Mauranne BP On both sides Chapitre 41 (1/2)

Chapitre 41 (1/2)

Je ne tiens pas en place. Le temps semble tourner au ralenti, comme pour me narguer. Élie ne va plus tarder à franchir le seuil. J’enfile une veste à ma mère pendue sur le porte-manteaux à l’entrée et sors dans l’air frais de la soirée déjà bien entamée.


La fumée s’échappe de mes lèvres à demi-ouvertes. Je m’assois sur le perron. La lune est haute et les étoiles tâchent le ciel découvert. Je frictionne mes mains l’une contre l’autre pour tenter de me réchauffer.


Seul face à moi-même, mes pensées se bousculent dans ma tête. Je n’ai pas revu mon père depuis notre après-midi à la plage. Il a essayé de m’avoir au téléphone par le biais de ma mère, mais je ne suis pas prêt à l’écouter se trouver des excuses. Rien de ce qu’il pourra dire me fera me sentir moins mal, ou moins trahi.


L’espace d’un instant, j’avais espéré. Je m’étais dit qu’on pourrait peut-être réapprendre à se connaître, retrouver une complicité, père-fils cette fois. Mais ce que ma mère m’avait révélé m’avait retiré tout espoir. Mon père avait merdé, encore une fois. Et j’ignore si j’aurai la force mentale d’accepter une troisième déception. Je repousse le dossier « Papa » dans un coin de ma tête. Je ne veux plus y penser. Ça fait trop mal. Je souffle sur mes doigts endoloris.


— Je t’avais dit de ne plus sortir en chaussettes.


Je me redresse, alerte. Comment a-t-il fait pour s’approcher sans que je ne l’entende ? Et pourquoi est-ce qu’il prend la peine de m’adresser la parole alors que la dernière fois qu’on a parlé, il m’a bien fait comprendre qu’il ne voulait plus entendre parler de moi pour l’instant ?

Swann est habillé de noir de la tête aux pieds. Seul son bonnet couvert de pin's renvoie un peu de couleurs. Il est tellement beau. Mon cœur se serre dans ma poitrine.


— Euh… désolé.


— Tu t’excuses beaucoup, dit-il d’un ton sec.


Il a raison. Je m’excuse beaucoup. Parfois alors que je n’ai rien à me reprocher. C’est un mauvais réflexe. Mais le concernant, j’ai beaucoup d’excuses à fournir avant d’imaginer pouvoir retrouver notre complicité.


— Qu’est-ce que… tu fais dehors ?


— J’avais besoin de m’aérer l’esprit. J’étouffe. Je déteste les vacances. Tous les gamins adorent les vacances, mais moi…


Il referme la bouche.


— Laisse tomber, ajoute-t-il après un silence.


Swann passe sa main dans sa nuque rasée. Je voudrais que ce soit la mienne, de main. Je meurs d’envie de pouvoir le toucher à nouveau. Il me manque tellement. La chaleur de sa peau me manque. Ses baisers sucrés aussi.


Je secoue la tête pour chasser mes pensées. C’est trop douloureux. Surtout alors qu’il est à quelques mètres à peine de moi, mais que je n’ai pas le droit de le toucher. Il prend une grande inspiration. Sa poitrine se soulève, puis s’abaisse lentement.


— Comment tu te sens ?


Sa question me décontenance. Il y a tant de choses dont j’ai envie de lui parler. Mais je me contente de répondre :


— Ça va.


Il étouffe un rire jaune.


— J’aurais dû m’en douter. Je n’aurais pas dû venir te voir, c’était une erreur.


Swann tourne les talons. Je me redresse tant bien que mal à l’aide de mes béquilles malgré mon plâtre qui rend mes mouvements encore plus maladroits qu’à l’accoutumée, et me précipite à sa rencontre.


— Swann, attends !


Mon pied plâtré glisse sur la dernière marche du perron. La scène se déroule sous mes yeux, au ralenti. Le sol m’accueille à bras ouverts. Un bras glisse dans le bas de mon dos. Swann me plaque violemment contre son torse. J’en lâche mes béquilles sur le trottoir.


— Tu es vraiment irrécupérable ! s’agace-t-il en me remettant sur pieds. Tu ne peux pas faire plus attention ?


Je suis partagé entre joie immense et tristesse profonde. Nos corps se sont rencontrés à nouveau, et c’est délicieux. Mais le ton sur lequel il vient de s’adresser à moi est tellement douloureux. J’agrippe le bas de son sweat noir et serre les mâchoires pour ne pas pleurer.


— Tu as… toutes les raisons… de me détester, articulé-je tant bien que mal. Je suis vraiment désolé pour tout ce que je t’ai fait, Swann. Je… je n’ai jamais voulu te faire du mal…


— Mais tu l’as fait.


Ses doigts se referment sur les miens. Je retiens mon souffle. Mais ils ne me touchent pas pour un contact romantique, non. Swann serre les dents avant de me forcer à lâcher son sweat. Ses yeux bleus sont si… tristes.


— Swann ! beugle un homme qui fonce droit sur nous.


Mon charmant voisin se détourne violemment, ne me laissant que son dos à regarder. L’homme, très probablement son père, le saisit par le coude.


— Qu’est-ce que tu fais dehors à cette heure ? grogne-t-il. Tu sais que tu dois me dire où tu vas…


— Désolé, papa… je voulais juste prendre l’air deux minutes…


— Sauf que tu es sorti depuis bien plus longtemps ! Rentre immédiatement. Et toi, dit-il en me pointant du doigt alors que je récupère mes béquilles, arrête d’influencer mon gamin. Depuis que ta mère et toi avez emménagé, il n’en fait qu’à sa tête…

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