Fyctia
Chapitre 40 (2/2)
— Euh… je suis plutôt du genre solitaire. Je… je ne… j’ai du mal à laisser les gens entrer…
— Compte tenu de ce que tu as pu vivre, c’est plutôt compréhensible. Mais, est-ce que tu aimerais ? Avoir des amis ?
— Euh… j’en ai une, en fait. Une meilleure amie, Élie. Elle est formidable, elle m’a soutenu du mieux qu’elle a pu quand je me suis fait harcelé, et on s’appelle tous les jours…
— Elle n’habite pas ici, alors ?
— Non… mais elle vient passer les vacances chez moi. Elle arrive ce soir d’ailleurs, souris-je en serrant davantage Patrick contre mon torse.
— C’est une très bonne nouvelle ça ! C’est important d’avoir des repères auxquels se raccrocher quand tout change autour de soi.
Je hoche la tête. J’ai tellement hâte de la retrouver. J’ai plus que jamais besoin de ma meilleure amie.
— Je… j’avais d’autres amis avant. Mais quand j’ai fait mon coming out, certains d’entre eux n’ont pas… accepté. Élie a été la seule à rester, vraiment. Je crois que ça a brisé quelque chose en moi. J’aimerais me faire d’autres amis, mais… j’ai peur qu’ils me rejètent, qu’ils n’acceptent pas qui je suis vraiment… Je me suis dit qu’en changeant de lycée, je pourrais être qui je voulais. Mais au final, je suis toujours moi. Je ne sais pas comment être quelqu’un d’autre.
Madame Thomas griffonne dans son carnet. Elle me dévisage un instant.
— Tu n’as pas besoin d’être quelqu’un d’autre pour qu’on t’accepte, Alix. Arrête-moi si je me trompe, mais je pense que le réel problème ne vient pas des autres, mais du fait que tu ne t’acceptes pas toi-même.
Je secoue la tête.
— Est-ce que tu voudrais bien me dire pourquoi est-ce que tu te fais du mal ? ajoute-t-elle en pointant son index sur le bandage qui dépasse de mon sweat.
Je me décompose. Je serre les mâchoires pour ne pas me mettre à pleurer.
— Je…
Je déteste cette vulnérabilité. Je me sens jugé, scruté dans les moindres détails. Qu’est-ce qu’elle pense de moi ?
— Je…
Ma voix se brise.
— Tout va bien, Alix. Si tu ne veux pas en parler, ce n’est pas un problème. Prends ton temps, d’accord ?
Je renifle et plonge mes yeux dans les grandes billes de Patrick. Lui me comprend. Il ne me juge jamais. Il est toujours là, près de moi.
— Et si on changeait de sujet ? propose la psychologue. Est-ce que tu as quelqu’un dans ta vie ?
Il ne m’en faut pas plus pour exploser en sanglots. Madame Thomas se mord la lèvre, coupable, puis pousse la boite de mouchoirs posée sur la table basse entre nous, vers moi. Je passe le reste de la séance à parler de Swann. Ma bouche vomit des mots les uns après les autres sans que je ne contrôle rien.
— Je suis vraiment désolée mais le temps est écoulé, Alix, grimace-t-elle, les yeux rivés sur sa montre. J’ai été ravie de te rencontrer et j’espère te revoir bientôt. Tu veux que je note le prochain rendez-vous tout de suite, ou tu me rappelles ?
Je fourre Patrick dans mon sac à dos.
— Euh… je me sens à l’aise avec vous, alors…
Elle étire un grand sourire et dégaine son carnet de rendez-vous.
— Je t’écoute.
— Euh… la semaine prochaine ? demandé-je en passant nerveusement ma main dans mes boucles blondes.
— Même jour, même heure ?
Je hoche la tête. C’est à croire qu’elle m’a déjà cerné.
— Bon, à la semaine prochaine alors, Alix.
Elle se lève et me raccompagne jusqu’à la porte. Je serre timidement la main qu’elle me tend. Ma mère est assise sur l’un des fauteuils de la salle d’attente. Elle lève le nez de son portable et me sourit. Mais je ne lui souris pas en retour. Je suis à nouveau en colère contre elle, même si je déteste ça.
2 commentaires
Elisha Lowann / Myrtille Lalau
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Il y a 2 ans