Mauranne BP On both sides Chapitre 51

Chapitre 51

— Alix ! Alix, attends, s’il te plait ! Alix !


Swann s’époumone dans mon dos. Je ne vois rien. J’avance à l’aveugle en priant pour ne pas tomber. Je ne veux pas m’arrêter, je ne veux pas qu’il me rattrape. Je veux être seul. Et en même temps, je veux qu’il soit là. Je veux qu’il me prenne dans ses bras. Qu’il me serre si fort que mes os en craquent.


Ses jambes trop longues finissent par me rattraper. Il saisit mon bras, tire dessus pour me déstabiliser. Puis il plaque mon corps secoué de spasmes contre le sien. Et la douleur s’atténue un peu. Suffisamment pour que je parvienne à le voir à nouveau. Il est tellement beau, avec ses cheveux emmêlés et ses joues rougies d’avoir couru dans ce froid.


— Tu insistes à sortir en chaussettes, me gronde-t-il, son visage si proche du mien.


— Désolé, murmuré-je, les yeux rivés sur ses lèvres entrouvertes. Désolé, désolé, désolé…


— Eh, eh…


— Désolé, hoqueté-je.


— Arrête, Alix. Ça va, tout va bien.


— Désolé…


Ses lèvres s’écrasent sur les miennes, me coupent la respiration. Ses mains agrippent ma taille, pincent ma peau. Je m’abandonne dans ses bras réconfortants. Je ne peux pas lutter contre lui. Contre nous, contre cette alchimie.


— Je ne peux plus y retourner, articulé-je, entre deux baisers.


— Pourquoi ?


— Parce que j’ai crié sur Victoire. Je… je lui ai dit de dégager, Swann…


— Tu as fait une erreur, ça arrive.


Il se détache de moi.


— Si mon père décidait de refaire sa vie et m’imposait sa nouvelle famille, je ne sais pas comment je réagirais… C’est tout à fait compréhensible que ça te perturbe, Alix. Tu fais de ton mieux, d’accord ? Ne te flagelle pas.


Ses paumes chaudes emprisonnent mon visage. J’acquiesce lentement. C’est donc ça qu’on ressent quand on est amoureux ? Je me sens submergé, englouti, dévoré par le désir. Je me mets sur la pointe de mon pied valide et l’embrasse à nouveau, pour apaiser la douleur. Il l’accepte volontiers, comme à chaque fois. Parce qu’il possède l’une des âmes les plus généreuses et désintéressées que j’ai rencontrées. Je l’aime. Je l’aime tellement que c’en est douloureux et délicieux à la fois.


— On dirait des putains de poissons nettoyeurs, les mecs. Vous me donnez la gerbe.


Je ne l’ai pas entendue approcher, la garce. J’étais trop concentré sur les battements rapides de nos cœurs. Je me détache de Swann à contrecœur. Élie en profite pour se jeter dans mes bras.


— Ça va ?


— C’est trop dur, El… Je n’arrive pas à la regarder sans me dire qu’elle m’a volé mon père. C’est puéril et stupide, je le sais, mais je n’arrive pas à penser autrement…


— C’est humain, me corrige-t-elle. J’en veux à mort à mes parents de se séparer alors que ce n’est pas de leur faute. J’ai ce sentiment qui me déchire les entrailles, que mes parents vont moins m’aimer parce qu’ils ne vivront plus tous les deux avec moi. Alors que je sais, au fond de moi, que ça n’a pas lieu d’être. Pourtant c’est ce que je ressens. On ne peut pas combattre nos sentiments, Alix. On peut juste… faire avec.


— Mais je ne veux pas ressentir toutes ces choses, El. Je veux… je veux juste ne plus rien ressentir tout du tout. Je veux que ça s’arrête…


— Ne dis pas des choses comme ça, s’il te plait. Tu ne peux pas ne rien ressentir. Tu perdrais l’essence même de la personne extraordinaire que tu es. Le fait que tu ressentes tout ça, aussi intensément, te rend absolument magnifique. Tu es la plus belle personne que je connaisse, Alix. Et je continuerai à te le répéter jusqu’à ce que tu te le rentres dans le crâne une bonne fois pour toutes, ajoute-t-elle en me martelant le front de son index. Ta petite sœur te pardonnera bien assez vite, ne t’en fais pas. Je suis presque sûre qu’elle a déjà oublié.


Je grimace.


— Je ne suis pas prêt à entendre ça, s’il vous plait. Arrêtez de dire que c’est ma sœur.


— Crois-moi, tu préfères l’entendre de notre bouche que de la leur, répond Élie en faisant de grands gestes dans la direction de ma maison, à quelques rues d’ici. Tu t’y habitueras.


— Mais… et si je ne veux pas m’y habituer ?


— Eh bah dis à ton père que tu préfères arrêter là.


Est-ce que c’est ce que je veux ? Arrêter là ? Je baisse les yeux sur ma chaussette humide et mon plâtre marron sur le dessous. C’est dégueulasse.


— On y retourne ? intervient mon petit ami officiel en posant sa main sur mon avant-bras.


— À une condition, couiné-je. Élie, tu fais en sorte que mon père s’en aille, et après vous devez écrire des trucs sur mon plâtre. Et on regarde le Roi Lion II.


— Ça fait trois conditions ça, me corrige ma meilleure amie en levant les yeux au ciel. Et la dernière est carrément rédhibitoire. J’ai beau t’aimer de tout mon cœur, je n’en peux plus du Roi Lion ! Par contre, pour ton père, je suis carrément partante. Et pour le plâtre, j’ai déjà quelques idées… ajoute-t-elle, les yeux brillants de malice.


On se remet en route, bras dessus bras dessous.


— El. Interdit de dessiner des bites sur mon plâtre.


— Cela va sans dire. Évidemment, je n’avais pas du tout ça en tête…


— Je suis sérieux !


Swann rit doucement à côté de moi.


— Tu cautionnes ça ? lui demandé-je, faussement contrarié.


— Pas du tout ! s’écrie-t-il, faussement choqué. C’est juste que vous me faites vraiment trop rire.

Je suis jaloux.


— Je fais cet effet-là à tout le monde, répond Élie en bombant le torse. Qu’est-ce que tu veux, tout le monde envie mon charisme et mon humour.


— Mon dieu. Je me demande comment tu arrives encore à passer les portes avec cet égo surdimensionné !


— L’habitude, mon cher Alix. L’habitude.

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