Fyctia
Chapitre 47 (2/2)
Élie s’est endormie un peu après la moitié du film. Swann en a profité pour se blottir contre moi, Patrick posé sur mon ventre. Ma chambre est plongée dans l’obscurité. Ma mère ne va plus tarder à rentrer, ce qui veut dire que mon charmant voisin a très largement dépassé les limites imposées par son bourreau de père.
J’ai beau avoir vu Nos cœurs meurtris des dizaines de fois parce que ma meilleure amie est carrément accro à la romance, je pleure toujours autant devant. Swann a posé ses lèvres sur mon front quand j’ai commencé à sangloter à la scène de la baignoire. Ça peut paraître stupide parce qu’il ne se passe rien d’extraordinaire en soi. Mais à mes yeux, c’est un grand pas en avant dans leur relation plus que compliquée. Elle s’occupe de lui, et il se laisse faire. Il lâche prise, la laisse entrer, vraiment.
J’éteins mon ordinateur et le tends à Swann pour qu’il le pose par terre.
— Tu devrais peut-être rentrer…
— Je sais. Mais je ne veux pas.
— Moi non plus…
— Si tout pouvait être plus simple…
— J’aimerais tellement que tout soit plus simple pour toi, chuchoté-je en me blottissant contre son torse, une main posée sur son ventre.
Il glisse ses doigts sous le tissu de mon sweat et caresse ma hanche trop prononcée.
— Tu n’as pas pu me répondre tout à l’heure, risqué-je.
— Mmh ?
— Tu sais, après mon monologue au lycée…
— Oh. Euh…
Je déglutis.
— Il y a probablement une part de moi qui ne pourra jamais te pardonner, soupire-t-il. Mais je ne peux pas la laisser gagner. Tu t’es confié à moi et c’est ce que j’attendais de toi. En contrepartie, je t’ai offert ma part la plus sombre. Je… je suis encore partagé quant à ce que je ressens par rapport à ma… perte d’Eryn. Il était mon seul ami, Alix. Je sais que ça peut paraître stupide, puisqu’Eryn et toi ne faites qu’un, mais c’est comme si tu m’avais enlevé un être cher, tu vois ? Je ne sais pas trop si ça a du sens, ce que je raconte…
— Je comprends, le rassuré-je. J’ai perdu Griminal, moi aussi. Mais… je t’ai gagné, toi. Si c’était à refaire, je m’y prendrais autrement. Mais je préfère perdre Griminal que te perdre toi, Swann. Je… je sais que je ne suis pas facile à vivre mais je ferai de mon mieux pour ne pas te faire de mal. C’est juste que parfois, c’est vraiment difficile pour moi de confier ce que je ressens. Les gens… finissent toujours par me laisser tomber. Alors c’est dur de tout leur donner. Parce que quand ils s’en vont, ils prennent une partie de moi avec eux.
— Mais moi je n’irai nulle part, chuchote-t-il, chatouillant mon front.
— Ça, tu n’en sais rien. On ne peut jamais savoir…
Swann garde le silence. Mais ce silence n’est pas pesant, au contraire. Je ferme les yeux et me laisse aller contre son torse rassurant. Mes doigts glissent sur sa peau, dessinent les contours de son nombril, caressent le trait de poils qui part de ce dernier jusqu’à l’élastique de son boxer. Sa respiration est calme, régulière. Son ventre se gonfle d’air puis s’abaisse lentement. Tandis que sa main posée sur ma hanche se fait de plus en plus lourde, je me laisse emporter par la fatigue. Cette journée a été particulièrement riche en émotions. Et je suis vidé.
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