, ça va être froid.


Elle a les joues rouges, comme toujours quand elle est mal à l’aise. Mais un petit sourire étire sa belle bouche. J’enfourne une première bouchée de mon plat et un gémissement de plaisir m’échappe. J’adore ces pancakes !


- Tu ne veux pas faire encore plus de bruit ? Je ne suis pas sûre qu’ils t’aient entendu en cuisine.


Oh Adelie ! Tu devrais savoir qu’il ne faut pas me tenter comme ça, ma beauté... Par pure provocation, je recommence à gémir, de plus en plus fort. On pourrait presque croire un remake de Quand Harry rencontre Sally. Adelie me fusille du regard et me siffle à voix basse de la fermer. Tout le monde nous regarde à présent et mon nouveau grognement de plaisir s’étrangle dans ma gorge quand elle me colle un coup de pied dans le tibia.


- Il faut toujours que tu nous fasses remarquer, gronde-t-elle, furieuse.

- C’est faux ! Je ne nous fais pas toujours remarquer !

- Ah oui ? Tu veux que je te rappelle cette fois où tu as fait semblant de me demander en mariage au restau ?

- On a eu un repas gratuit ! Et tout le monde était content pour nous.

- Et la fois où tu es venu me chercher à l’aéroport avec une pancarte : félicitation pour ta sortie de prison ?


Son regard noir m’empêche de laisser libre cours à mon hilarité.


- Sans parler de cette fois, au cours de Kane…

Tu as aimé ce chapitre ?

42

42 commentaires

Jodie P.M

-

Il y a un an

C'est chouette de voir qu'il reste pas mal de complicité entre eux, et j'aime beaucoup le fait que pour une fois, c'est le garçon qui s'accroche pour ne pas perdre la fille ! Adelie a l'air à la fois assez réservée mais bien différente lorsqu'elle est avec Bennett, un petit côté plus extraverti juste parfait pour contrebalancer l'image que l'on se fait d'elle !

Rose Lb

-

Il y a un an

les anecdotes sont excellentes, bon lui je l'adore; elle, désolée, elle m'agace parfois mais cela prouve que tes persos sont très bien construits pour me faire réagir et prendre parti

Laureline Maumelat

-

Il y a un an

j'adore le jeu des souvenirs. On sent qu'ils avaient une très belle relation, on sent l'intimité et leurs trucs à eux, ce que seul un couple uni peut partager. Qu'est-ce que Bennett au pu bien faire pour tout gâcher ?

Poppy Sloan

-

Il y a un an

Tout au long du chapitre j'avais envie de crier "Mais embrassez vous !" mais j'aime le fait qu'ils prennent leur temps. Ce rapprochement quand Adelie se blottit contre lui a fait fondre mon petit cœur. Et que dire de cette réf à Quand Harry rencontre Sally? Tout simplement du génie 🥰

Laura Felibre

-

Il y a un an

Le IHOP de la 14th forever.

Delphine Clever

-

Il y a un an

Petit bilan de mon ressenti, mon binôme de la semaine : Ton écriture est vraiment belle. Elle crée des émotions intenses, nous emporte dans des sentiments forts : nostalgie, tendresse, amour, amusement, agacement. Tu es très douée pour cela. Je regrette simplement que ces émotions soient aussi fortes quand il s'agit du tourment. Je le ressens autant que le reste et ce n'est pas quelque chose d'agréable (je suis trop sensible !). En tout cas, Bennett (puisque c'est bien lui qui provoque ces nœuds dans mon estomac) reste un personnage vraiment intéressant, peu commun. Il est sensible et en même temps pas assez (je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire. C'est comme s'il manquait d'empathie). Je ne sais pas encore si je l'aime, en fait. Le peu que l'on perçoit d'Adélie est touchant. J'espère que l'on aura aussi son point de vue et que l'on saura comment elle voit Bennett. Cela apaisera peut-être ma peine. Enfin, j'adore l'image de ta story, elle rajoute cette impression de tendresse qui émane de tes héros. Je la regarde souvent ;-)

Delphine Clever

-

Il y a un an

Je te souhaite également le meilleur pour la suite de ce concours 🙂

Justine B

-

Il y a un an

Tu développes si bien leur relation passée autant dans les flash-back que dans le présent. Si tu vas pas en finale je ne comprendrais pas 😭 ils sont trop attachants ♡

MorganeP33

-

Il y a un an

🖤

Christelle Emilie

-

Il y a un an

J'adore !! Ils ont un tas d'histoires très fun à nous raconter. Vite vite la suite 🤗🤗
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.