Fyctia
Chapitre 52
Mon père, Tamara et Victoire sont sur le point de partir quand on revient. Tamara me sourit malgré mon attitude plus que discutable envers sa fille et la culpabilité m’enveloppe à nouveau. Même si ça me fait mal de l’avouer, elle a vraiment l’air gentille. J’aurais préféré que mon père se trouve une poule superficielle que j’aurais pu détester en toute impunité.
Victoire se jette dans les bras de Swann et glisse ses doigts dans ses longs cheveux bruns et bleus.
— Alix a dit qu’il n’était pas mon frère, pleurniche-t-elle. Pourquoi il est méchant ?
Mon cœur se ratatine dans ma poitrine. Mon charmant voisin me jette un regard en coin avant de répondre :
— Il n’est pas méchant, c’est juste difficile pour lui de découvrir qu’il a une petite sœur, lui explique-t-il en lui caressant le bas du dos. Est-ce que tu comprends ?
Elle secoue la tête en faisant la moue.
— Mmh… tu vois… par exemple, tu as des copains à l’école ?
Elle hoche la tête, tout en continuant à enrouler les pointes bleues de Swann autour de ses doigts en reniflant.
— Comment ils s’appellent ?
— Nathan, répond-elle seulement.
— Mmh… alors imagine que Nathan se fait des nouveaux copains et que du coup il passe moins de temps avec toi. Est-ce que tu aimerais ?
Elle secoue la tête.
— Eh bien, c’est pareil pour Alix. Son papa te donne de l’attention qu’il ne donne plus à ton frère. Alors, ça lui fait de la peine. Ce n’est pas contre toi, d’accord ? Il faut juste que tu lui laisses un peu de temps pour accepter qu’il doit partager son papa avec toi. Comme toi, tu devras le faire si Nathan se trouve d’autres amis.
Victoire essuie ses joues du dos de sa main et sourit.
— D’accord, répond-elle, à nouveau joyeuse.
Mon père n’a raté aucune miette du spectacle. Il se dandine d’un pied sur l’autre, mal à l’aise. Je me demande bien à quoi il pense. Swann me comprend, lui. Je n’ai même pas besoin de parler, il lit en moi comme dans un livre ouvert. C’est effrayant et rassurant à la fois. Je me sens compris, vraiment. Mon père, lui, n’a aucune idée de qui je suis, et des raisons qui me poussent à avoir ces réactions démesurées. Mais ma décision est prise. Je ne veux pas passer le reste de ma vie à regretter des choix que j’aurais formulés par peur ou par dépit.
— Papa ?
— Oui, Alix ?
Ses yeux me sondent. Il a glissé ses mains dans les poches de son jean usé. Ma mère retient son souffle. Elle a probablement compris ce que je m’apprête à faire. Même Élie a renoncé à remplir la mission que je lui avais confiée. Je m’avance, les jambes flageolantes, un nœud à l’estomac.
— Je… euh… je suis désolé pour ce que j’ai dit à Victoire tout à l’heure, bredouillé-je en regardant mon père et Tamara l’un après l’autre.
Mon père serre les mâchoires un instant puis étire un sourire gêné sans pour autant répondre quoi que ce soit. Tamara garde le silence elle aussi, mais elle me sourit plus franchement que lui et hoche la tête, comme pour me signifier « Ce n’est pas grave, tout le monde fait des erreurs ». Je jette un coup d’œil à Swann sur ma gauche qui a reposé Victoire par terre. Il m’encourage d’un signe de tête.
Je déglutis puis avance plus franchement vers mon père, qui écarquille les yeux lorsque mon corps tremblant heurte le sien et que mes bras s’enroulent autour de ses épaules. Il n’est pas très grand, lui non plus. J’ai toujours trouvé ça très cool que ma mère soit plus grande que lui. Tamara aussi le dépasse, d’une demi-tête. J’enfouis mon visage dans le creux de son cou, attendant qu’il me rende mon étreinte. Il se débat pour libérer ses bras coincés entre mon corps et le sien et les passe dans mon dos. Ce n’est pas désagréable, malgré le malaise palpable qui l’habite. Si je suis vraiment honnête avec moi-même, son odeur m’a manqué. Et ses câlins encore davantage.
— Je suis d’accord pour essayer, murmuré-je.
Depuis qu’il était revenu, il avait passé son temps à s’imposer à moi, sans se demander si j’étais prêt. Mais je veux qu’il sache que je suis d’accord, maintenant. Que j’accepte la main qu’il me tend. J’accepte de lui laisser une troisième et dernière chance. Et c’est grâce à Swann, plus qu’à mon père ou qui que ce soit d’autre. Il trouve toujours les mots qu’il faut pour me rassurer et me donner la force d’avancer. Ce qu’il a dit à Victoire m’a secoué. Il a su lui expliquer avec des mots simples ce que j’avais trop peur de formuler à voix haute.
Mon père se détache de moi en se raclant la gorge.
— Bon… euh… on va vous laisser, annonce-t-il d’une voix chevrotante. Merci, fiston…
Fiston ? Mon cœur manque un battement. Il passe son index sous son œil rouge.
— Merci pour ce repas, reprend-il en s’avançant vers la porte d’entrée.
— Tu peux remercier le restaurant surtout, ricane ma mère.
— Non mais je veux dire… que j’ai passé un bon moment en votre compagnie.
Tamara pose une main réconfortante dans son dos. Il se racle la gorge à nouveau.
— Victoire, tu viens ma puce ? On y va.
— Oh non ! s’écrie-t-elle en attrapant la main de Swann. Je veux rester, maman !
Tamara passe une main gênée dans sa nuque.
— On reviendra bientôt, mon cœur. La maman d’Alix doit aller au travail alors il faut qu’on parte, d’accord ?
— On se reverra vite, lui assure Swann d’une voix douce.
— Tu me le promets ? demande-t-elle en faisant la moue.
— Je te le promets, ricane-t-il lumineux, et mon cœur explose.
Victoire s’arrête devant ma mère, qui se penche pour se laisser embrasser la joue. Elle fait de même avec Élie, qui lui tapote le haut du crâne. Puis, elle s’avance jusqu’à moi en grimaçant légèrement et noue ses bras dans son dos.
— Est-ce que tu me pardonnes ?
Elle acquiesce vivement et se met sur la pointe des pieds. Mon cœur se ratatine dans ma poitrine. Elle mérite d’être appréciée. Je me penche et elle enroule ses bras autour de ma nuque, puis dépose un baiser mouillé sur ma joue. Je réprime une grimace. Je déteste les baisers mouillés. Je passe une main gênée dans le creux de sa colonne et lui caresse gentiment le dos, l’esprit noyé de pensées contradictoires. Puis, la famille recomposée passe la porte et le calme retombe.
1 commentaire
Francois FRATTINI
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Il y a 2 ans